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25/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12413

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 avril 2001, 12413


Tribunal administratif N° 12413 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par Monsieur … ALIU, … et la société à responsabilité limitée S & A, Luxembourg contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12413 du rôle et déposée au greffe du tribunal admi

nistratif le 19 octobre 2000 par Maître Marc MODERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre d...

Tribunal administratif N° 12413 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par Monsieur … ALIU, … et la société à responsabilité limitée S & A, Luxembourg contre une décision du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12413 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2000 par Maître Marc MODERT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ALIU, né le … , de nationalité albanaise, demeurant à L- … , et de la société à responsabilité limitée S & A, établie et ayant son siège social à L-1945 Luxembourg, 8b, rue de la Loge, faisant le commerce sous l’enseigne « Restaurant Grec TO KASTRO », tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 19 juillet 2000 refusant d’accorder le permis de travail à Monsieur … ALIU pour un emploi auprès de la société à responsabilité limitée S & A, ainsi que de la décision confirmative du même ministre du 21 août 2000 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 janvier 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en ses plaidoiries à l’audience publique du 26 mars 2001.

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Par arrêté du 19 juillet 2000, le ministre du Travail et de l’Emploi a refusé le permis de travail à Monsieur … ALIU, préqualifié, « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 1666 ouvriers non-qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi ;

- priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) ;

- poste de travail non déclaré vacant par l’employeur ;

- occupation irrégulière depuis le 16.06.2000 ;

- augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi durant les six dernières années : 3.526 en 1993 / 5.351 en 1999 » ;

Par courrier du 30 juillet 2000, Monsieur …, en sa qualité de gérant du Restaurant Grec TO KASTRO, formula une nouvelle demande en obtention du permis de travail pour Monsieur ALIU en invoquant les motifs suivants :

« 1. J’ai demandé aux services de l’Administration de l’Emploi de m’aider à trouver une personne sachant faire la cuisine grecque mais à ce jour toujours personne et je me dois d’un certain respect de la qualité de notre gastronomie vis-à-vis de notre clientèle fidèle luxembourgeoise.

2. Nous avons formé à notre image en l’impliquant de plus en plus dans la qualité de notre cuisine très typique cet ouvrier qui a le mérite d’avoir appris avec un de nos meilleurs chefs grecs.

Nous avons la chance d’avoir une personne compétente et très sérieuse qui mérite de réussir sa vie professionnelle.

3. Lorsque l’on a la chance d’avoir un ouvrier de cette qualité, en tant qu’employeur on essaye de faire tout ce qui est légalement possible pour les garder ».

Cette demande fut rencontrée par une lettre du ministre du Travail et de l’Emploi du 21 août 2000 informant le restaurant grec TO KASTRO que faute d’éléments nouveaux il n’était pas en mesure de revenir sur sa décision initiale du 19 juillet 2000. Par ce même courrier le ministre compléta les motifs indiqués dans son arrêté du 19 juillet 2000 dans les termes suivants :

« (…) Je tiens à vous informer que la décision du Conseil de Gouvernement d’octroyer une autorisation d’occupation temporaire aux réfugiés en provenance des régions des Balkans était strictement limitée à la durée d’existence d’un conflit armé dans cette région.

Un tel conflit n’existant plus, le Conseil de Gouvernement n’a plus reconnu la région des Balkans comme étant en guerre, de sorte que le régime des autorisations d’occupation temporaire est venu à expiration en date du 15 juin 2000.

Par ailleurs, tant vous que le sieur ALIU étaient conscients du fait que les réfugiés ne seraient que temporairement autorisés à exercer un emploi salarié au Grand-Duché alors que le Gouvernement n’a jamais laissé planer le doute sur sa détermination de ne pas régulariser la situation des réfugiés en provenance des régions des Balkans et qu’ils devraient rentrer dans leur pays d’origine une fois les hostilités terminées.

