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04/04/2001 | LUXEMBOURG | N°s12342,12343

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 avril 2001, s12342,12343


Tribunal administratif N°s 12342 et 12343 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 29 septembre 2000 Audience publique du 4 avril 2001

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Recours formé par la société anonyme POLYMA & POLYCOLOR et consort, contre une décision du ministre des Travaux publics, en matière de marchés publics

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 12342 du rôle et déposée le 29 septembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Lynn SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la société anonyme POLYMA & POLYCOLOR, étab...

Tribunal administratif N°s 12342 et 12343 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 29 septembre 2000 Audience publique du 4 avril 2001

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Recours formé par la société anonyme POLYMA & POLYCOLOR et consort, contre une décision du ministre des Travaux publics, en matière de marchés publics

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 12342 du rôle et déposée le 29 septembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Lynn SPIELMANN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la société anonyme POLYMA & POLYCOLOR, établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, et 2) la société à responsabilité limitée de droit allemand S & P, établie et ayant son siège social à D-…, représentée par son ou ses gérants actuellement en fonction, tendant à l’annulation de la décision du ministre des Travaux publics du 29 juin 2000 « portant refus d’annuler la mise en adjudication et la mise à l’écart de l’offre … dans le cadre de : la soumission du 31 mai 2000 à 10.00 heures relative à la fourniture et pose d’écrans de protection pour motocyclistes sur le réseau autoroutier »;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal par le délégué du gouvernement le 1er décembre 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom des demanderesses le 21 décembre 2000;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 12343 du rôle et déposée le 29 septembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Lynn SPIELMANN, préqualifié, au nom de 1) la société anonyme POLYMA & POLYCOLOR, préqualifiée, et 2) la société à responsabilité limitée de droit allemand S & P, préqualifiée, tendant à l’annulation de la décision du ministre des Travaux publics du 29 juin 2000 « portant refus d’annuler la mise en adjudication et la mise à l’écart de l’offre S. dans le cadre de : la soumission du 31 mai 2000 à 10.30 heures relative à la fourniture et pose de glissières en acier type A sur la collectrice du sud »;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal par le délégué du gouvernement le 1er décembre 2000;

2 Vu le mémoire en réplique déposé au nom des demanderesses le 21 décembre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées;

Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Charles OSSOLA, en remplacement de Maître Lynn SPIELMANN, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives.

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Dans le cadre de deux soumissions publiques auxquelles l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg avait décidé de procéder en vue des 1) fourniture et pose d’écrans de protection pour motocyclistes sur le réseau autoroutier A1, A3, A6 et A13 et 2) fourniture et pose de glissières en acier type A sur la collectrice du Sud, la société anonyme POLYMA & POLYCOLOR, préqualifiée, enleva en date du 4 mai 2000 les dossiers de soumission respectifs, cautionnés à 5.000.- francs l’unité, en remettant les quittances requises certifiant le versement desdites sommes sur le compte de l’administration de l’Enregistrement et des Domaines.

Lors de l’ouverture des offres fixée au 31 mai 2000, un représentant de la société POLYMA & POLYCOLOR déposa deux offres « dans [des] enveloppe[s] cachetée[s] sur l[es]quelle[s] seulement le nom de la firme S [sic] & P GmbH était inscrit » (cf. lettre du 15 juin 2000 adressée par Monsieur R.B., ingénieur première classe de la division centrale de la voirie de l’administration des Ponts et Chaussées, au directeur des Ponts et Chaussées). Etant donné qu’« aucune indication ou pièce séparée laissait conclure ou nous informait que la firme Polyma & Polycolor SA était en relation avec l’offre remise par cette firme » (ibidem) et que la société à responsabilité limitée de droit allemand S & P GMBH, préqualifiée, n’avait pas retiré de dossier de soumission, ladite offre ne fut pas ouverte.

Par lettre du 5 juin 2000, la société POLYMA & POLYCOLOR, déclarant agir en nom et pour compte de la société S & P, introduisit une réclamation auprès du ministre des Travaux publics et sollicita l’annulation des soumissions litigieuses et des remises en adjudication.

