La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12573

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 avril 2001, 12573


Tribunal administratif N° 12573 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2000 Audience publique du 4 avril 2001

============================

Recours formé par Monsieur … HAJDARPASIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

-------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12573 et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2000 par Maître Isabelle GIR

AULT, avocat à la Cour, assistée de Maître Luc BIRGEN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de ...

Tribunal administratif N° 12573 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2000 Audience publique du 4 avril 2001

============================

Recours formé par Monsieur … HAJDARPASIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

-------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12573 et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2000 par Maître Isabelle GIRAULT, avocat à la Cour, assistée de Maître Luc BIRGEN, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … HAJDARPASIC, né le … à Bijelo Polje (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- … , tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 8 novembre 2000, confirmative sur recours gracieux d’une première décision du même ministre du 25 août 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Luc BIRGEN et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mars 2001.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Le 25 juin 1999, Monsieur … HAJDARPASIC, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Le même jour, Monsieur HAJDARPASIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur HAJDARPASIC fut entendu en date du 10 février 2000 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 25 août 2000, notifiée le 25 septembre 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur HAJDARPASIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations que vous êtes arrivé au Luxembourg le 25 juin 1999 vers 6.00 heures.

Vous exposez ne jamais avoir été appelé pour faire le service militaire. Vous expliquez vous être enfui en raison de la mauvaise situation générale. Votre famille aurait été menacée par des réservistes, sans cependant avoir été maltraitée.

Vous expliquez que la situation au Monténégro aurait ressemblé à une guerre civile.

Il ressort de vos déclarations que vous avez un sentiment général d’insécurité en raison de la présence massive de réservistes au Monténégro à l’époque de la guerre au Kosovo. Or, un sentiment général d’insécurité ne constitue pas une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

En outre la situation dans la région s’est calmée avec la fin du conflit armé au Kosovo en mai 1999.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève (…). » Par courrier de son mandataire datant du 23 octobre 2000, Monsieur HAJDARPASIC a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée. Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du ministre du 8 novembre 2000, il a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de ladite décision confirmative du ministre du 8 novembre 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

2 A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que son départ de son pays d’origine aurait été motivé par la crainte de l’éclatement d’un conflit armé entre le Monténégro et la Serbie, étant donné que les relations politiques se seraient dégradées de jour en jour, que sa famille aurait voulu à tout prix éviter à son fils unique d’être mêlé à un conflit armé et que les minorités musulmanes seraient poursuivies dans sa région d’origine, quelque soit le côté de la frontière. Il aurait dès lors quitté son pays pour se prémunir contre le risque d’enrôlement à l’armée, voire de persécutions ou de poursuites du fait de son refus de faire partie de l’armée, refus qu’il indique être basé sur ses convictions religieuses. Il fait valoir qu’à l’heure actuelle tout risque de conflit entre le Monténégro et la Serbie ne serait pas encore éliminé et que partant les craintes ayant justifié son départ du pays seraient toujours vérifiées. Le demandeur relève par ailleurs qu’il se serait parfaitement intégré dans la société luxembourgeoise grâce notamment aux efforts qu’il aurait déployés pour apprendre la langue française et qu’il lui serait particulièrement préjudiciable de devoir quitter le pays au cours de l’année scolaire, alors qu’il serait ainsi privé de la faculté d’achever les études entreprises jusqu’à présent.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur HAJDARPASIC lors de son audition en date du 10 février 2000, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

3 En effet, la décision ministérielle de refus est légalement justifiée par le fait que, d’une part, l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef de Monsieur HAJDARPASIC une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et que, d’autre part, il n’est pas établi qu’actuellement, Monsieur HAJDARPASIC risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de son appartenance à une minorité religieuse, risquent de lui être infligés.

Le demandeur a par ailleurs expressément déclaré lors de son audition qu’il n’était pas membre d’un parti politique dans son pays d’origine, qu’il n’avait aucune activité politique, et qu’il n’était pas persécuté par les autorités monténégrines, mais qu’en tant que musulman, il avait peur des Serbes.

Il se dégage de ces déclarations que le demandeur a quitté son pays d’origine à cause de la situation générale d’insécurité y régnant, sans faire état d’une persécution vécue ou d’une crainte qui seraient telles que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé au demandeur la reconnaissant du statut de réfugié politique et que le recours sous analyse doit partant être rejeté comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours en annulation irrecevable ;

reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge et lu à l’audience publique du 4 avril 2001, par Monsieur Campill, premier juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Campill 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12573
Date de la décision : 04/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-04;12573 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award