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23/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12322

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 avril 2001, 12322


Tribunal administratif N° 12322 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 septembre 2000 Audience publique du 23 avril 2001

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Recours formé par Madame …KOHN, … contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière de subventions destinées à l’hôtellerie

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12322 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1

4 septembre 2000 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo...

Tribunal administratif N° 12322 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 septembre 2000 Audience publique du 23 avril 2001

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Recours formé par Madame …KOHN, … contre deux décisions du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière de subventions destinées à l’hôtellerie

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12322 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 septembre 2000 par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …KOHN, hôtelière, demeurant à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 3 avril 2000 confirmée sur recours gracieux par décision du 16 juin 2000 portant refus de lui accorder une subvention destinée à l’hôtellerie concernant l’hôtel fonctionnant sous l’enseigne D. à l’adresse précitée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 décembre 2000 ;

Vu l’ordonnance du 9 janvier 2001 du premier vice-président du tribunal administratif en remplacement du président dûment empêché portant prorogation du délai légal pour déposer un mémoire en réplique de sorte à expirer le 31 janvier 2001 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 janvier 2001 par Maître Georges PIERRET au nom de Madame …KOHN ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Georges PIERRET et Gabrielle EYNARD, de même que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 12 mars et 2 avril 2001.

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Considérant que par courrier adressé au ministère du Tourisme en date du 19 février 1997 sur papier à entête “ D. Luxembourg-Bertrange ”, Monsieur J. B. a sollicité une subvention en capital dans le cadre du 5e programme quinquennal d’équipement de l’infrastructure touristique dans les termes suivants :

“ Monsieur, Les besoins pressants d’une demande toujours plus accrue dans l’hôtellerie nous ont amenés à réaliser une nouvelle expansion de notre capacité hôtelière.

En effet, notre offre restreinte en chambre d’hôtel de pair avec un taux d’occupation élevé (91,8% en moyenne pour les 3 sites opérationnels depuis leurs débuts respectifs à aujourd’hui) face à une demande non satisfaite produisant un effet contra-productif nous ont contraints à prendre cette décision rapidement.

Nous sommes persuadés que notre formule spécifique sortant du commun a fait découvrir un créneau inconnu et/ou méconnu de l’hôtellerie traditionnelle.

La nouvelle annexe devant être construite se situera en plein Centre-Ville de Luxembourg… et abritera 40 chambres équipées de la même façon que les D. existants. Un local pour petit-déjeuner y sera également aménagé.

Au stade actuel l’investissement hors terrain sera de l’ordre de LUF 200.000.000.-

financé par la Banque et l’hôtel créera neuf emplois supplémentaires.

Pour tout renseignement supplémentaire, Monsieur N. B. se tiendra volontiers à votre disposition.

En vous remerciant à l’avance, nous vous prions d’agréer, Monsieur, ….. ” ;

Que par courrier du 7 octobre 1997 couché sur le même papier à entête, Madame …KOHN s’est adressée au ministère du Tourisme dans les termes suivants :

“ Nous nous empressons de vous soumettre en annexe le tableau provisoire des investissements arrêté au 10 septembre 1997 ensemble avec les copies afférentes des factures concernant la construction de l’immeuble “ … ” à Luxembourg,….

Veuillez agréer, D.” ;

Que par courriers successifs des 21 octobre et 16 décembre 1997 adressés audit ministère, Madame …KOHN a déclaré avoir mandaté la société anonyme S. comme promoteur de son immeuble sis à Luxembourg, …, en affirmant que cet immeuble lui appartient et qu’elle allait l’exploiter personnellement, l’investissement hors terrain étant à ce moment projeté à 200.000.000.- Luf financés par la Banque ;

Que par courrier du 16 février 1998, adressé au ministère du Tourisme, Madame KOHN s’est exprimée comme suit :

“ Monsieur, 2 En réponse à l’agréable entretien téléphonique que j’ai eu le plaisir d’avoir avec vous, je ne peux que répéter que je vous ai déjà à maintes reprises déclaré : la S.A. S. est un promoteur immobilier qui a eu un contrat de construction afin d’ériger mon immeuble sis à Luxembourg,….

