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25/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12582

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 avril 2001, 12582


Tribunal administratif N° 12582 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par Monsieur … SAHMAN, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12582 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2000, par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, assis

té de Maître Annick DENNEWALD, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Lux...

Tribunal administratif N° 12582 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par Monsieur … SAHMAN, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12582 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2000, par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, assisté de Maître Annick DENNEWALD, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SAHMAN, né le … à Bijelo Polje (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 31 juillet 2000, notifiée le 15 septembre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que contre une décision confirmative du même ministre du 8 novembre 2000 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2001;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 février 2001 au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Annick DENNEWALD et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 mars 2001.

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Le 19 avril 1999, Monsieur … SAHMAN, préqualifié, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 En date du même jour, Monsieur SAHMAN fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il fut entendu en date du 18 mai 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 31 juillet 2000, notifiée le 15 septembre 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur SAHMAN de ce que sa demande avait été rejetée au motif qu’il n’alléguerait aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre sa vie intolérable dans son pays, de sorte qu’une crainte justifiée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social ne serait pas établie dans son chef.

Le recours gracieux que Monsieur SAHMAN a fait introduire par courrier de son mandataire datant du 13 octobre 2000 à l’encontre de la décision ministérielle précitée s’étant soldée par une décision confirmative du ministre du 8 novembre 2000, il a fait introduire en date du 8 décembre 2000 un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions précitées du ministre de la Justice des 31 juillet et 8 novembre 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles déférées. Le recours en réformation, formulé en ordre principal et ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, est dès lors recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Le demandeur fait exposer qu’il serait originaire du Monténégro, de religion musulmane et que sa fuite de son pays d’origine aurait été motivée par l’imminence de son appel sous les drapeaux de l’armée serbe, étant donné qu’il aurait existé un réel risque dans son chef d’être envoyé au front du Kosovo. Il fait valoir que ce refus d’effectuer son service militaire l’exposerait à un risque de persécution en cas de retour au Monténégro, étant donné que son frère aîné aurait subi une lourde peine de prison du chef d’insoumission. Il fait valoir en outre que son père serait membre actif du parti « promonténégrin » SDA et que de ce fait toute la famille vivrait dans la crainte constante de persécution de la part des autorités serbes.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut 2 ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur SAHMAN lors de son audition respective en date du 18 mai 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, l’insoumission, principal motif de persécution allégué, n’est pas, en elle-même un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

En outre, il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que Monsieur SAHMAN risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, risquaient ou risquent de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Le demandeur a par ailleurs expressément déclaré lors de son audition qu’il n’était pas membre d’un parti politique dans son pays d’origine, qu’il n’avait aucune activité politique et qu’il n’était pas persécuté par les autorités monténégrines, mais que sa peur tenait exclusivement au fait de ne pas avoir répondu à l’appel pour la réserve, qui aurait été imminent dans son chef lors de son départ, étant donné que traduit devant un tribunal militaire il risquerait d’encourir une peine d’emprisonnement. Concernant ce dernier point, il convient encore d’ajouter que si des condamnations à des peines d’emprisonnement de plusieurs années 3 ont été prononcées dans un passé récent à l’égard de déserteurs et d’insoumis, Monsieur SAHMAN n’établit pas, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la réticence du gouvernement monténégrin de coopérer avec les autorités fédérales en ce qui concerne l’exécution des peines prononcées du chef d’insoumission, ainsi que des lois d’amnistie votées tant par le parlement du Monténégro que, plus récemment, par le parlement yougoslave visant toutes les deux les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale serbe, que les condamnations prononcées sont encore effectivement exécutées.

Concernant l’activité politique alléguée de son père, force est encore de constater que le demandeur reste en défaut de faire état d’avoir subi de ce chef une persécution vécue ou d’une crainte qui seraient telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé au demandeur la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 avril 2001 par:

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12582
Date de la décision : 25/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-25;12582 ?

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