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09/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12456

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 09 avril 2001, 12456


Tribunal administratif N° 12456 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 octobre 2000 Audience publique du 9 avril 2001

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Recours formé par Monsieur … RASTODER, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12456 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2000 par Maître Franz FAYOT, avocat à la Cour, assisté de Maître Christ

ian SCHEER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M...

Tribunal administratif N° 12456 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 octobre 2000 Audience publique du 9 avril 2001

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Recours formé par Monsieur … RASTODER, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12456 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2000 par Maître Franz FAYOT, avocat à la Cour, assisté de Maître Christian SCHEER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … RASTODER, aide-monteur en chauffage et sanitaire, né le…, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 5 juillet 2000 refusant de faire droit à sa demande en prolongation de son autorisation de séjour pour étrangers au Grand-Duché de Luxembourg, lui notifiée en date du 13 juillet 2000 et confirmée sur recours gracieux par décision du même ministre du 31 juillet 2000 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur le 29 janvier 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Christian SCHEER et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2001 ;

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Monsieur … RASTODER, préqualifié, fut détenteur d’une première autorisation de séjour au Grand-Duché de Luxembourg limitée jusqu’au 15 janvier 1998. Après avoir épousé en date du 2 janvier 1998 Madame …, de nationalité luxembourgeoise, l’autorisation de séjour de Monsieur RASTODER fut prolongée jusqu’au 15 janvier 1999. Entre-temps, le ministre du Travail et de l’Emploi lui avait délivré un premier permis de travail valable du 1er septembre 1998 au 31 août 1999, ainsi qu’un deuxième, valable du 13 janvier 1999 au 12 janvier 2000. Depuis le 9 mai 2000, Monsieur RASTODER a quitté son épouse, une procédure de divorce étant actuellement en cours. Monsieur RASTODER ayant été informé que la demande présentée par son employeur, la société … SA, en vue de la prolongation de son permis de travail fut avisé négativement par les autorités compétentes au motif que le ministre du Travail et de l’Emploi subordonnerait le renouvellement du permis de travail à l’obtention du renouvellement de son autorisation de séjour, il s’adressa au ministre de la Justice, par courrier de son mandataire datant du 15 mai 2000, pour solliciter une prolongation de son autorisation de séjour.

Par décision datant du 5 juillet 2000, le ministre de la Justice refusa de faire droit à cette demande au motif suivant : « L’autorisation de séjour vous délivrée en date du 3 février 1998 vous était accordée sur base de votre mariage avec Madame …. Or, comme la communauté de vie n’existe plus, une nouvelle autorisation de séjour ne saurait vous être délivrée.

Pour le surplus, vous êtes démuni de moyens d’existence propres vous permettant d’assurer votre séjour au pays indépendamment de l’aide matérielle ou des secours financiers que de tierces personnes pourraient vous faire parvenir, tel que prévu à l’article 2 de la loi du 28 mars 1972. » Le recours gracieux introduit par Monsieur RASTODER par courrier de son mandataire datant du 26 juillet 2000 à l’encontre de la décision ministérielle prérelatée s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 31 juillet 2000, il a fait introduire, par requête déposée en date du 31 octobre 2000, un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision de refus du ministre du 5 juillet 2000.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours pour manque d’intérêt à agir dans le chef du demandeur en faisant valoir que même à supposer que le recours soit fondé, il n’en resterait pas moins que la décision de refus d’entrée et de séjour prise par le ministre en date du 20 octobre 2000 à l’égard du demandeur, non déféré au tribunal par le présent recours, resterait valable.

Même si l’annulation de la décision ministérielle déférée n’avait aucun effet concret, le demandeur, en tant que destinataire direct de ladite décision, garde néanmoins un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la mesure, de la part de la juridiction administrative, puisqu’en vertu de la jurisprudence dominante des tribunaux judiciaires, l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en œuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé aux particuliers par les décisions en question (cf. trib. adm. 24 janvier 1997, n° 9774 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Procédure contentieuse, n° 6 et autres références y citées).

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen d’irrecevabilité soulevé laisse d’être fondé.

Le recours en annulation est dès lors recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

2 A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que la décision ministérielle déférée telle que confirmée en date du 13 juillet 2000 manquerait de base légale en ce qu’elle serait basée sur des motifs erronés. Il estime plus particulièrement que si la communauté de vie avec Madame … avait certes été un des éléments essentiels déterminant la délivrance initiale d’une autorisation de séjour, la séparation de fait des époux ne saurait pour autant constituer une justification légale de la décision de non renouvellement déférée, étant donné que sa situation aurait entre temps changée en ce sens qu’à son arrivée au Luxembourg, au début de l’année 1998, il ne disposait pas de revenus propres faute de pouvoir travailler au Grand-Duché et que dès lors le soutient de son épouse était un préalable nécessaire pour qu’il puisse se conformer à l’exigence légale de disposer de moyens d’existence, mais que depuis lors il a trouvé un emploi au sein de la société … SA en qualité d’aide-monteur en chauffage et sanitaire et que cet emploi lui assurerait un revenu régulier avec un minimum mensuel d’environ 50.000.-

francs ce qui lui permettrait de garantir son séjour au Luxembourg de manière indépendante.