Il se dégage d’une lettre du 6 juin 2000 du président et secrétaire f.f. de la Commission des Soumissions à l’adresse du directeur des Ponts et Chaussées que « si la réclamante a agi en exécution d’un mandat, je suis au regret de vous informer que c’est à tort que l’agent présidant la séance n’a pas proclamé le prix de l’offre. Partant le soumissionnaire indûment évincé pourrait assigner l’Etat pour perte d’une chance.

Je vous prie de bien vouloir présenter à la Commission des Soumissions un rapport sur le déroulement des faits allégués ».

Le 5 juillet [sic] 2000, la Commission des Soumissions instituée auprès du ministère des Travaux publics émit, à l’unanimité des membres présents, l’avis suivant : « Après la publication des avis d’adjudication relatifs aux 2 soumissions sous rubrique la firme Polyma et Polycolor a eu communication des dossiers de soumission.

3 Lors des séances d’ouverture ladite firme s’est présentée en remettant une offre pour compte de la firme S. Comme la firme Polyma et Polycolor a été enregistrée comme soumissionnaire en retirant les 2 dossiers de soumissions, l’agent présidant les 2 séances d’ouverture a refusé les offres émanant de la firme S. Ces offres n’ont donc pas été ouvertes et leurs prix n’ont pas été proclamés.

Par sa lettre de réclamation du 5 juin 2000 à la Commission des Soumissions, la firme Polyma et Polycolor a fait valoir qu’elle a agi en tant que mandataire de la firme S. en vertu d’un mandat lui conféré par celle-ci.

Par ailleurs la réclamante a informé le Président de la Commission des Soumissions que le mandat écrit lui conféré avait été joint à l’offre et faisait donc partie du contenu des enveloppes remises.

Finalement la réclamante demande que le pouvoir adjudicateur procède à l’annulation de la mise en adjudication pour vice de procédure.

La Commission des Soumissions aboutit aux conclusions suivantes :

1) Le mandat de S. à Polyma - Polycolor aurait dû être connu par l’administration des Ponts et Chaussées dès le début de la procédure lors du retrait de la soumission et ceci dans un souci de transparence.

En vertu de l’article 15 (13) du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 portant institution d’un cahier général des charges applicables aux marchés publics de l’Etat, le commettant est tenu de tenir une liste confidentielle des intéressés, ceci pour les toucher le plus vite possible (oublis, erreur, ambiguïtés), voire même pour le report éventuel de la date d’ouverture des offres.

La Commission des Soumissions tient à signaler que dans l’affaire 8143 par son arrêt du 6 juillet 1989 le Conseil d’Etat a débouté le recours de la firme Colimex dont l’offre n’a pas été ouverte par l’administration des Ponts et Chaussées. La firme Colimex n’a pas figuré sur la liste confidentielle prévue par l’article 15 (13) du règlement précité. Elle s’était procuré le dossier de soumission auprès d’un autre intéressé.

2) En ce qui concerne la requête de la firme Polyma et Polycolor d’annuler la mise en adjudication la Commission des Soumissions en se basant sur des avis antérieurs, traitant de cas où des offres n’ont pas été ouvertes en séance, estime qu’il n’y a aucune raison légale pour y faire droit. Au contraire en procédant de la sorte on léserait les soumissionnaires ayant présenté les offres les mieux-disantes conformes ».

Le 29 juin 2000, le ministre des Travaux publics informa les recourantes de ce que « suite à votre réclamation relative aux 2 soumissions sous rubrique et suite à un entretien que je viens d’avoir avec Monsieur G. H., je suis au regret de vous informer que je ne suis pas d’accord à annuler les 2 mises en adjudication.

J’entends me rallier aux conclusions de l’avis de la Commission des Soumissions dont l’argumentation me semble à la fois probante et conforme à la législation en vigueur.

4 Veuillez trouver ci-joint copie de l’avis en question.

Par conséquent je procéderai à l’adjudication au profit des 2 soumissionnaires qui ont présenté les offres mieux disantes conformes.

