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25/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12624

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 avril 2001, 12624


Numéro 12624 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001 Recours formé par les époux … et …. MURIC-… et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12624 du rôle, déposée le 14 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître François COL

LOT, avocat à la Cour, assisté de Maître Céline BOTTAZZO, avocat, tous les deux inscrits au ta...

Numéro 12624 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001 Recours formé par les époux … et …. MURIC-… et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12624 du rôle, déposée le 14 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître François COLLOT, avocat à la Cour, assisté de Maître Céline BOTTAZZO, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MURIC, né le … à Rozaje (Monténégro), de nationalité yougoslave, et de son épouse, Madame …, née le … à Dolovo Tutin (Serbie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L- … , agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs communs … et … , nés respectivement le … et le … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 10 novembre 2000 confirmant la décision du même ministre du 3 août 2000 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 janvier 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Céline BOTTAZZO et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mars 2001.

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En date du 11 juin 1999, Madame … introduisit en son propre nom et pour compte de son fils mineur … auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Madame … fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Son époux, Monsieur … MURIC présenta une demande tendant aux mêmes fins le 21 juin 1999, date à laquelle il fut également entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Madame … fut entendue en date du 13 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande, tandis qu’une audition afférente de Monsieur MURIC eut lieu le 19 novembre 1999.

Le ministre de la Justice informa les époux MURIC-… par lettre du 3 août 2000, leur notifiée en date du 26 septembre 2000, que leur demande d’asile avait été rejetée au motifs suivants : « (…) Il résulte de ce dernier rapport que vous, Monsieur, vous étiez en possession d'une « Duldung » en Allemagne, valable jusqu'au 30 juin 1999. D'après le LRA Waldeck-

Frankenberg à Korbach, vous êtes parti pour une destination inconnue le 14 juin 1999. Vous étiez jusque-là en possession d'un passeport portant le numéro CG 198637.

En ce qui vous concerne, Madame, vous êtes entrée sur le territoire allemand en date du 29 mars 1995 et vous y avez résidé illégalement jusqu'au 6 juin 1999, date à laquelle vous avez été déclarée partie pour une destination inconnue. Contrairement à votre déclaration votre fils n'est pas né en 1996 à Rozaje au Monténégro mais à Frankenberg près de Korbach.

Je dois conclure, sur base des renseignements dont je dispose, que vous avez fait de fausses déclarations à votre arrivée ainsi que lors de l'audition par l'agent du Ministère de la Justice. Ainsi vous n'êtes pas retournés au Monténégro en 1996, mais vous êtes venus en juin 1999 directement d'Allemagne au Luxembourg. De même, Monsieur, n'avez-vous pas déserté de l'armée comme vous l'avez affirmé lors de votre audition. Vous restez d'ailleurs en défaut d'apporter le moindre élément de preuve concernant votre séjour au Monténégro. En effet, ni l'appel, ni la convocation pour le tribunal militaire, n'ont exigé votre présence physique sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.

Or selon l'article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, « une demande d'asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu'elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur 2 d'asile d'être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d'asile ». Par ailleurs, l'article 6 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 précitée, précise dans son §2 b) que tel est notamment le cas lorsque le demandeur a « délibérément fait de fausses déclarations verbales ou écrites au sujet de sa demande, après avoir demandé l'asile ».

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme manifestement infondées au sens de l'article 9 de la de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Le recours gracieux introduit par les époux MURIC-… par l’intermédiaire de leur mandataire en date du 26 octobre 2000 à l’encontre de la décision ministérielle précitée s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 10 novembre 2000, ils ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision précitée du 10 novembre 2000 par requête déposé en date du 14 décembre 2000.

L’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire, prévoyant expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de cette même loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation des décisions ministérielles critiquées formulée à travers la requête sous analyse. Dans une matière dans laquelle seul un recours en annulation est prévu par la loi, le recours introduit sous forme de recours en réformation est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués, à condition d’observer les règles de procédure et les délais sous lesquels le recours en annulation doit être introduit (v. trib. adm. 26 mai 1997, n° 9370 du rôle, Pas. adm. 1/2000, v° Recours en annulation, n° 25, page 308).

Le recours en réformation sous analyse dirigé contre la décision confirmative du 10 novembre 2000 et contre la décision initiale du 3 août 2000 est recevable pour avoir par ailleurs été déposé dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs contestent la réalité des faits invoqués par le ministre et font valoir qu’après avoir effectivement vécu en Allemagne de 1991 à 1997, ils seraient retournés au Monténégro en 1997 et auraient été contraints d’en repartir en 1999 au moment de la guerre du Kosovo pour se diriger cette fois-ci vers le Luxembourg. Ils renvoient encore à leur appartenance à la population musulmane de la région de Rozaje au Monténégro, sous contrôle serbe, subissant de nombreuses persécutions fondées sur la politique d’épuration ethnique du gouvernement serbe. Ils prétendent que le demandeur … MURIC aurait déserté de l’armée yougoslave au moment du conflit du Kosovo et risquerait de ce fait une condamnation à une peine de prison de trois à cinq ans en cas de retour. Ils affirment encore que leur crainte serait fondée sur des motifs d’ordre religieux alors que le respect de la liberté religieuse ne serait pas garanti au sein de l’armée yougoslave.