En effet, je suis hôtelière et non entrepreneur de constructions et je laisse à ces professionnels le soin de diriger mon chantier.

Néanmoins, la S.A. S. n’a rien à voir ni avec la propriété de mon immeuble, ni avec l’exploitation de ce même immeuble, exploitation dont je m’occuperai personnellement.

J’espère que, une fois pour toutes, cette explication sera précise et vous aidera à surmonter les obstacles de votre commission.

Veuillez agréer, … ” ;

Que par lettre du 4 mars 1998, Madame KOHN indiquait au ministère qu’elle n’était pas encore en mesure de fournir un “ devis concret ” du fait que bon nombre de points restaient encore à être définis ;

Que par arrêté du 3 février 1999, le ministre du Tourisme a retenu que “ l’établissement d’hébergement dénommé “ D. ” et exploité par Madame …KOHN …, L-

…Luxembourg, est autorisé à porter la dénomination HOTEL ” ;

Qu’en date du 17 février 1999, Monsieur J. T. a, par courrier couché sur papier entête D. HOTEL, introduit au ministère du Tourisme une demande en vue de l’obtention d’une subvention en capital dans le cadre d’un programme quinquennal d’équipement de l’infrastructure touristique rédigée en ces termes :

“ Monsieur, Suite à l’entretien téléphonique du 16 courant avec Monsieur B., nous nous permettons de vous soumettre ci-inclus les pièces justificatives relatives à l’emprunt effectué auprès de la Banque pour la réalisation de l’hôtel D. City, sis … à L-… Luxembourg.

Il nous importe de préciser que la chaîne des hôtels D. est le fruit d’une globalisation et d’une stratégie marketing sous une enseigne dénommée D., toutefois aucun droit ni titre de propriété de l’enseigne n’est concédé dont D. S.A. est propriétaire exclusif. Dès lors les cinq hôtels sont chacun une entité à part entière et n’ont aucun lien ni économique ni de propriété.

A titre d’information, D. S.A. est propriétaire de l’hôtel D. (17 chambres) sis … à L-

…Luxembourg, les consorts J. et N. B. sont propriétaires de l’hôtel D. (18 chambres) sis …à L-… Bertrange, S. S.A. est propriétaire de l’hôtel … (23 chambres) sis … à L-…Luxembourg, Madame …KOHN est propriétaire de l’hôtel … (40 chambres) sis … à L-… Luxembourg.

Restant à votre entière disposition pour tout renseignement complémentaire, nous vous prions de croire, Monsieur, … ” ;

3 Que cette demande a été rencontrée par décision du ministre des Classes moyennes et du Tourisme du 8 juillet 1999 libellée en ces termes :

“ Monsieur, En réponse à votre lettre du 17 février 1999, je vous informe que je considère la réalisation de l’hôtel D. City comme projet d’extension d’une chaîne de plusieurs établissements fonctionnant sous une même enseigne sur le territoire de la même commune.

Etant donné que les projets d’extension ne peuvent bénéficier d’une subvention qu’à condition que le nombre des chambres après réalisation des travaux ne dépasse pas 75 chambres (article 8 du règlement grand-ducal du 3 avril 1998 fixant les modalités d’octroi des subventions à l’hôtellerie), votre projet sous rubrique n’est pas éligible pour une aide de la part du département du Tourisme.

Veuillez agréer, Monsieur, .. ” ;

Que par courrier couché sur papier à entête S. S.A. entré au ministère du Tourisme en date du 26 juillet 1999, Monsieur J.T. a pris position suivant un mémorandum étendu ;

Que faisant suite à un courrier du 29 novembre 1999, ayant trait au contrat de franchise conclu avec la société anonyme D. et les tableaux de réservation, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement a pris position comme suit par courrier adressé à D.

