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25/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12537

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 avril 2001, 12537


Tribunal administratif N° 12537 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par les époux … MASOVIC et …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12537 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2000 par Maître Ardava

n FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des é...

Tribunal administratif N° 12537 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 décembre 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par les époux … MASOVIC et …, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12537 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 décembre 2000 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des époux … MASOVIC, né le … à Tutin (Serbie), et …, née le … à Tutin (Serbie), agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …et …, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L- … , tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 8 août 2000, notifiée en date du 21 septembre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 8 novembre 2000 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2001 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH au nom des demandeurs;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 26 mars 2001.

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Le 25 mai 1999, les époux … MASOVIC et …, préqualifiés, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, 1 fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du 2 juin 1999, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Les époux MASOVIC-… furent entendus séparément en date du 14 décembre 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leur demande d’asile.

Par décision du 8 août 2000, notifiée le 21 septembre 2000, le ministre de la Justice informa les époux MASOVIC-… de ce que leur demande avait été rejetée au motif qu’ils n’allégueraient tous les deux aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays d’origine.

Par courrier de leur mandataire datant du 23 octobre 2000, les époux MASOVIC-… ont fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre de la Justice du 8 novembre 2000, ils ont fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des décisions ministérielles des 8 août et 8 novembre 2000 précitées.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent être originaires de la ville de Tutin, de confession musulmane et appartenir à la minorité ethnique des bochniaques, ainsi que d’avoir décidé de quitter leur pays d’origine en direction du Luxembourg afin de se soustraire à des persécutions dont ils auraient été victimes en raison de leur dite appartenance ethnique. Ils font valoir plus particulièrement à cet égard que Monsieur MASOVIC, après avoir été directeur d’un établissement scolaire, aurait été muté vers un poste d’enseignant pour ne pas avoir été membre d’un des partis de coalition au pouvoir, et qu’ils auraient par ailleurs été victimes de menaces, d’injures, et d’humiliations en raison de leur confession religieuse et de leur appartenance ethnique. Ils estiment que la dégradation professionnelle de Monsieur MASOVIC serait constitutive d’une atteinte à ses droits civils et politiques et partant constitutive d’une persécution au sens de la Convention de Genève qui, ensemble avec les menaces et injures dont ils auraient fait l’objet, justifierait dans leur chef l’existence d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève en cas de retour dans leur pays d’origine. Ils concluent partant à la réformation des décisions ministérielles déférées pour défaut de motifs valables, sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social 2 ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle des demandeurs, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations des demandeurs. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les époux MASOVIC-… lors de leurs auditions en date du 14 décembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, force est de constater que les déclarations des demandeurs tenant à leur appartenance à la minorité bochniaque ainsi que de manière plus générale à leur confession musulmane constituent l’expression d’un sentiment général de peur, sans qu’ils fassent cependant état d’une persécution vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine. Concernant plus particulièrement la mutation professionnelle de Monsieur MASOVIC, c’est encore à juste titre que le représentant étatique a relevé que, même à la supposer établie, elle ne constitue pas une persécution mais tout au plus une discrimination par rapport à laquelle les demandeurs restent en défaut d’établir des circonstances exceptionnelles lui valant le caractère d’une persécution au sens de la Convention de Genève.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé aux demandeurs la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme étant non fondé.

Par ces motifs, 3 le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 avril 2001 par :

Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12537
Date de la décision : 25/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-25;12537 ?

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