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26/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12387

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 26 mars 2001, 12387


Tribunal administratif N° 12387 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 octobre 2000 Audience publique du 26 mars 2001

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Recours formé par Madame … MAGLICA, … contre deux décisions du ministre des Finances en matière de débits de boissons alcooliques

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12387 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date 11 octobre 2000 par Maître Jeannot BIVER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de lâ

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Tribunal administratif N° 12387 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 11 octobre 2000 Audience publique du 26 mars 2001

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Recours formé par Madame … MAGLICA, … contre deux décisions du ministre des Finances en matière de débits de boissons alcooliques

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12387 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date 11 octobre 2000 par Maître Jeannot BIVER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … MAGLICA, commerçante, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre des Finances du 16 mars 2000 ainsi que de celle confirmative du même ministre du 11 juillet 2000, intervenue sur son recours gracieux du 15 mai 2000, portant à chaque fois refus d’autorisation pour l’établissement d’un débit de boissons alcooliques hors nombre de plein exercice.

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 janvier 2001 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport ainsi que Maître Laurent HARGARTEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2001.

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Considérant que par demande du 4 août 1999, Madame … MAGLICA, commerçante, s’est adressée au ministre des Finances en vue d’obtenir une concession pour un débit de boissons alcooliques en ces termes : « Monsieur le Ministre, Par la présente j’aimerai demander votre consentement pour un débit d’alcools hors nombre à … .

Il s’agit d’un magasin de tabacs (250 m2) avec confiseries, cafés, jouets, alcools, articles d’épicerie et une cafétéria intégrée avec une grande terrasse d’été, donc d’intérêt touristique.

Comme je suis diplômée de l’école hôtelière à Diekirch une extension sur restauration dans le futur est possible.

Depuis 1986 je suis commerçante en nom propre.

Dans l’attente, veuillez agréer, … » Que réception de cette demande a été accusée en date du 16 suivant par le ministre des Finances, tandis qu’une demande de renseignements complémentaires lui adressée par l’administration des Douanes et Accises le 17 suivant a été rencontrée par Madame MAGLICA par courrier du 23 août 1999 comportant la précision que la demande en question porte sur une concession de débits hors nombre de plein exercice pour son propre compte en vue de l’exploitation d’un débit, le « DFS Café Bar » à l’adresse préindiquée à … ;

Que la demande de Madame MAGLICA a été rencontrée par une décision du ministre des Finances du 16 mars 2000 libellée comme suit : « Madame, Suite à votre demande du 4 août 1999, relative à l’obtention d’une licence hors nombre de plein exercice destinée à l’exploitation de votre commerce sis … , je tiens à vous faire parvenir ma décision suivante dans votre dossier :

Aux termes de l’article 6, paragraphe 1 de la loi du 29 juin 1989 portant réforme du régime des cabarets, modifiée par la loi du 27 juillet 1993, une autorisation du type « hors nombre de plein exercice » ne peut être accordée que si les nécessités du tourisme l’exigent ou bien dans d’autres cas exceptionnels dûment justifiés par l’intérêt général.

Dans votre cas, aucun de ces critères ne semble rempli, étant donné qu’il s’agirait en l’occurrence en fait tout simplement de la création d’un débit de boissons alcooliques supplémentaire par le biais de la transformation d’un débit de boissons non-

alcooliques exploité au sein d’un commerce où le seuil de débits préconisé par la loi se trouve déjà largement dépassé à l’heure actuelle. Des arguments qui pourraient par contre être objectivement invoqués à l’appui du « cas exceptionnel justifié par l’intérêt général », qui serait à démontrer pour l’octroi d’une autorisation hors nombre de plein exercice sont inexistants en l’espèce.

A défaut de cuisine dans le local occupé et en considération du fait que ni l’aménagement, ni l’équipement actuel du commerce ne peuvent se prêter à l’exploitation d’un restaurant, votre qualification professionnelle de pouvoir exploiter un établissement de restauration ne peut non plus être invoquée de nature à nécessiter l’exploitation conjointe d’un débit de boissons alcooliques.