Hôtels, à l’attention de Monsieur N. B., en les termes suivants :

“ Monsieur, Nous accusons réception de votre courrier sous rubrique. Sur base de ces informations, nous ne sommes cependant pas en mesure de faire une analyse appropriée ni des nuitées réalisées, ni du taux d’occupation moyen de l’établissement sis à L-… Luxembourg,… Comme convenu lors de notre réunion du 15 octobre 1999, nous vous saurions donc gré de bien vouloir nous faire parvenir copie de pièces nous permettant de constater le caractère touristique de votre établissement.

Veuillez agréer, Monsieur, … ” ;

Que par courrier couché sur papier à entête S. S.A., Monsieur N. B. prit position en date du 17 février 2000 ;

Que le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement s’adressa en date du 3 avril 2000 à Monsieur Norbert BRAUSCH dans les termes suivants :

“ Monsieur, J’accuse réception de votre lettre du 17 février 2000 relative à la demande en obtention d’une subvention en capital pour la construction de l’Hôtel D., sis …à Luxembourg.

4 Entre-temps, les conclusions de l’instruction administrative ont été présentées à la Commission Spéciale de l’Hôtellerie qui, dans sa réunion du 22 mars 2000, s’est abstenue d’émettre un avis favorable pour l’allocation d’une subvention en capital, étant donné que le dossier présenté ne prouve pas, avec une clarté suffisante, que Madame KOHN a effectué en nom personnel les investissements relatifs à la construction de l’hôtel.

En effet, presque toutes les factures afférentes sont adressées à la société S.A. S..

Aucune pièce officielle n’établit à ce sujet un lien juridiquement valable entre Madame KOHN et la société S.A. S., de sorte qu’il est impossible d’identifier, en définitive, l’investisseur et par conséquent le bénéficiaire d’une éventuelle subvention.

De même, l’ouverture de crédit du 29 mars 1996 de la Banque en faveur de Madame …KOHN n’exclut pas l’éventualité d’une pluralité de personnes créditées (page 2).

D’autre part, en tant qu’auteur du règlement grand-ducal du 3 août 1998 fixant les modalités d’octroi des subventions en capital ou en intérêts destinées à l’hôtellerie, je maintiens mon point de vue que les 98 chambres exploitées à Luxembourg-ville sous la même enseigne D. fonctionnent sous une forme de coopération constituant une organisation cohérente de plus de 75 chambres réparties sur 4 immeubles.

Je suis d’avis qu’une telle entreprise hôtelière n’est pas éligible dans le cadre du sixième programme quinquennal d’équipement de l’infrastructure touristique si, après réalisation de travaux d’extension, elle dispose de plus de 75 chambres.

Veuillez agréer, Monsieur, …. ” ;

Que suite à cette prise de position ministérielle, Madame …KOHN s’est adressée au ministère du Tourisme pour lui faire parvenir les précisions suivantes :

“ Monsieur le ministre, Par la présente je me permets de solliciter votre bienveillante attention dans l’affaire relative aux aides étatiques émanant de votre ministère. Alors qu’il s’avère que l’instruction de mon dossier semble des plus aléatoires, je me vois contrainte à vous prier de bien vouloir procéder à l’étude approfondie des éléments qui justifient ma demande, alors que je constate que votre position négative relatée dans votre courrier du 3 avril 2000 adressée à Monsieur N. B., est truffée d’arguments faux.

Dès lors il me semble indiqué de nouveau de vous fournir les éléments essentiels et justificatifs qui sont en contradiction totale de votre avis. Sans réitérer les multiples documents soumis pour étoffer ce dossier épineux, je ne puis me déclarer d’accord avec votre interprétation erronée sinon fort douteuse.

