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04/04/2001 | LUXEMBOURG | N°12572

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 avril 2001, 12572


Tribunal administratif N° 12572 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2000 Audience publique du 4 avril 2001

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Recours formé par Monsieur … KOZAR, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12572 et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2000 par Maître Anne MOREL, avocat à la Cour, assistée de Maître Lionel BERTHELET, avocat, les deux i

nscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KOZAR, né le … à Trpezi (M...

Tribunal administratif N° 12572 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 décembre 2000 Audience publique du 4 avril 2001

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Recours formé par Monsieur … KOZAR, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12572 et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 décembre 2000 par Maître Anne MOREL, avocat à la Cour, assistée de Maître Lionel BERTHELET, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KOZAR, né le … à Trpezi (Monténégro/Yougoslavie), de nationalité yougoslave, sans état particulier, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 8 novembre 2000, confirmative d’une décision antérieure prise par ledit ministre en date du 4 août 2000, notifiée le 14 septembre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Lionel BERTHELET, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 6 janvier 1999, Monsieur … KOZAR, préqualifié, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Monsieur KOZAR fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 20 octobre 1999, Monsieur KOZAR fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 4 août 2000, notifiée le 14 septembre 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur KOZAR de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations que depuis 1996, vous étiez policier de réserve. Vous avez été licencié en juin 1998 après avoir refusé d’aller à la frontière du Kosovo où avaient lieu des combats. Par la suite, vous avez ouvert un petit restaurant.

Vous indiquez avoir adhéré au DPS en 1992. Après la scission du parti en 1997, vous n’étiez plus membre d’un parti, mais vous avez de nouveau voté pour Bulatovic. Vous estimez que ceci était la cause pour laquelle la police venait par la suite souvent fermer votre bistrot avant l’heure de fermeture qui vous avait été accordée. Vous avez alors arrêté votre commerce et décidé de quitter votre pays, alors que votre famille est restée là-bas.

Vous déclarez que la police ne vous a pas frappé, mais que vous ne pouviez pas librement exercer votre droit au travail.

Il ne se dégage pas de vos allégations, qui ne sont par ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risquiez ou risquez d’être persécuté pour l’un des motifs énumérés par l’article 1er, A., 2. de la Convention de Genève.

En outre, les faits que vous relatez ne sont pas d’une gravité telle – même à les supposer établis – qu’ils justifieraient une crainte de persécution au sens de la Convention, d’autant plus que votre famille est restée là-bas et continue à vivre sans problèmes.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par lettre datée du 12 octobre 2000, entrée au ministère de la Justice le lendemain, 13 octobre 2000, Monsieur KOZAR introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 4 août 2000.

Par décision du 8 novembre 2000, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 8 décembre 2000, Monsieur KOZAR a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation des deux décisions précitées du ministre de la Justice des 4 août et 8 novembre 2000.

2 QUANT A LA COMPETENCE DU TRIBUNAL ET A LA RECEVABILITE DU RECOURS Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles déférées.

Le recours en réformation, ayant également été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

QUANT AU FOND Le demandeur expose qu’il occupait un poste de fonctionnaire de police au sein des forces de l’ordre yougoslaves, qu’en 1997, après avoir voté pour M. BULATOVIC, un opposant au régime en place, il aurait commencé à avoir des problèmes avec ses supérieurs et que ces problèmes auraient abouti à son licenciement, que, par la suite et pour faire vivre sa famille, il aurait ouvert un restaurant, que la police l’aurait obligé, à de nombreuses occasions, à fermer son établissement bien avant l’heure légale, que les interventions de la police auraient visé à faire fuir sa clientèle et à le ruiner et que ces tracasseries l’auraient incité à fermer son établissement et à quitter son pays d’origine, sa famille (son épouse et ses enfants) et ses amis pour se réfugier au Luxembourg.

Le demandeur estime qu’il se dégagerait de l’ensemble de ces considérations qu’il aurait subi des persécutions en raison de ses opinions politiques et que le statut de réfugié politique devrait lui être reconnu.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé. - Il relève spécialement que le récit du demandeur serait étonnant en ce qu’il affirme que M.

BULATOVIC aurait été un opposant au régime en place et que le fait d’avoir voté pour lui aurait causé des problèmes, étant donné que M. BULATOVIC n’aurait pas été un opposant au régime en place, mais un proche de M. MILOSEVIC, de sorte qu’il serait incompréhensible comment le fait d’avoir soutenu M. BULATOVIC aurait pu lui « causer un ennui quelconque ». En outre, le demandeur n’aurait pas fait état d’une persécution au sens de la Convention de Genève, mais tout au plus d’une discrimination, laquelle, faute de circonstances particulières, ne serait pas assimilable à une persécution.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du 3 demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur KOZAR lors de son audition en date du 20 octobre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu’il reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, lors de son audition, telle que celle-ci a été relatée dans le compte rendu figurant au dossier, Monsieur KOZAR, interrogé sur les motifs de sa décision de départ, a répondu : « Je suis parti en raison des problèmes qu’on me faisait avec mon bistrot. Ma famille est restée là-bas, parce qu’elle a assez pour vivre. Elle n’a pas de problèmes avec la police. Je vais rentrer quand la situation sera calme », que la police aurait à diverses reprises fermé son établissement, qu’il n’aurait cependant pas été frappé par les policiers, qu’il n’a pas été accusé de crimes ou de délits, qu’il n’a jamais été incarcéré et, interrogé plus particulièrement sur la question de savoir de quoi et de qui il aurait peur, il a répondu que « je n’ai pas peur de quelque chose en particulier, mais je ne jouis pas là-bas du libre exercice de mes droits. Je suis empêché à travailler. Tant que ce gouvernement reste en place, il n’y aura pas de changement. Mes problèmes ont commencé en 1998, après la victoire de Djukanovic;

la cause est mon vote pour BULATOVIC ».

Le tribunal constate que, même à admettre que la perte de son travail et le fait que la police aurait à différentes reprises fermé son établissement « bien avant la fermeture légale » soient liés à ses opinions politiques, lesdites discrimination et tracasseries ne sont pas, faute de circonstances particulières suffisamment graves, de nature à établir que Monsieur KOZAR aurait subi des persécutions au sens de la Convention de Genève et que sa situation particulière aurait été telle que la vie lui était devenue intolérable dans son pays d’origine.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le demandeur reste en défaut de faire état d’une crainte de persécution suffisamment caractérisée et grave au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance.

Le recours en réformation est donc à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

4 au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 4 avril 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12572
Date de la décision : 04/04/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-04-04;12572 ?

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