Dès lors, il m’appartient de vous informer que conformément à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, au cas où vous persisteriez à vous sentir lésé, vous disposerez de la faculté d’introduire, par voie d’avoué, un recours en annulation auprès du tribunal administratif, dans un délai de 3 mois à compter de la présente notification ».

Par requête, inscrite sous le numéro 12342 du rôle, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 septembre 2000, la société POLYMA & POLYCOLOR et la société S & P ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre des Travaux publics du 29 juin 2000 « portant refus d’annuler la mise en adjudication et la mise à l’écart de l’offre S. dans le cadre de : la soumission du 31 mai 2000 à 10.00 heures relative à la fourniture et pose d’écrans de protection pour motocyclistes sur le réseau autoroutier ».

Par requête séparée, inscrite sous le numéro 12343 du rôle, déposée le même jour, les mêmes parties demanderesses ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre des Travaux publics du 29 juin 2000 « portant refus d’annuler la mise en adjudication et la mise à l’écart de l’offre S. dans le cadre de : la soumission du 31 mai 2000 à 10.30 heures relative à la fourniture et pose de glissières en acier type A sur la collectrice du sud ».

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la Justice et conformément aux conclusions concordantes des parties au procès, il échet de joindre les deux recours, respectivement introduits sous les numéros 12342 et 12343 du rôle, pour y voir statuer par un seul et même jugement.

Concernant l’intérêt à agir des demanderesses, il convient de constater que même si, suivant les informations recueillies de la part du délégué du gouvernement, non contestées par les demanderesses, les deux marchés litigieux ont été adjugés et que les travaux et fournitures sont en voie d’être exécutés (65% des travaux et fournitures du premier marché et 38% du second ayant été exécutés à la fin du mois de mars 2001), de sorte que l’annulation des décisions d’adjudication ne saurait désormais avoir un effet concret et utile, les demanderesses gardent néanmoins un intérêt à obtenir une décision relativement à la légalité de la ou des décisions d’exclure leurs offres déposées dans le cadre des deux soumissions, puisqu’en vertu de la jurisprudence dominante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en oeuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé aux administrés par les décisions en question.

Il s’ensuit que dans la susdite mesure, les recours, non autrement contestés sous ce rapport, sont recevables, pour avoir été également introduits dans les formes et délai prévus par la loi.

Au fond, les demanderesses soutiennent qu’il serait loisible à un soumissionnaire de retirer un dossier de soumission et de remettre son offre, soit en personne, soit par 5 l’intermédiaire d’un mandataire, qu’aucune disposition légale ne prévoirait un cas de nullité d’une offre au motif que l’offre a été remise par un mandataire, de sorte qu’en l’espèce, la société S. & P. aurait valablement pu agir par le biais d’un mandataire, à savoir la société POLYMA & POLYCOLOR et que la décision ministérielle encourrait l’annulation « pour violation de la loi, sinon pour excès et détournement de pouvoir ».

Le délégué du gouvernement expose que le fait de soumissionner par mandat ne serait pas très courant en matière de marchés publics « de sorte que l’agent présidant la séance d’ouverture n’a pas jugé utile de contrôler ce fait, contrôle d’ailleurs nullement prévu, ni exigé par la réglementation légale ».

Il soutient qu’il aurait incombé au représentant de la société POLYMA & POLYCOLOR de faire état de son mandat et d’insister que l’offre remise par lui au nom de la société mandante soit ouverte.

Le délégué ajoute encore qu’« en aucun cas, quelle que soit la raison de la non-

ouverture d’une offre, ce fait ne peut constituer un motif pour annuler la mise en adjudication, car on léserait les intérêts des soumissionnaires dont les offres ont été ouvertes et dont le prix a été proclamé ».