Au vu des considérations qui précèdent, et en partant du principe de la limitation des débits, qui est à la base de la législation sur les cabarets, ainsi que l’avis de rejet de la Commission spéciale du Conseil d’Etat du 7 mars 2000 et de l’avis de rejet du Ministre des Classes Moyennes, du Tourisme et du Logement du 7 mars 2000 votre demande est rejetée pour cause d’intérêt personnel prévalant sur l’intérêt général, dicté par un besoins réel de la population résidente et touristique de la Ville de Remich.

Veuillez agréer, Madame, … ».

2 Que Madame MAGLICA a fait introduire par son mandataire un recours gracieux en date du 15 mai 2000 dans le cadre duquel elle insiste que le commerce par elle projeté répondrait déjà par son agencement aux besoins du tourisme, qu’elle envisagerait la création d’un établissement nouveau dans un bâtiment nouvellement construit et non point à la transformation d’un débit de boissons alcooliques préexistant, que le genre d’établissement projeté serait connu sous le nom « convenient shop » et réunirait sous un même toit un supermarket, une boulangerie, une crêperie, un salon de consommation de pâtisserie et de glace, un restaurant et un débit de boissons, particulièrement attractif les dimanches et jours féries, compte tenu de l’afflux de personnes à Remich sur l’Esplanade de la Moselle en face de laquelle son local est situé.

Qu’elle insiste plus particulièrement sur le fait que les touristes achetant du vin, notamment luxembourgeois, aimeraient également pouvoir le déguster sur place, ainsi que sur ce que son établissement répondrait également à la condition relevant de l’intérêt général, étant donné qu’au regard de la chute du nombre des petits commerces dans la localité de Remich, il serait de même appelé à répondre aux besoins des habitants de la Ville en la matière ;

Que le recours gracieux ainsi présenté a été rencontré par le ministre des Finances à travers sa décision confirmative du 10 juillet 2000 libellée comme suit : « L’article 6 de la loi du 29 juin 1989 portant réforme du régime des cabarets autorise en son alinéa (1) le Ministre des Finances à accorder, dans les communes où les nécessités du tourisme l’exigent ou dans d’autres cas exceptionnels justifiés par un intérêt général, l’établissement des débits hors nombre de plein exercice ; l’alinéa (11) du même article de la loi soumet ces autorisations par ailleurs à l’avis préalable du Ministre du Tourisme et du Conseil d’Etat.

J’estime qu’en l’occurrence, il est difficile de soutenir qu’il s’agit d’un cas exceptionnel justifié par un intérêt général. Ainsi qu’il résulte en effet du rapport des agents de l’Administration des Douanes et Accises, la question qui se pose en l’objet, c’est l’opportunité, du point de vue intérêt général, respectivement du point de vue intérêt touristique, de la création d’un débit de boissons alcooliques supplémentaire par le biais de la transformation d’un débit de boissons non-alcooliques actuellement exploité au sein du « magasin de tabacs avec confiseries, jouets, alcools, articles d’épicerie et cafétéria » dont l’objet, en débit de boissons alcooliques, cela dans une commune où le seuil de débits préconisé par la loi (qui est de l’ordre d’un débit pour 500 habitants) se trouve déjà largement dépassé à l’heure actuelle.

En présence d’un rapport actuel de un débit pour 72 habitants dans la commune de Remich, il serait en effet bien téméraire d’invoquer l’intérêt général et les nécessités du tourisme pour justifier la création d’un débit en surplus dans le cas d’espèce et de déroger ainsi au principe de la limitation des débits, qui est à la base de la législation sur le régime des cabarets. Il ne s’agit en l’espèce par ailleurs aucunément, comme vous le prétendez, de contester l’intérêt touristique éventuel d’un commerce de type supermarché en soi dans la localité en question, ni de douter de l’intérêt local pour un tel type de commerce, mais uniquement de se prononcer, au vu de la législation sur le régime des cabarets, sur l’opportunité de la création d’un débit de boissons alcooliques à consommer sur place en surnombre (c.à.d. en sus du quorum légal) dans la commune de Remich pour les motifs invoqués.