En effet, j’ai personnellement introduit ma demande, dont objet sous rubrique, alors qu’il me paraît ostentatoire que je n’agisse qu’en ma propre qualité (que vous semblez mettre en doute). Propriétaire d’un terrain en plein centre-ville, j’ai du mal à croire que je ne suis pas en droit de donner une nouvelle affectation à un objet immobilier alors que je suis engagée depuis 1992 dans l’hôtellerie. Par ailleurs, je suis et je reste propriétaire seul et 5 unique de mon exploitation hôtelière, tous les actes y relatifs prouvant largement cette relation de propriétaire. (extrait cadastral, acte notarié de l’emprunt effectué, statut hôtelier, autorisation d’établissement etc.) Partant il n’existe aucun lien économique de quelque nature que ce soit en ce qui concerne ma propriété exclusive et universelle et mon projet d’hôtel fut réalisé de ma seule et unique initiative et décision.

En vue de concrétiser mon projet, je me suis pourvue d’un promoteur compétent, en l’occurrence la société anonyme S., pour effectuer toutes les études de faisabilité et le cas échéant pour procéder à la réalisation concrète du projet. Dès lors S. S.A. a été mandatée par mes soins pour l’élaboration, la réalisation et l’accomplissement de son projet moyennant contrat à rétribution.

Enfin les moyens de preuve sont largement justifiés alors que S.S.A. a procédé à une facturation totale des investissements réalisés en ma faveur. Les déclarations en matière de taxe sur la valeur ajoutée en mon propre nom constituent un élément probatoire. Le relevé des factures (incomplet lors de la remise) soumis avait en effet pour but de fournir les détails des travaux réalisés, à la requête de Monsieur M..

A cet effet, j’ai souscrit à un emprunt bancaire auprès de la Banque, dont copie de l’acte vous a été transmise. Il est aberrant de vouloir insinuer que ce contrat d’emprunt n’est pas qu’en ma seule faveur alors que ces actes notariés sont stéréotypes, nuances qui semblent échapper mais dont mon banquier pourra vous munir d’un certificat afférent au vu des dépenses effectuées dans le cadre de cet emprunt précis. Par ailleurs une convention de crédit signée entre la Banque et moi-même en date du 7 mars 1996 détermine le bénéficiaire et la destination de cet emprunt.

Comme déjà explicitement énoncé dans un courrier antérieur et pour éviter tout embrouillement, j’ai opté et en vue de garantir un développement favorable de ma nouvelle exploitation hôtelière, de souscrire à une franchise d’enseigne commerciale, en l’occurrence D. (pièce soumise).

Aussi importe-t-il de réitérer que le label D. est propriété unique et exclusive de D.

S.A. et qu’aucun droit ni titre de propriété ne m’est concédé alors que le franchising est un moyen de commercialisation largement reconnu. L’option d’une franchise pour l’enseigne D.

ne pourra cependant créer un préjudice à l’obtention de subventions étatiques ? Fallait-il avoir recours à une franchise étrangère même s’il existe plusieurs entités hôtelières indigènes qui collaborent avec le même franchiseur sous enseigne distincte ? Aucun texte de loi ne fait allusion au port d’enseigne identique dans le cadre des aides étatiques.

Au contraire, le règlement grand-ducal du 3 août 1998 fixant les modalités d’octroi des subventions en capital ou en intérêts destinées à l’hôtellerie, au chapitre 1er, généralités, article 1er, fait bénéficier de subventions en capital ou en intérêts : les personnes qui procèdent à des investissements ayant pour objet la construction d’établissements hôteliers nouveaux répondant à un intérêt économique général.

Mon établissement hôtelier est une entreprise autonome, individuelle et il est à exclure qu’elle contribue à une extension d’une chaîne d’hôtels ! alors qu’elle ne participe à une 6 stratégie purement marketing, voire une synergie en vue de rentabiliser son investissement.

Aucun règlement grand-ducal n’interdit la synergie entre entreprises : mise en commun de plusieurs actions concourant à un effet unique et aboutissant à une économie de moyens.

