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25/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12022

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 avril 2001, 12022


Tribunal administratif N° 12022 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par Madame … FERREIRA et consorts contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12022 et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2000 par Maître Lydie ERR, avocat à la Cour, inscrit au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … FERREIRA, économiste à la Banque européen...

Tribunal administratif N° 12022 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2000 Audience publique du 25 avril 2001

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Recours formé par Madame … FERREIRA et consorts contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12022 et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2000 par Maître Lydie ERR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … FERREIRA, économiste à la Banque européenne d’investissement, de son époux, Monsieur …, économiste à la Banque centrale européenne, tous les deux de nationalité portugaise, demeurant ensemble à L- … et de Madame O., sans état, née le … à Russas/Ceara (Brésil), de nationalité brésilienne, demeurant également à L-2145 Luxembourg, 45, rue Cyprien Merjai, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 9 février 2000 refusant d’accorder un permis de travail à Madame O., ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 8 mars 2000 intervenue sur recours gracieux datant du 25 février 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décision critiquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport ainsi que Maître Nathalie HAGER, en remplacement de Maître Lydie ERR, en ses plaidoiries.

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Par déclaration d’engagement tenant lieu de demande en obtention du permis de travail signé par Madame … FERREIRA, préqualifiée, à une date non spécifiée, adressée à l’administration de l’Emploi, dénommée ci-après l’« ADEM », elle sollicita la délivrance d’un permis de travail pour un poste de garde d’enfant en faveur de Madame O., préqualifiée, avec effet à partir du 1er septembre 1999 avec une durée d’engagement prévue de deux ans.

Par arrêté du 9 février 2000, le ministre du Travail et de l’Emploi, dénommé ci-

après le « ministre », refusa le permis de travail à Madame O. « pour les raisons inhérentes à la situation et à l’organisation du marché de l’emploi suivantes :

- des demandeurs d’emploi appropriés sont disponibles sur place : 2018 ouvriers non qualifiés inscrits comme demandeurs d’emploi aux bureaux de placement de l’Administration de l’Emploi - priorité à l’emploi des ressortissants de l’Espace Economique Européen (E.E.E.) - poste de travail non déclaré vacant par l’employeur - occupation irrégulière depuis le 01.11.1999 - recrutement à l’étranger non autorisé - augmentation inquiétante de la moyenne des demandeurs d’emploi inscrits aux bureaux de placement de l’Administration de l’emploi durant les six dernières années : 3526 en 1993/ 5313 en 1998 ».

Par courrier de son mandataire datant du 25 février 2000, Monsieur et Madame … FERREIRA-… firent introduire un recours gracieux à l’encontre de l’arrêté ministériel précité.

Ce recours s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 8 mars 2000, Madame … FERREIRA, son époux Monsieur … ainsi que Madame O. ont fait introduire, par requête déposée le 26 mai 2000, un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions ministérielles précitées des 9 février et 8 mars 2000.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5, p. 310 et autres références y citées).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction contre une décision de refus d’un permis de travail, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Conformément aux dispositions de l’article 4 (3) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le dépôt de la requête introductive d’instance, intervenu en l’espèce le 26 mai 2000, vaut signification du recours à l’Etat. Il se dégage par ailleurs du dossier que le recours sous examen fut effectivement transmis au ministre par courrier du greffe datant du 26 mai 2000.

Il s’ensuit que dans le chef de l’Etat, le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive d’instance prévu à l’article 5 (1) de la loi précitée du 21 juin 1999 pour constituer avocat ou fournir sa réponse par l’intermédiaire d’un 2 délégué du gouvernement, a commencé à courir le 26 mai 2000 et, après avoir été suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, a expiré le 26 octobre 2000.

Ledit délai a expiré sans qu’un mémoire en réponse n’ait été déposé pour compte de l’Etat.

Même en l’absence de mémoire en réponse fourni pour compte de l’Etat dans le délai légal, le tribunal est néanmoins appelé à statuer contradictoirement à l’égard de toutes les parties, ceci conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi précitée du 21 juin 1999.

A l’appui de leur recours, les parties demanderesses exposent avoir introduit la déclaration d’engagement auprès de l’ADEM en dates respectivement des 22 juin et 11 août 1999, c’est-à-dire avant leur installation au Grand-Duché de Luxembourg, et elles reprochent au ministre d’avoir motivé ses refus de délivrer un permis de travail à Madame O. notamment par l’absence de déclaration de poste vacant, en soutenant que malgré les échanges de courrier et les entretiens qu’ils auraient eu avec l’ADEM, celle-ci n’aurait à aucun moment attiré leur attention sur l’obligation qui leur incomberait d’introduire une déclaration de vacance de poste auprès de ladite administration avant le dépôt de la déclaration d’engagement.

Elles soutiennent par ailleurs que Madame O. serait au service des époux …-… FERREIRA depuis le 6 janvier 1999, étant donné qu’elle aurait déjà été engagée par eux à l’époque où ils vivaient ensemble à Washington (Etats Unis d’Amérique) et pendant laquelle elle s’occupait de leur enfant Tomaz, né le 21 juin 1998 aux Etats Unis d’Amérique. Elles estiment que le ministre ne saurait leur reprocher d’avoir procédé au recrutement d’un travailleur à l’étranger, puisque Madame O. aurait déjà été à leur service à Washington, d’autant plus qu’elles avaient sollicité la délivrance d’un permis de travail en faveur de Madame O. avant de s’installer au Luxembourg, au cours du mois de septembre 1999.

