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25/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12584

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 avril 2001, 12584


Tribunal administratif N° 12584 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par les époux … et … BALOTA-…, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12584 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2000 par Maître C

harles OSSOLA, avocat à la Cour, assisté de Maître Michel BULACH, avocat, tous les deux inscrits au table...

Tribunal administratif N° 12584 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par les époux … et … BALOTA-…, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12584 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2000 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, assisté de Maître Michel BULACH, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … BALOTA, né le … à Rozaje (Monténégro), et …, née le …. à Rozaje (Monténégro), agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants … , née le … et … Elma, née le … , tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 6 septembre 2000, notifiée le 14 septembre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre datant du 8 novembre 2000 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Michel BULACH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 mars 2001.

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Le 22 février 1999, les époux BALOTA-…, préqualifiés, agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leur enfant … , introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New 1 York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

En date du 24 février 1999, les époux BALOTA-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-

ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Les époux BALOTA-… furent entendus séparément en date du 26 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 6 septembre 2000, notifiée le 14 septembre 2000, le ministre de la Justice informa les époux BALOTA-… de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient tous les deux aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans leur chef.

Le recours gracieux que les époux BALOTA-… ont fait introduire par courrier de leur mandataire datant du 12 octobre 2000 s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 8 novembre 2000, ils ont fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 6 septembre 2000 par requête déposée le 8 décembre 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs font exposer qu’ils ont quitté le Monténégro notamment en raison de l’imminence de l’appel de Monsieur BALOTA sous les drapeaux et que ce dernier risquerait dès lors d’encourir une peine pour insoumission qui pourrait être d’une sévérité disproportionnée en raison de sa confession musulmane. Ils estiment que ce serait partant à tort que le ministre a écarté l’existence vérifiée dans leur chef d’une crainte de persécution pour insoumission en cas de retour dans leur pays d’origine. Ils font valoir en outre qu’eu égard à la situation actuelle en Yougoslavie il serait raisonnable de croire que leur retour au Monténégro serait suivi de nombreuses menaces, violences ou représailles motivées par le fait qu’ils ont quitté ce pays. Ils en déduisent que la décision ministérielle déférée ne serait justifiée ni en fait, ni en droit.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

2 La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs. Il appartient aux demandeurs d’asile d’établir avec la précision requise qu’ils remplissent les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux BALOTA-HALILLOVIC lors de leurs auditions en date du 26 juillet 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que, d’une part, l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef de Monsieur BALOTA une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et que, d’autre part, il n’est pas établi qu’actuellement Monsieur BALOTA risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance à une minorité religieuse, risquent de lui être infligés, ni encore que la condamnation qu’il risque d’encourir le cas échéant en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité objective d’une telle infraction ou que la peine afférente soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur BALOTA n’établit pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la réticence du gouvernement monténégrin de coopérer avec les autorités fédérales en ce qui concerne l’exécution des peines prononcées du chef d’insoumission, ainsi que des lois d’amnistie votées tant par le parlement du Monténégro que, plus récemment, par le parlement yougoslave visant toutes les deux les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale serbe, que les condamnations prononcées sont encore effectivement exécutées.

3 Les demandeurs ont par ailleurs expressément déclaré lors de leur audition qu’ils n’étaient pas membres d’un parti politique dans leur pays d’origine, qu’ils n’avaient aucune activité politique et qu’ils n’étaient pas persécutés par les autorités monténégrines, mais que leur peur tenait essentiellement au fait que Monsieur BALOTA risquerait d’encourir une peine du chef d’insoumission et craindrait d’être traité différemment du fait de sa religion musulmane, ainsi qu’à des considérations d’ordre économique.

Les arguments et déclarations faites par les demandeurs se limitent partant essentiellement aux conséquences de l’insoumission de Monsieur BALOTA, sans qu’ils fassent état d’une persécution vécue ou d’une crainte qui seraient telles que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé aux demandeurs la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 avril 2001 par:

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12584
Date de la décision : 25/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-25;12584 ?

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