(quid de l’Entente des Hôteliers et Restaurateurs de la Moselle, de la Sûre etc ?).

Enfin le Larousse, dictionnaire de la langue française, nous apprend qu’une chaîne d’hôtels est un ensemble d’établissements commerciaux faisant partie d’une même organisation. Or, ma propriété, voire mon l’hôtel ne fait nullement partie d’une organisation ; aucune organisation D. n’étant existante.

A titre de rappel S. S.A. a souscrit un contrat de franchise D. pour l’exploitation de son hôtel sis…, T. S.A. s’est dotée d’un contrat de franchise D. pour l’exploitation de son hôtel sis … à Bertrange ainsi que les consorts J. et N. B., disposent d’une franchise D. pour leur exploitation sise…. Toutes ces entités hôtelières sont totalement indépendantes et sont gérées individuellement pour leur propre compte et il n’existe également aucun lien économique ni de propriété entre ces entités hôtelières. Il s’agit d’assujettis distincts à la taxe sur la valeur ajoutée tant bien que de contribuables fiscaux individuels. Partant le chapitre 3 : projets d’extension du prédit règlement ne peut être applicable, l’établissement hôtelier (et non les établissements) dispose de moins de 76 chambres ! Mon hôtel dispose en effet de 40 chambres ! J’ose espérer que ces informations vous permettent de reconsidérer mon dossier et que vous réserverez les suites qui s’imposent. Entre-temps je vous prie de croire, Monsieur le ministre, à l’expression de notre parfaite considération ” ;

Que le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement a pris position par décision du 16 juin 2000 libellée comme suit ;

“ Madame, J’accuse réception de votre lettre du 9 mai 2000 par laquelle vous contestez ma prise de position dans l’affaire sous rubrique. Or, force m’est de constater que votre appréciation du dossier n’apporte pas d’élément nouveau susceptible de modifier ma décision notifiée à Monsieur N. B. dans la lettre du 3 avril 2000.

Veuillez agréer, Madame, … ” ;

Considérant que par requête déposée en date du 14 septembre 2000, Madame …KOHN a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation des deux décisions ministérielles prérelatées des 3 avril et 16 juin 2000 ;

Considérant que l’Etat a déclaré se rapporter à prudence de justice quant à la recevabilité du recours dans les formes et dans les délais ;

Que pour le surplus il constate qu’à ce jour aucune pièce ne ferait en outre apparaître clairement que Madame KOHN est le bénéficiaire de la subvention sollicitée pour l’immeuble en question, vu les flottements quant aux qualités respectives revêtues en la matière par Messieurs B. et T., ainsi que les entités D. de même que la société anonyme S. apparus à travers les courriers prérelatés ;

7 Que partant le recours serait encore irrecevable dans le chef de Madame KOHN pour défaut de qualité à agir ;

Considérant qu’encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation, dont l’existence vérifiée est de nature à rendre irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision ;

Considérant que dans la mesure où aucune disposition légale ne prévoit un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire ;

Considérant que les moyens proposés à l’appui du recours étant l’étalon de l’intérêt à agir, Madame …KOHN en affirmant être propriétaire de l’hôtel … situé à L-… Luxembourg, …, et avoir financé personnellement tous les investissements y relatifs fait état d’un intérêt manifeste à voir obtenir la subvention à l’hôtellerie par elle sollicitée, même si la première décision déférée a été notifiée à Monsieur N. B., son ex-conjoint, le divorce ayant été prononcé entre parties par jugement du 15 juillet 1999, transcrit sur les registres de l’état civil le 2 décembre suivant ;

Considérant que la question de la qualité de Madame KOHN pour être bénéficiaire de la subvention par elle sollicitée s’analyse en contestation au fond, indépendante de la question de la qualité à agir en justice rapportée en l’espèce à suffisance de droit, sous peine de rendre impossible, dans la négative, l’accès à la justice, pourtant garanti à travers l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950, s’agissant en l’espèce de droits civils suivant la notion autonome y contenue ;