3 Me ralliant en l’espèce à l’avis du Conseil d’Etat et du Ministre du Tourisme, et considérant que le réexamen de l’affaire n’a fait apparaître aucun élément de fait ou de droit qui n’ait été pris dûment en considération dans la décision dont recours gracieux, j’estime qu’il n’y a pas lieu de revenir sur la décision du 16 mars 2000. » Considérant qu’en date du 11 octobre 2000 Madame MAGLICA a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions ministérielles prérelatées des 16 mars et 11 juillet 2000 ;

Considérant que le délégué du Gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours, notamment quant au délai pour agir ;

Considérant que l’article 32 de la loi modifiée du 29 juillet 1989 portant réforme du régime des cabarets prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Que par voie de conséquence le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est irrecevable ;

Considérant que le même article 32 prévoit en son pénultième alinéa que contre les décisions prises par le ministre des Finances en vertu de l’article 6 de ladite loi, concernant précisément les débits hors nombre de plein exercice, un recours est ouvert dans le délai d’un mois à compter de leur notification ;

Considérant que s’il est vrai que ni le recours gracieux, ni le recours contentieux introduits au nom de Madame MAGLICA ne répondent à la condition de délai précitée, il n’en reste pas moins qu’aucune des deux décisions ministérielles déférées n’est pourvue de l’indication des voies de recours requise en vertu de l’article 14 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, applicable en l’espèce, de sorte qu’aucun délai de recours n’a commencé à courir à l’encontre d’icelles ;

Que le recours sous analyse est dès lors recevable ratione temporis ;

Qu’il est également recevable pour le surplus, en tant qu’il a été introduit suivant les formes prévues par la loi ;

Considérant qu’au fond la partie demanderesse estime que la décision déférée du 16 mars 2000 devrait être sanctionnée alors qu’elle aurait omis d’analyser une des conditions d’obtention d’une licence hors nombre de plein exercice, à savoir celle ayant trait aux nécessités du tourisme, conformément à l’article 6 de la loi modifiée du 29 juin 1989 précitée ;

Que la décision confirmative de refus du 10 juillet 2000 est critiquée sur le même point ;

Que pour le surplus celle-ci comporterait une contradiction, en ce que d’un côté il y serait affirmé que l’intérêt touristique éventuel d’un commerce de type supermarché dans la localité de Remich, tel que celui exploité par la demanderesse, ne serait pas 4 contesté et que d’un autre côté la nécessité du tourisme non autrement spécifiée ne saurait justifier la création d’un débit en surplus dans le cas d’espèce ;

Que la partie demanderesse d’estimer que soit son commerce représente un intérêt touristique, de sorte qu’il y aurait lieu de lui accorder l’autorisation sollicitée sur cette base, soit il n’en présenterait point ce qui justement n’aurait pas été admis par ladite décision déférée, laquelle a néanmoins refusé l’autorisation sollicitée ;

Considérant que le représentant étatique d’estimer qu’aucune des conditions d’application prévues par l’article 6 de la loi modifiée du 29 juin 1989 ne serait remplie dans le cas d’espèce, tout en contestant formellement que les décisions auraient omis d’analyser une des conditions y prévues ;

Qu’à travers sa décision du 16 mars 2000 déférée le ministre se serait rallié aux avis négatifs du Conseil d’Etat et du ministre du Tourisme requis en la matière, fondés à la fois sur les respectifs aspects de l’intérêt général et de la nécessité du tourisme ;

Que le commerce de la demanderesse présenterait en fait toutes les caractéristiques d’une épicerie typique d’une localité frontalière, de sorte qu’aucun intérêt touristique du commerce ne saurait être invoqué en vue d’accorder l’autorisation sollicitée ;

