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25/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12649

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 avril 2001, 12649


Tribunal administratif N° 12649 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par les époux … ISLAMOVIC et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12649 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2000, par Maître Albert RODESCH, av

ocat à la Cour, assisté de Maître Paul SCHROEDER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre ...

Tribunal administratif N° 12649 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par les époux … ISLAMOVIC et … et consorts, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12649 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 décembre 2000, par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, assisté de Maître Paul SCHROEDER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … et … ISLAMOVIC-…, nés respectivement le … à Paljero Tutin et le … à Novi Pazar, originaires du Monténégro, agissant pour eux mêmes ainsi qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … et …, nés respectivement les … et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 8 septembre 2000, notifiée le 20 octobre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 février 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en ses plaidoiries à l’audience publique du 2 avril 2001.

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Le 16 février 1999, les époux … et … ISLAMOVIC-…, préqualifiés, agissant pour eux mêmes ainsi qu’en nom et pour compte de leurs enfants … et …, introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des 1 réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Les époux ISLAMOVIC-… furent entendus en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-

ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Ils furent entendus séparément le 18 août 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 8 septembre 2000, notifiée le 2 octobre 2000, le ministre de la Justice informa les époux ISLAMOVIC-… de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalitié ou de l’appartence à un groupe social ne serait pas établie dans leur chef.

Le recours gracieux introduit en date du 31 octobre 2000 par les époux ISLAMOVIC-

… par l’intermédiaire de leur mandataire à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 8 septembre 2000 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 21 novembre 2000, ils ont fait introduire en date du 19 décembre 2000 un recours contentieux tendant à la réformation de ladite décision ministérielle du 8 septembre 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit. Ledit recours est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, les demandeurs font valoir que ce serait à tort que le ministre a refusé de faire droit à leur demande en obtention du statut de réfugié politique au motif qu’aucune crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social ne serait établie dans leur chef. Ils relèvent plus particulièrement à cet égard que Monsieur ISLAMOVIC n’aurait pas effectué son service militaire malgré plusieurs appels afférents et que suite à ce refus de se faire enrôler, un “ avis de police d’arrestation ” aurait été lancé à son encontre en date du 22 août 2000. Ils font valoir que les personnes n’ayant pas répondu aux appels extraordinaires pour faire le service militaire risqueraient des peines d’emprisonnement. Par ailleurs la région dont ils sont originaires, même si elle connaîtrait actuellement une relative situation de paix, présenterait toujours un risque de persécution dans leur chef en cas de retour. Ils font valoir que ce risque de persécution serait encore aggravé par le fait que Monsieur ISLAMOVIC serait membre actif du parti politique SDA.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des consorts ISLAMOVIC-… et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de 2 sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux ISLAMOVIC-… lors de leurs auditions respectives en date du 18 août 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, l’insoumission, premier motif de persécution allégué, n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef des demandeurs, une crainte justifiée d’être persécutés dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

En outre, il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que Monsieur ISLAMOVIC risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires risquaient ou risquent de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur ISLAMOVIC n’établit pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la réticence du gouvernement monténégrin de coopérer avec les autorités fédérales en ce qui concerne l’exécution des peines prononcées et de la loi d’amnistie votée récemment par les deux chambres du Parlement de la République Fédérale Yougoslave visant les déserteurs et insoumis 3 de l’armée fédérale, que des poursuites pénales sont encore susceptibles d’être entamées et, surtout, que des jugements prononcés sont encore exécutés effectivement.

Ensuite, concernant les opinions politiques et l’appartenance au parti SDA, et le risque accru de persécution afférent allégué, il convient de relever qu’un risque de persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant de groupes de la population, en l’espèce les opposants politiques du président monténégrin et de son parti politique vis-à-vis des membres dudit parti et de ses proches, abstraction même faite de ce que les demandeurs n’ont pas fait état d’un rôle actif joué au sein dudit parti, ne peut être reconnu comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si la personne en cause ne bénéficie pas de la protection des autorités de son pays. Or, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée. Il faut en plus que le demandeur d’asile ait concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers (cf. Jean-Yves Carlier : Qu’est-ce-qu’un réfugié ?, p. 113, nos 73-s).

En l’espèce, les demandeurs font état de leur crainte générale, non autrement circonstanciée, de voir commettre des actes de violence à leur encontre, mais ne démontrent point que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place encourageraient d’éventuelles exactions ou ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants du Monténégro.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 avril 2001 par:

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge 4 M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Campill 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12649
Date de la décision : 25/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-25;12649 ?

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