Dans son mémoire en réplique le demandeur, tout en admettant que son permis de travail n’a pas été prorogé depuis le 12 janvier 2000, relève que ce non-renouvellement résulterait uniquement du non-renouvellement de son autorisation de séjour, étant donné que le ministre du Travail subordonnerait le renouvellement du permis de travail au renouvellement de cette dernière. Il en déduit que la décision déférée le plongerait dans une situation inextricable en ce sens qu’il ne pourrait jamais remplir les conditions exigées respectivement par le ministre de la Justice et le ministre du Travail.

Il fait valoir que cette situation lui serait d’autant plus préjudiciable que cette situation remonterait quant à son origine au fait que le ministre de la Justice, lorsqu’il lui accordait en date du 3 février 1998 son autorisation de séjour valable jusqu’au 15 janvier 1999, avait précisé qu’« en ce qui concerne la prolongation de votre autorisation de séjour au-delà de l’échéance indiquée ci-dessus, je vous signale que vous serez informé en temps utile de la suite réservée à votre dossier, sans qu’une nouvelle demande de prolongation de votre part ne soit requise ». Dans la mesure où il se serait fié à l’information lui ainsi fournie, il n’aurait pas immédiatement formulé une demande en prolongation de son autorisation de séjour, ce d’autant plus qu’ayant pris l’initiative de contacter par téléphone le ministère de la Justice, il aurait été informé à diverses reprises « qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter et que le retard n’était lié qu’à une surcharge de travail dudit ministère ». Il estime que le ministre de la Justice serait ainsi malvenu de se retrancher derrière le fait qu’il ne dispose plus d’un permis de travail valable, étant donné que le non-renouvellement de son permis de travail serait motivé précisément par l’absence d’autorisation de séjour valable dans son chef.

Le délégué du Gouvernement prend acte du fait que le demandeur ne conteste pas que la communauté de vie avec son épouse n’existe plus depuis le 9 mai 2000 et relève qu’il est constant que le dernier permis de travail de Monsieur RASTODER a perdu sa validité en date du 12 janvier 2000 et n’a plus été prorogé depuis cette date. Dans la mesure où seuls des revenus légalement perçus, c’est-à-dire provenant d’une occupation régulière, sous le couvert d’une autorisation de travail valable, seraient susceptibles d’être pris en compte comme moyens personnels permettant à l’intéressé d’assurer ses frais de séjour au pays, le représentant étatique estime que le demandeur ne remplirait dès lors pas la condition de moyens personnels suffisants.

3 L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) – qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ». L’autorisation de séjour peut donc être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

La légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise. Il appartient au juge de vérifier, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, si les faits sur lesquels s’est fondé l’administration, sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.

S’il est certes constant qu’en date de la prise de la décision déférée la communauté de vie entre le demandeur et son épouse n’existait plus et qu’il ne pouvait dès lors plus se prévaloir de cette union pour solliciter une autorisation de séjour, il n’en demeure cependant pas moins que le mariage, même s’il peut sous certaines conditions valoir justification de moyens personnels suffisants au sens des dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, ne constitue pas pour autant la seule possibilité afférente, les moyens d’existence personnels suffisants pouvant notamment être dégagés à partir d’une occupation rémunérée exercée sous le couvert d’un permis de travail valable.

En l’espèce, il se dégage des pièces versées au dossier et des renseignements fournis en cause que le demandeur ne disposait, au moment de la prise de la décision litigieuse, ni d’un permis de travail en cours de validité, de sorte qu’il ne pouvait pas légalement s’adonner à une occupation salariée et en percevoir des revenus, ni encore d’autres moyens personnels lui permettant de supporter personnellement les frais de son séjour au Luxembourg.

Il s’ensuit que c’est à bon droit et conformément à l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 que le ministre a pu refuser l’octroi de l’autorisation de séjour sollicitée en se basant sur l’absence de preuve de moyens personnels dans le chef du demandeur.

Cette conclusion ne saurait être énervée par la considération que le non-

renouvellement de son permis de travail, retenu comme motif à la base de la décision déférée, aurait trouvé sa cause dans les agissements du ministre de la Justice tenant au fonctionnement du service concerné, étant donné d’abord que la décision relativement au permis de travail du demandeur ne fait pas l’objet du présent recours, de sorte que le tribunal ne saurait connaître de la motivation à sa base. Force est de relever ensuite à cet égard que le tribunal administratif n’est pas compétent pour évaluer le préjudice, fût-il patent, accru à un administré du fait du fonctionnement d’un service public, pareille appréciation relevant de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, tandis que les décisions déférées au tribunal administratif sur base d’un recours en annulation ne peuvent être appréciées qu’au seul regard des cas d’ouverture prévus par l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, à savoir l’incompétence, l’excès et le détournement de pouvoir, ainsi que la violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés.

4 Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié ;

partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge et lu à l’audience publique du 9 avril 2001, par M. Campill, premier juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Campill 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12456
Date de la décision : 09/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-09;12456 ?

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