En l’espèce, la demande d’asile du sieur ALIU a été rejetée par le ministre de la Justice et cette décision a été confirmée tant par le tribunal administratif que par la Cour administrative. Ayant épuisé ses moyens de recours, le ministre de la Justice a informé le sieur ALIU en date du 28 juillet 2000 qu’il devait quitter le territoire du Grand-Duché dans le délai d’un mois à partir de la notification de son courrier. Cet ordre de quitter le Luxembourg s’oppose à la délivrance d’une autorisation de travail (…). D’ailleurs, la délivrance d’une autorisation de travail serait parfaitement inutile, le sieur ALIU devant de toute façon quitter le territoire du Grand-Duché de Luxembourg ».

2 Par requête déposée en date du 19 octobre 2000, Monsieur … ALIU et la société à responsabilité limitée S & A ont fait introduire un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision ministérielle de refus prérelatée du 19 juillet 2000 telle que confirmée et complétée quant à ses motifs en date du 21 août 2000.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le recours en annulation est recevable pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que le sieur ALIU est arrivé au Grand-Duché de Luxembourg en tant que réfugié des Balkans et demandeur d’asile, de sorte à avoir pu obtenir une autorisation d’occupation temporaire par décision du Gouvernement en Conseil à l’instar d’autres personnes dans sa situation, qu’à ce titre il a pu prendre une occupation comme plongeur au service du restaurant grec TO KASTRO et que la direction du restaurant, se rendant compte de ses qualités et qualifications comme cuisinier adjoint pour la préparation de mets relevant de la cuisine typiquement grecque, a décidé d’entreprendre, à l’expiration de l’autorisation d’occupation temporaire, les démarches nécessaires pour obtenir soit la prolongation de cette dernière, soit un permis de travail. Ils font valoir plus particulièrement une absence radicale au Grand-Duché de Luxembourg de candidatures qualifiées pour occuper ce poste de cuisinier spécialisé en cuisine grecque pour soutenir que la décision de refus déférée placerait l’employeur dans une position d’impasse en privant Monsieur ALIU d’un poste de travail auquel aucune autre personne ne serait intéressée. Quant au motif de refus tiré de la législation applicable à l’emploi d’étrangers non communautaires, voir à celle tenant au statut de séjour de Monsieur ALIU, ils estiment que ces considérations ne relèveraient pas de la compétence du ministre du Travail et de l’Emploi mais d’un autre ressort ministériel, de sorte que la décision déférée serait entachée d’excès de pouvoir à cet égard.

Quant à la motivation de la décision déférée tenant au marché de l’emploi, ils font valoir qu’elle serait contredite par l’évidence du dossier en ce que l’Administration de l’Emploi aurait été jusque là et depuis qu’un dossier d’offre d’emploi a été établi, dans l’impossibilité radicale d’assigner n’importe quel demandeur d’emploi à se présenter auprès de la société requérante.

Les demandeurs relèvent par ailleurs que contrairement à l’affirmation de la décision déférée, le chômage au Grand-Duché de Luxembourg serait en régression constante pour ne plus être que de l’ordre de 2,5%, soit à un pourcentage qui serait suffisamment insignifiant pour être communément considéré comme exclusif et élisif d’une situation de chômage.

L’autorité investie du pouvoir respectivement d’octroyer et de renouveler le permis de travail a la faculté de le refuser en raison de considérations tirées des impératifs dérivant du marché de l’emploi du point de vue notamment de sa situation, de son évolution et de son organisation et ceci en vue de la protection sociale aussi bien des travailleurs désirant occuper un emploi au Grand-Duché que des travailleurs déjà occupés dans le pays (V° doc. parl. projet de loi n° 2097, exposé des motifs, p. 2).

Au vœu de l’article 28 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, et de l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, seuls les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union 3 Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’Espace Economique Européen (E.E.E.) sont dispensés de la formalité du permis de travail.

Il s’ensuit que la référence à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi, ainsi qu’à l’accès aux emplois disponibles de ressortissants de l’Union Européenne et de l’E.E.E. se justifie en principe, face au désir de l’employeur d’embaucher un travailleur de nationalité albanaise, c’est-à-dire originaire d’un pays tiers par rapport aux Etats membres de l’Union Européenne et des Etats parties à l’Accord sur l’E.E.E.