Considérant que le recours en annulation formé en ordre principal ayant été introduit pour le surplus suivant les formes et délai prévus par la loi, il est recevable ;

Considérant qu’à l’appui de son recours, la partie demanderesse reprend son argumentaire déployé dans son courrier prérelaté du 9 mai 2000, ensemble les explications antérieurement déjà fournies pour affirmer répondre aux critères précis établis par le règlement grand-ducal du 3 août 1998 fixant les modalités d’octroi des subventions en capital ou en intérêts destinées à l’hôtellerie ;

Que plus particulièrement elle précise être propriétaire de l’immeuble établi à Luxembourg …, abritant l’établissement hôtelier comprenant 40 chambres fonctionnant sous l’enseigne …, le seul existant à son nom ;

Qu’elle déclare détenir à son nom une autorisation d’établissement établie le 28 octobre 1997, ainsi que l’autorisation de bâtir conférée par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg le 19 juin 1997, de même qu’une autorisation d’alignement de la part du ministre des Travaux Publics du 31 janvier 1996, ainsi que les autorisations obtenues en matière d’établissements dangereux, insalubres ou incommodes de la part des ministres du Travail et de l’Emploi, ainsi que de l’Environnement ;

8 Qu’elle déclare être assujettie en son nom à la TVA et avoir organisé le financement du projet hôtelier par un prêt lui accordé par la Banque en son nom propre, affirmant effectuer elle-même les virements en remboursement du prêt en question ;

Qu’elle conclut que devant ces données établies, les décisions déférées ne reposeraient sur aucun fondement justifié, ni en fait ni en droit ;

Qu’elle affirme que la société anonyme S. a été engagée par elle en tant que promoteur immobilier en vue de la construction d’immeubles, de sorte qu’il serait normal que les factures y afférentes ont été adressées à ladite société ;

Que les dispositions du règlement grand-ducal du 3 août 1998 prévisé viseraient uniquement comme critères d’éligibilité de la subvention y prévue la qualité de propriétaire dans le chef du demandeur en subvention, de sorte qu’il importerait peu sous quel nom commercial l’hôtel serait exploité ;

Que dans la mesure où la décision du 3 avril 2000 n’aurait laissé sous-entendre la prise d’une décision positive une fois les critères réunis sur la tête de Madame KOHN établis à suffisance de droit, la demanderesse critique celle déférée du 16 juin 2000 en ce que, d’après les renseignements complémentaires par elle fournis, celle-ci serait restée négative ;

Que dans son mémoire en réplique, Madame KOHN fait amplifier les éléments déployés au niveau de son recours, tout en rendant attentif le tribunal sur le fait qu’il serait très particulier qu’à travers les pièces versées apparaîtraient deux avis portant le même numéro 971 émis le même jour et comportant des signataires différents, sans qu’il ne soit possible de reconnaître lequel devrait prévaloir et avoir force probante, ce d’autant plus que l’un aurait un contenu différent de l’autre du fait d’un alinéa entièrement radié ;

Qu’elle déclare joindre à son mémoire en réplique, dans un cadre purement coopératif les copies des factures adressées à la société anonyme S., lui continuées afin de permettre au fonctionnaire, chargé de la vérification des pièces, de procéder au contrôle des investissements effectués dans le chef du projet hôtelier dont s’agit ;

Considérant que le délégué du Gouvernement n’a pas autrement pris position relativement à la question de l’existence de deux avis portant le même numéro et la même date, tout en ayant des signatures et des contenus différents ;

