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26/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12511

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mars 2001, 12511


Tribunal administratif N° 12511 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 novembre 2000 Audience publique du 26 mars 2001

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Recours formé par Monsieur … SKRIJELJ, Luxembourg contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12511 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2000 par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit

au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SKRIJELJ, né le … , de natio...

Tribunal administratif N° 12511 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 novembre 2000 Audience publique du 26 mars 2001

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Recours formé par Monsieur … SKRIJELJ, Luxembourg contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12511 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2000 par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SKRIJELJ, né le … , de nationalité yougoslave, ayant élu domicile à L- … , tendant principalement à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 26 septembre 2000 lui refusant l’octroi d’un permis de séjour ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposée en date du 22 janvier 2001 au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Monique CLEMENT, en remplacement de Maître Jean-Georges GREMLING, et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mars 2001 ;

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Monsieur … SKRIJELJ, préqualifié, après avoir épousé en date du 9 janvier 1992 à l’ambassade yougoslave à Bruxelles Madame … , s’est vue délivrer en date du 25 mars 1992 une carte d’identité d’étranger par le ministre de la Justice, laquelle était valable jusqu’au 30 juin 1997. Deux enfants sont issus de ce mariage, à savoir A., né le … et E., née le… . Le divorce entre les époux fut prononcé en date du 11 décembre 1997. Après son retour en Bosnie de 1997 à 2000, Monsieur SKRIJELJ revint au Luxembourg et fit l’objet d’un contrôle d’identité ainsi que d’une mesure de placement consécutive en date du 4 août 2000. Cette mesure de placement fut levée en date du 26 septembre 2000 et par arrêté du même jour le ministre de la Justice refusa à Monsieur SKRIJELJ l’entrée et le séjour au Luxembourg aux motifs suivants : « - En séjour irrégulier au pays ; - Défaut de moyens d’existence personnels ; - Constitue par son comportement personnel un danger pour l’ordre public. ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2000, Monsieur SKRIJELJ a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision prérelatée du ministre de la Justice du 26 septembre 2000, par laquelle l’entrée et le séjour lui ont été refusés.

Le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, introduit en ordre principal, au motif qu’un tel recours n’est pas prévu en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5, page 310, et autres références y citées).

Aucune disposition légale ne conférant compétence à la juridiction administrative pour statuer comme juge du fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision critiquée.

Le recours subsidiaire en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur conclut à l’annulation de la décision critiquée pour violation de la loi et, plus particulièrement, pour violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-

après dénommée la « Convention européenne des droits de l’homme » et de son droit au regroupement familial, ainsi que de l’article 11 de la Constitution.

A l’appui de son recours il expose avoir épousé une nouvelle fois Madame RASTODER en date du 1er novembre 2000 à Sarajevo après avoir quitté le Luxembourg en date du 13 octobre 2000 suite à la notification de l’arrêté du ministre de la Justice déféré. Il relève que son épouse et ses enfants sont au Luxembourg depuis treize ans, que Madame RASTODER a un permis de travail valable en qualité de femme de charge, qu’elle souffrirait cependant de troubles médicaux importants et chroniques diminuant significativement sa capacité de travail, y compris pour les tâches ménagères et que, par conséquent, sa présence au domicile conjugal serait indispensable, ceci dans l’intérêt de ses enfants et de son épouse afin qu’il puisse soutenir sa famille moralement et financièrement.

Il convient en premier lieu de relever que la décision ministérielle déférée est conforme à l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-

d’œuvre étrangère, qui dispose notamment que : « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

En effet, comme il se dégage dudit article 2 qu’une autorisation de séjour peut être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties 2 éventuellement procurés par des tiers, (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Etranger, II. Autorisation de séjour- Expulsion, n° 81, et autres références y citées), et comme en l’espèce, le tribunal constate qu’il ne ressort pas des éléments du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis que le demandeur aurait disposé, au moment de la prise de la décision déférée, de moyens personnels propres, le refus ministériel n’est pas critiquable sous ce rapport.

La même conclusion s’impose concernant le motif de refus basé sur l’irrégularité de son séjour au pays, le demandeur admettant lui même que sa carte d’identité d’étranger n’était valable que jusqu’au 30 juin 1997 et qu’une nouvelle demande en obtention d’une autorisation de séjour n’a été introduite qu’en date du 14 septembre 2000, de sorte qu’au moment de la prise de la décision déférée il se trouvait en séjour irrégulier au pays.

En l’espèce, c’est à bon droit que le délégué du Gouvernement relève que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise pour conclure qu’au moment de la décision litigieuse, le demandeur était toujours divorcé de son épouse et vivait, au courant des dernières années, séparé de cette dernière et de ses enfants. Il ressort en effet des pièces produites en cause et des informations fournies par le demandeur qu’à la suite de son divorce, il était retourné au Bosnie de 1997 à 2000 et que les rapports avec sa famille se sont limités à des appels téléphoniques que le demandeur qualifie de réguliers avec son ex-épouse.

Le demandeur ayant ainsi vécu divorcé et séparé de son épouse au moment de la prise de la décision litigieuse, il convient d’examiner le moyen d’annulation tiré de la violation de son droit au regroupement familial uniquement par rapport à ses deux enfants.

L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :

« 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2) Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. » La notion de famille sur laquelle repose l’article 8 prérelaté inclut, même en l’absence de cohabitation, l’existence de liens entre une personne et ses enfants. Dans la mesure où le demandeur a lui-même rompu les liens directs avec ses enfants en retournant volontairement en Bosnie pendant une période ininterrompue de trois ans, il ne saurait être retenu en l’espèce que la décision déférée a eu pour effet de rompre cette unité familiale et se heurterait ainsi au principe de la protection de l’unité familiale telle que consacrée au niveau de la Convention européenne des droits de l’homme.

L’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie familiale suppose en effet pour le moins l’existence d’un exercice effectif de ce droit qui doit avoir une assise concrète, allant au-delà de simples rapports entretenus par la voie téléphonique 3 pendant plusieurs années avec la mère des enfants par rapport auxquels cette unité familiale est revendiquée.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre de la Justice a valablement pu rejeter la demande en octroi d’une autorisation de séjour sollicitée en faveur du demandeur et que le recours est partant à rejeter comme étant non fondé.

Concernant la demande formulée dans le dispositif de la requête introductive d’instance tendant à voir accorder au demandeur un permis de travail, force est encore de constater qu’elle laisse d’être fondée pour être étrangère à l’objet du litige, la décision déférée émanant du ministre de la Justice ayant statué en matière de séjour et non en matière de travail, cette dernière échappant par ailleurs à la sphère de compétence dudit ministre.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 mars 2001 par :

Mme. Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12511
Date de la décision : 26/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-26;12511 ?

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