En ce qui concerne les motifs se trouvant à la base de l’intention des époux …-… FERREIRA d’engager Madame O., elles soutiennent que celle-ci serait chargée de garder les deux enfants des époux …-… FERREIRA, à la suite de la naissance, au Luxembourg, d’un deuxième enfant du couple, à savoir Miguel, né le 21 janvier 2000. En effet, en raison de nombreux déplacements professionnels à l’étranger, qui seraient dus aux fonctions professionnelles respectives des deux époux, ceux-ci auraient besoin d’une personne de confiance à leur domicile à Luxembourg, afin de garder les deux enfants communs. Ces déplacements professionnels seraient dus, d’une part, au fait que Monsieur … travaille auprès de la Banque centrale européenne à Francfort et qu’il est partant absent pendant les jours ouvrables de la semaine, tel que cela ressort des pièces et éléments du dossier et, d’autre part, au fait que Madame … FERREIRA, en sa qualité d’économiste auprès de la Banque européenne d’investissement, installée au Luxembourg, est amenée à faire des déplacements professionnels d’une durée moyenne d’une semaine par mois, tel que cela ressort également des pièces et éléments du dossier. Les époux …-… FERREIRA insistent plus particulièrement sur le caractère intuitu personae de la relation qu’ils devraient avoir avec la personne ayant la garde de leurs enfants, celui-ci ne se retrouvant pas nécessairement avec toute autre personne qui pourrait leur être assignée, puisque celle-ci ne connaîtrait forcément pas leurs deux enfants.

3 Une obligation de motivation expresse et exhaustive d’un arrêté ministériel de refus d’une autorisation de travail n’est imposée ni par la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main d’œuvre étrangère, ni par le règlement grand-ducal modifié d’exécution du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg.

En application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

En l’espèce, l’arrêté ministériel déféré du 9 février 2000 énonce six motifs tirés de la législation sur l’emploi de la main d’œuvre étrangère, et suffit ainsi aux exigences de l’article 6 précité, de sorte que les demandeurs n’ont pas pu se méprendre sur la portée à attribuer aux décisions litigieuses, la décision confirmative du 8 mars 2000 confirmant purement et simplement la décision initiale du 9 février 2000.

L’existence et l’indication des motifs ayant été vérifiées, il s’agit encore d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier les décisions déférées.

Une décision administrative individuelle est légalement motivée du moment qu’un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

Parmi les six motifs invoqués à la base du refus ministériel initial déféré figure celui de la non déclaration de la vacance de poste par l’employeur.

D’après les informations fournies par les demandeurs dans leur requête introductive d’instance, ils ont introduit la déclaration d’engagement auprès de l’ADEM en date des 22 juin et 11 août 1999 respectivement. D’après ladite déclaration d’engagement, il était prévu d’engager Madame O. avec effet à partir du 1er septembre 1999 pour une durée de 2 ans en tant que garde d’enfants.

Il est encore constant que les demandeurs ne contestent pas en fait que le poste de travail en cause n’avait pas été déclaré vacant par eux, mais critiquent le motif de refus afférent en soutenant que l’omission de déclarer la vacance de poste ne saurait justifier de plein droit le refus d’un permis pour un travail spécifique, d’autant plus que malgré leurs entretiens et échanges de courrier avec l’ADEM, celle-ci ne les aurait pas rendu attentifs à ladite obligation légale.

Force est cependant de constater à cet égard que l’article 10 (1) du règlement grand-ducal modifié du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l’emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, dans sa teneur lui conférée par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999, dispose dans son deuxième alinéa que « la non déclaration formelle et explicite de la vacance de poste à l’Administration de l’Emploi, conformément à l’article 9 paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 février 1976 concernant l’organisation et le fonctionnement de 4 l’Administration de l’Emploi et portant création d’une commission nationale de l’emploi, constitue un motif valable et suffisant de refus du permis de travail ».

Face au caractère clair et précis de cette disposition réglementaire, le ministre a partant valablement pu refuser le permis de travail sollicité en faveur de Madame O., au seul motif que le poste de travail ne fut pas déclaré vacant par l’employeur, de sorte que l’examen des autres motifs à la base de l’arrêté ministériel déféré ainsi que de la décision confirmative, de même que des moyens d’annulation y afférents invoqués par les demandeurs, devient surabondant.

Cette conclusion ne saurait être énervée, au vu de la réglementation actuellement applicable au Luxembourg, par les circonstances de fait invoquées par les demandeurs et tirées notamment de la relation de confiance qu’ils ont pu établir antérieurement avec Madame O. au cours de leur établissement aux Etats-Unis d’Amérique, cette considération étant étrangère à la matière et non susceptible de mettre en cause une décision de refus du permis de travail par ailleurs légalement prise.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 25 avril 2001 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12022
Date de la décision : 25/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-25;12022 ?

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