Le délégué du Gouvernement rétorque que les demandeurs auraient fondé leur demande d’asile sur une fraude délibérée, étant donné que leurs déclarations mensongères lors de leurs auditions respectives se verraient contredites par le résultat des recherches effectuées par le service de police judiciaire révélant leur séjour en Allemagne jusqu’au dépôt de leur demande d’asile au Luxembourg.

3 Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de fondement ou si la demande repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ».

En vertu de l’article 6, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile ». Le même article précise dans son alinéa 2 sub b) que tel est notamment le cas lorsque le demandeur a « délibérément fait de fausses déclarations verbales ou écrites au sujet de sa demande, après avoir demandé l’asile ».

En l’espèce, il ressort des procès-verbaux des auditions respectives des demandeurs par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale en dates des 11 et 21 juin 1999 que les demandeurs ont affirmé être partis de Rozaje pour rejoindre le Grand-Duché en suivant des trajets distincts après avoir été séparés en cours de route par l’armée serbe, le demandeur … MURIC ayant encore précisé avoir vécu de 1991 à 1996 en Allemagne sur base d’une « Duldung » et être retourné au Monténégro en 1996. Lors de son audition du 19 novembre 1999, il a déclaré s’être enfui du Monténégro au moment de la guerre de Bosnie pour vivre durant six années en Allemagne et retourner ensuite au Monténégro, avoir été convoqué pour la réserve cinq à six mois avant son arrivée au Luxembourg et avoir pris la fuite suite à une visite de la police militaire à son domicile trois jours après la notification de sa convocation à la réserve.

Il se dégage d’un autre côté du rapport du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux du 4 juillet 2000 que les recherches engagées, suite à une information anonyme, auraient révélé que le demandeur … MURIC aurait bénéficié d’une « Duldung » jusqu’au 30 juin 1999 et aurait été inscrit auprès du LRA Waldeck-Frankenberg à Korbach (D) jusqu’au 14 juin 1999, date à laquelle il serait parti pour une destination inconnue. Le même rapport impute à la demanderesse Nevzeta … un séjour illégal en Allemagne du moins depuis le 29 mars 1995 et une déclaration de départ à destination inconnue en date du 6 juin 1999. Ce même rapport précise que le fils Salmen des demandeurs ne serait pas né à Rozaje, mais à Frankenberg.

Pour ébranler la véracité des éléments ainsi contenus au prédit rapport du 4 juillet 2000, les demandeurs ont soumis au tribunal une autorisation de faire le commerce délivrée en date du 17 décembre 1997 au demandeur … MURIC par le secrétariat de l’Economie et des Finances du Monténégro et des copies de deux contrats passés par ce dernier en dates des 22 octobre 1998 et 22 décembre 1997 dans le cadre de sa prétendue activité professionnelle d’achat et de vente de marchandises.

Face aux constatations susvisées des agents du service de police judiciaire suite aux informations fournies par les autorités allemandes, les allégations contraires des demandeurs, appuyées par de simples copies de documents partiellement peu lisibles et par ailleurs non traduits, ne sont pas de nature à ébranler à suffisance la réalité des faits se dégageant dudit rapport et révélant une présence continue en Allemagne des demandeurs jusqu’à leur entrée sur le territoire du Grand-Duché pour y déposer leur demande d’asile ayant fait l’objet de la décision ministérielle entreprise.

4 Il se dégage de ces éléments que le ministre a valablement pu retenir que les demandeurs ont fait de fausses déclarations à l’appui de leur demande d’asile, de manière à estimer que leur demande tombe dans le cas d’ouverture prévu par l’article 6 alinéa 2 sub b) du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 prévisé permettant au ministre de la considérer comme manifestement infondée.

Dans la mesure où les demandeurs sont restés en défaut de donner une explication satisfaisante relative à la fraude leur reprochée, conformément aux dispositions de l’article 6 alinéa 3 du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 précité, il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu considérer la demande d’asile présentée par les époux MURIC-… comme manifestement infondée en retenant dans leur chef une fraude délibérée. Le recours est partant à rejeter.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme dans la mesure des moyens d’annulation présentés, au fond le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 avril 2001 par:

Mme LENERT, premier juge, Mme LAMESCH, juge M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12624
Date de la décision : 25/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-25;12624 ?

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