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25/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12556

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 avril 2001, 12556


Numéro 12556 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001 Recours formé par les époux … et … VEJSELOVIC-…, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12556 du rôle, déposée le 7 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Isabel DIAS, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … VEJSELOVIC, ...

Numéro 12556 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001 Recours formé par les époux … et … VEJSELOVIC-…, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12556 du rôle, déposée le 7 décembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Isabel DIAS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … VEJSELOVIC, né le … à Dubovo/Tutin (Serbie), et de son épouse, Madame …, née le … à Dedane/Tutin (Serbie), tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L- … , agissant en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur enfant mineur commun …, né le … à Dubova/Tutin (Serbie), tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 14 septembre 2000 rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc WALCH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2001.

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Le 5 novembre 1997, Monsieur … VEJSELOVIC et son épouse, Madame …, préqualifiés, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, les époux VEJSELOVIC-… furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-

ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Leur enfant commun, Elvir VEJSELOVIC, préqualifié, présenta une demande tendant aux mêmes fins le 12 mai 1999, date à laquelle il fut également entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Les époux VEJSELOVIC-… furent entendus séparément en date du 3 novembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa les époux VEJSELOVIC-…, par lettre du 14 septembre 2000, notifiée en date du 10 novembre 2000, que leur demande avait été rejetée aux motifs suivants : « (..) Il résulte de vos déclarations, Monsieur, qu'en date du 12 novembre 1998, vous êtes arrivé avec votre épouse au Luxembourg à l'aide d'un visa. Vous avez obtenu une prolongation du visa. Vous avez ensuite déposé des demandes en obtention du statut de réfugié en date du 14 janvier 1999. Votre fils Elvir est arrivé au Luxembourg en date du 11 mai 1999.

Monsieur, vous admettez ne pas être membre d'un parti politique. Vous dites être handicapé physique et ne pas pouvoir vivre de la pension qui vous est allouée. Vous exposez' également que vous n'auriez pas personnellement subi de persécutions.

En ce qui vous concerne, Madame, vous n'êtes pas non plus membre d'un parti politique. Vous admettez ne pas avoir été personnellement persécutée. Enfin, vous relevez que les musulmans n'auraient pas de droits en Serbie et que la pension allouée à votre époux serait insuffisante pour vivre.

Force est de constater que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Vous n'invoquez que des motifs d'ordre personnel sans citer un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Vous admettez d'ailleurs tous les deux ne pas avoir personnellement subi de persécutions. Par ailleurs, une situation de paix s'est établie dans votre pays d'origine.

Par conséquent vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile ; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (..) ».

2 A l’encontre de cette décision ministérielle de rejet du 14 septembre 2000, les époux VEJSELOVIC-… ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 7 décembre 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est partant irrecevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent qu’ils seraient persécutés dans leur pays d’origine en raison de leur religion musulmane et « qu’aucun droit ne leur est accordé en Serbie ». Ils renvoient au handicap physique dont souffrirait le demandeur … VEJSELOVIC et le « dédain certain » dont il ferait l’objet du fait de ce défaut physique. Les demandeurs font enfin valoir que tous les membres de leur famille seraient déjà partis de Serbie, de sorte qu’ils ne disposeraient plus d’aucune attache dans leur pays d’origine et concluent avoir invoqué une crainte raisonnable de persécution en raison de leur religion susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, v° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d’asile, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux VEJSELOVIC-… lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons 3 personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2.

de la Convention de Genève.

En effet, le moyen des demandeurs tiré de craintes de persécutions en raison de leur appartenance à la communauté religieuse musulmane constitue en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans que les demandeurs n’aient établi, voire même allégué un état de persécution personnelle vécu ou une crainte qui serait telle que leur vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine. Lors de leurs auditions respectives, les demandeurs ont par ailleurs confirmé ne pas avoir subi de persécutions et n’avoir peur de personne, leur religion musulmane impliquant une privation de tous droits – non autrement spécifiée - dans leur chef. Madame … a encore déclaré « nous sommes venus rendre visite à notre fille qui habite depuis longtemps ici. Nous avions un visa pour venir. La situation s’étant aggravée en Yougoslavie, nous avons demandé une prolongation du visa. Maintenant on se plaît ici et nous voulons rester. Tout le monde sait qu’on ne peut pas vivre là-bas », tandis que Monsieur VEJSELOVIC a admis que « la rente que je touche (50.- DM/mois) ne suffit pas pour vivre. Pour cette raison je demande de pouvoir vivre ici au Luxembourg ».

En outre, le handicap physique du demandeur … VEJSELOVIC ne saurait justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève, étant donné que les demandeurs laissent d’établir un quelconque indice tendant à faire admettre un risque de persécutions de ce chef.

Enfin, le défaut d’attache familiale des demandeurs dans leur pays d’origine reste sans incidence sur l’appréciation de l’existence d’une crainte avec raison de persécution dans leur chef.

Il résulte des développements qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé aux demandeurs la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours principal en réformation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 avril 2001 par:

M. CAMPILL, premier juge, Mme LENERT, premier juge, 4 M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. CAMPILL 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12556
Date de la décision : 25/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-25;12556 ?

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