Considérant qu’en vertu de l’article 1er de la loi du 3 août 1998 ayant pour objet d’autoriser le Gouvernement à subventionner l’exécution d’un sixième programme quinquennal d’équipement de l’infrastructure touristique “ en vue de promouvoir le tourisme, le Gouvernement est autorisé à subventionner, pendant la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002, selon les modalités de la présente loi et jusqu’à concurrence d’un montant de 1175 millions de francs … - l’exécution de projets de modernisation, de rationalisation et d’extension de l’infrastructure hôtelière existante, ainsi que de projets de construction d’établissements hôteliers répondant à un intérêt économique général … ” ;

Considérant que bien que la première demande de subvention relative à l’immeuble à construire … à Luxembourg a été posée avant l’entrée en vigueur de la loi du 3 août 1998 précitée, l’exécution du projet en question comportant le subventionnement sollicité, à 9 supposer toutes les conditions requises remplies, est de nature à s’insérer dans la période allant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002, de sorte que le ministre a pu valablement se baser sur les dispositions de ladite loi du 3 août 1998, ainsi que de ses règlements d’exécution ;

Considérant que d’après l’article 18 du règlement grand-ducal du 3 août 1998 fixant les modalités d’octroi des subventions en capital ou en intérêts destinées à l’hôtellerie, pris en exécution de ladite loi du 3 août 1998 “ les demandes en obtention des aides susvisées, qui sont à présenter avant le commencement des investissements, sont examinées par une commission dont la composition et le fonctionnement sont déterminés par règlement grand-

ducal. Cette commission peut s’entourer de tous renseignements jugés utiles, prendre l’avis d’experts et entendre les requérants en leurs explications orales.

Les demandes doivent être accompagnées d’un devis concret, ainsi que d’un plan de financement de l’investissement. Dans le cas d’un projet de construction d’un établissement hôtelier nouveau, la demande doit en outre être accompagnée d’un plan d’exploitation ” ;

Considérant que d’après l’article 5 du règlement grand-ducal du 11 août 1998 déterminant le fonctionnement et la composition de la commission pour l’octroi des subventions destinées à l’hôtellerie, pris en exécution de la loi du 3 août 1998 ainsi que de l’article 18 du règlement grand-ducal du 3 août 1998 prévisés “ tout demandeur d’une subvention doit permettre aux membres de la commission la visite de l’objet de ses investissements et fournir tous renseignements utiles à l’accomplissement de la mission d’instruction.

La commission soumet au ministre des Classes moyennes et du Tourisme ses avis relatifs aux projets d’investissements présentés et au montant des subventions à allouer ” ;

Considérant que si la commission en question s’est vu attribuer une mission étendue d’instruction des dossiers lui soumis afin de préparer au ministre compétent des propositions circonstanciées concernant à la fois le principe d’une subvention à liquider et le montant y relatif, il n’en reste pas moins que les propositions ainsi formulées constituent des avis ayant un caractère par essence consultatif ;

Considérant que d’après l’article 4 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, applicable en matière de subventions destinées à l’hôtellerie, les avis des organes consultatifs pris préalablement à une décision doivent être motivés et énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels ils se basent ;

Considérant que la décision déférée du 3 avril 2000, confirmée par celle également déférée du 16 juin 2000 se réfèrent directement à l’avis de la commission spéciale de l’hôtellerie du 22 mars 2000 ainsi désigné ;

Considérant que force est au tribunal de constater, à partir des contestations de la partie demanderesse, qu’au dossier figurent deux avis portant tous les deux le numéro 971 émanant de la commission y non autrement précisée et portant tous les deux la date du 22 mars 2000, avec cette spécificité que pour l’un elle se trouve être entièrement dactylographiée, alors que pour l’autre le quantième et le mois sont manuscrits ;

10 Que pour ce dernier avis le texte relatif au troisième tiret du point 3, contenant l’avis proprement dit, est barré, alors que pour l’autre avis il se trouve laissé en place dans son intégralité, les textes des deux avis étant par ailleurs identiques ;

Considérant que cependant les signatures figurant in fine des avis respectifs sont tout à fait différentes les unes par rapport aux autres ;