Il se réfère encore à un arrêt du comité du Contentieux du Conseil d’Etat (C.E. 6 juillet 1989, n° 8142 du rôle, Colimex S.A.), portant sur une affaire dans laquelle « l’ouverture » d’une offre aurait été refusée, étant donné que le soumissionnaire s’était procuré le dossier de soumission auprès d’un tiers et ainsi, il n’aurait pas figuré sur la liste des soumissionnaires exigée par l’article 15 (13) du règlement grand-ducal modifié du 2 janvier 1989 portant 1° institution d’un cahier général des charges applicables aux marchés publics de travaux et de fournitures pour compte de l’Etat, 2° fixation des attributions et du mode de fonctionnement de la Commission des Soumissions.

Sur ce, le représentant étatique conclut qu’« il n’y a en aucun cas lieu d’annuler la décision de refus d’annuler la mise en adjudication. S’il y a eu préjudice, il appartiendra, le cas échéant, au juge civil de trancher ».

Il est vrai qu’au voeu de l’article 29 du règlement grand-ducal précité du 2 janvier 1989, le soumissionnaire peut agir en personne ou par mandataire.

Il est vrai encore que la transparence des procédures de soumissions publiques et les droits de contrôle du pouvoir adjudicateur exigent que l’identité des soumissionnaires soit connue au moment de l’ouverture des offres.

Il s’ensuit que, lorsqu’un soumissionnaire agit par mandataire pour le dépôt d’une offre, l’offre doit préciser le nom du mandataire, mais aussi celui du mandant pour lequel il agit.

Il convient cependant de constater qu’aucune disposition légale n’impose à un concurrent, agissant par le biais d’un mandataire afin de retirer un dossier de soumission relatif à un appel d’offre auquel il entend participer, de préciser ou faire préciser respectivement son identité ou la qualité de simple mandataire de la personne qui agit, que ce soit au moment de l’introduction de la demande en délivrance du dossier de soumission ou au moment de la 6 délivrance dudit dossier. - Dans ce contexte, c’est à tort que le délégué du gouvernement entend dégager pareille obligation de l’article 15 (13) du règlement grand-ducal précité du 2 janvier 1989, étant donné que si ladite disposition prévoit la tenue d’une liste confidentielle des concurrents qui ont retiré un dossier de soumission, cette liste confidentielle n’est tenue que dans l’intérêt exclusif des soumissionnaires afin de permettre au commettant de fournir, le cas échéant, à chaque concurrent des précisions relatives à l’objet de la soumission et il est erroné d’en dégager une condition de recevabilité des offres.

En l’espèce, sur base des considérations qui précèdent, étant donné qu’il est constant en cause que la société anonyme POLYMA & POLYCOLOR a agi en nom et pour compte de la société à responsabilité limitée de droit allemand S & P, que le mandataire et le mandant sont d’accord pour reconnaître l’existence du mandat que ce soit au moment où la société anonyme POLYMA & POLYCOLOR a retiré le dossier de soumission ou encore au moment du dépôt de l’offre, qu’il n’est pas non plus contesté que l’offre précisait l’identité des mandant et mandataire et qu’il y était joint une pièce attestant les pouvoirs accordés au mandataire, c’est à tort et en agissant avec légèreté que le commettant, sans procéder à des vérifications supplémentaires, notamment en sollicitant des précisions auprès du représentant de la société POLYMA & POLYCOLOR présent lors de la séance du 31 mai 2000, et sans procéder à l’ouverture de l’enveloppe contenant l’offre de la société S & P et la procuration de la société POLYMA & POLYCOLOR, a exclu l’offre S. purement et simplement.

Il suit des considérations qui précèdent que les décisions du commettant d’exclure les offres S. sont viciées et encourent l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, joint les affaires introduites sous les numéros 12342 et 12343 du rôle, dit que les demanderesses ont intérêt à agir pour obtenir une décision relativement à la légalité de la ou des décisions d’exclure leurs offres déposées dans le cadre des deux soumissions et, dans cette mesure, reçoit les deux recours en la forme, déclare les recours fondés et annule les décisions ministérielles en ce qu’elles ont exclu les offres de la société S & P GMBH des deux soumissions, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 4 avril 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

7 s. Legille s. Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : s12342,12343
Date de la décision : 04/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-04;s12342.12343 ?

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