Il est constant au vu des pièces versées au dossier que la seconde autorisation d’occupation temporaire du demandeur lui délivrée en date du 14 janvier 2000 n’était valable que jusqu’au 15 juin 2000 et qu’avant l’expiration de cette dernière, les demandeurs ont sollicité un permis de travail pour le poste de cuisinier au restaurant grec TO KASTRO exploité par la société à responsabilité limitée S & A suivant déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention du permis de travail datée du 6 août 1999 et entrée au ministère du Travail et de l’Emploi en date du 19 mai 2000.

Il se dégage des informations non contestées en cause fournies par le représentant étatique dans son mémoire en réponse que la société demanderesse a saisi l’Administration de l’Emploi et déclaré vacant un poste de cuisinier spécialisé en cuisine grecque en date du 17 juillet 2000, soit après l’introduction de la demande en obtention d’un permis de travail pour Monsieur ALIU moyennant déclaration d’engagement prérelatée entrée à la même administration en date du 19 mai 2000.

Il se dégage encore des pièces versées au dossier qu’un nouveau contrat à durée déterminée fut conclu en date du 11 mai 2000 entre la société demanderesse et Monsieur ALIU pour la période du 15 juin au 15 décembre 2000.

Tandis que l’article 9 de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de l’Administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi prévoit une obligation générale de déclarer un poste vacant, l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972 dispose dans son alinéa 1er qu’« aucun employeur ne peut occuper un travailleur étranger non muni d’un permis de travail valable et sans avoir au préalable fait une déclaration à (l’ADEM) relative au poste de travail à occuper ». L’alinéa 3 du même article dispose que ladite déclaration de vacance de poste « doit être faite avant l’entrée en service du travailleur ».

La déclaration de poste vacant doit partant en tout état de cause être faite avant l’entrée en service du travailleur. Faute par l’employeur de ce faire, l’ADEM est partant mise dans l’impossibilité de lui attribuer utilement des candidats et de rapporter ainsi la preuve de la disponibilité concrète de main-d’œuvre apte à occuper le poste vacant.

En l’espèce, c’est à juste titre que le représentant étatique a relevé que l’employeur n’a pas respecté cette obligation pour avoir conclu en date du 11 mai 2000 déjà un nouveau contrat de travail à durée déterminée avec le sieur ALIU sans déclarer préalablement une vacance de poste à l’ADEM. Dans la mesure où la demande d’embauche formulée à travers la déclaration d’engagement entrée au ministère du Travail et de l’Emploi en date du 19 mai 2000 est de surcroît limitée à une seule personne, l’administration n’était en effet pas tenue d’assigner des candidats à l’employeur qui n’avait manifestement pas l’intention d’engager 4 une autre personne que celle nommément visée et avec laquelle il avait d’ores et déjà conclu un nouveau contrat de travail.

Dans ces circonstances, le ministre n’a pas été en mesure d’établir concrètement l’existence de travailleurs appropriés et disponibles sur place qui auraient pu bénéficier d’une priorité d’emploi en leur qualité de ressortissant d’un Etat membre de l’Union Européenne ou de l’E.E.E. avant l’entrée en service de Monsieur ALIU qui était prévue pour le 15 juin 2000.

Il suit des considérations qui précèdent que les décisions ministérielles de refus se trouvent légalement justifiées par le motif analysé ci-dessus et que le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé, sans qu’il y ait lieu d’analyser les autres moyens et arguments développés dans la requête introductive d’instance.

La procédure devant le tribunal administratif étant écrite, il est statué contradictoirement en cause, ceci malgré le fait que les demandeurs n’ont pas été représentés à l’audience publique du 26 mars 2001 à laquelle l’affaire fut plaidée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 avril 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12413
Date de la décision : 25/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-25;12413 ?

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