Que si l’avis comportant les mentions barrées semble comporter quatre signatures, dont trois sont clairement lisibles, aucune d’elles ne se trouve sur l’autre avis entièrement dactylographié ne comportant par ailleurs aucune radiation ;

Considérant que s’agissant de deux avis portant le même numéro ainsi qu’une date identique mais affichant des contenus différents au vu de ratures apposées et, avant tout, revêtant des signatures différentes, sans que les dispositions dirimantes de l’article 4 alinéa second du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité n’aient été observées par ailleurs concernant l’indication de la composition de la commission en question, ainsi que des membres ayant participé au délibéré, puis au vote, force est au tribunal de retenir, à défaut de précision fournie en cours de procédure contentieuse, qu’il lui est impossible d’exercer son contrôle sur la régularité formelle des décisions déférées, n’étant point mis en mesure de retenir à partir de deux actes équipollents versés au dossier, lequel des avis en question a été pris en compte par les décisions déférées qui se limitent à viser l’avis du 22 mars 2000 non autrement spécifié ;

Considérant que par voie de conséquence les décisions déférées encourent l’annulation de ce chef ;

Considérant qu’il convient cependant, dans l’intérêt de l’instruction ultérieure de l’affaire, de relever encore que la commission en question est chargée d’examiner les projets d’investissements lui soumis sous tous leurs aspects, ayant pour le surplus des moyens étendus d’accomplir sa mission d’instruction tendant à soumettre au ministre compétent un avis circonscrit concernant le principe et le montant des subventions à allouer ;

Considérant qu’il est constant par ailleurs qu’en matière de recours d’annulation, le tribunal est amené à statuer sur la légalité des décisions déférées en se plaçant par rapport à la situation de fait et de droit ayant existé au moment où elles ont été prises ;

Considérant que devant les contestations soulevées par le délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse, la partie demanderesse a encore déposé au greffe du tribunal deux classeurs de pièces contenant pour l’essentiel les factures relatives aux investissements pour lesquels la subvention est demandée, telles que lui continuées par la société anonyme S. ;

Considérant qu’abstraction faite du caractère incomplet des données en question, en ce qu’elles ne mentionnent pas, pour l’essentiel, au nom de qui les paiements afférents ont été effectués, permettant de déterminer de façon distincte la ou les personnes ayant procédé à un investissement éligible, question conditionnant directement la qualité de bénéficiaire éventuel dans le chef de la demanderesse concernant les subventions par elle sollicitées, le tribunal est encore amené à constater que les pièces ainsi déposées n’apparaissent pas avec toute la clarté requise comme ayant été soumises à l’époque à la commission en vue de faire partie intégrante de son instruction, laquelle, du fait des carences ci-avant soulignées, a par la force des choses 11 encore été incomplète à ce niveau, compte tenu des éléments d’information complémentaires soumis au tribunal ;

Que par ailleurs la délimitation de la qualité d’investisseur, notamment par rapport à Madame KOHN, constitue encore un facteur de détermination de l’envergure de l’établissement dont s’agit concernant la question de la définition de l’investissement au regard respectivement des articles 8 et 11 du règlement grand-ducal du 3 août 1998 prévisé tendant à dégager s’il s’agit plutôt d’un projet d’extension ou d’une construction nouvelle et, selon le cas, d’un établissement disposant de plus ou moins de 76 chambres, suivant les limites y fixées ;

Considérant qu’il suit de l’ensemble des développements qui précèdent qu’au vu de l’annulation encourue dans le chef des deux décisions déférées, il convient de renvoyer le dossier devant le ministre compétent en prosécution de cause ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours en annulation recevable ;

au fond le dit justifié ;

partant annule les décisions déférées ;

renvoie l’affaire devant le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en prosécution de cause ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 avril 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

12 s. Schmit s. Delaporte 13


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12322
Date de la décision : 23/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-23;12322 ?

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