Qu’il y aurait lieu de tenir compte du rapport actuel existant pour la commune de Remich où figurerait un débit pour 72 habitants, de sorte que le seuil de débits préconisé par la loi (1 par 500 habitants) se trouverait déjà largement dépassé à l’heure actuelle ;

Que dans la mesure où l’autorisation d’un débit de boissons hors nombre de plein exercice ne saurait se faire que par rapport à l’intérêt général et non en fonction de l’intérêt d’un particulier, il conviendrait encore de retenir que la demanderesse ne rapporterait point la preuve que la création d’une licence additionnelle à son profit serait fondée sur des circonstances exceptionnelles dûment justifiées par l’intérêt général au-

delà de son intérêt propre à elle ;

Considérant que l’article 6 de la loi modifiée du 29 juin 1989 dispose en son paragraphe 1er que « dans les communes où les nécessités du tourisme l’exigent ou dans d’autres cas exceptionnels justifiés par un intérêt général, le ministre des Finances peut autoriser l’établissement de débits hors nombre de plein exercice… » ;

Considérant que s’il est vrai que les nécessités du tourisme et les cas exceptionnels justifiés par un intérêt général visés par l’article 6 paragraphe (1) prérelaté constituent deux cas d’ouverture distincts, il n’en reste pas moins à partir du contenu prérelaté des deux décisions ministérielles déférées que chacune d’elles a statué sinon directement, du moins à travers les avis y visés qu’elle fait siens, à la fois par rapport à chacune des deux hypothèses prévues par la loi ;

Considérant que contrairement aux énonciations de la partie demanderesse, la prise de position ministérielle relatée à travers les décisions déférées, notamment à travers celle confirmative sur recours gracieux n’est pas contradictoire en son sein concernant le cas d’ouverture légal relatif au tourisme ;

5 Considérant qu’il convient de spécifier que ce sont les nécessités du tourisme qui, si elles l’exigent, font en sorte que le ministre des Finances peut autoriser l’établissement de débits hors nombre de plein exercice d’après le libellé même de l’article 6 paragraphe 1er prérelaté ;

Considérant dès lors que si le commerce actuellement exploité par la demanderesse à Remich peut présenter un certain intérêt touristique, il n’en reste pas moins que les nécessités du tourisme s’évaluent globalement au niveau de la commune de Remich compte tenu du seuil légal indiqué par ailleurs dans la loi modifiée du 29 juin 1989 d’un débit par 500 habitants, par rapport auquel est appelée à intervenir l’autorisation d’un débit hors nombre ;

Considérant que compte tenu de la densité actuelle des débits non contestée de 1 par 72 habitants pour la commune de Remich et de la nature de l’établissement exploité par la demanderesse justement rencontrées à travers les décisions ministérielles déférées, c’est à bon droit que le ministre a pu retenir que les nécessités du tourisme n’exigeaient pas en l’espèce qu’accessoirement à l’exploitation de la demanderesse celle-ci puisse se voir adjoindre l’autorisation par elle sollicitée ;

Considérant que c’est encore à juste titre que les décisions ministérielles déférées mettent l’accent sur le caractère exceptionnel des motifs d’intérêt général qu’une partie demanderesse, telle Madame MAGLICA doit être à même de faire valoir en vue de l’obtention de l’autorisation par elle sollicitée, ainsi que cette exigence découle encore directement du libellé de la loi ;

Considérant que si au-delà de son intérêt propre Madame MAGLICA fait valoir certains aspects communs pouvant avoir trait à l’intérêt général en relation avec le développement commercial et touristique de la localité de Remich, il n’en reste pas moins que les éléments par elle produits laissent de suffire à l’exigence de cas « exceptionnels » telle que posée par la loi, étant donné qu’il n’y est pas non plus suffi par la simple qualification de son établissement de « convenient shop », somme toute en train de devenir commune à nombre d’établissements fonctionnant dans les localités frontalières, compte tenu du tourisme de consommateurs y présent, de sorte que le recours laisse encore d’être fondé sous ce second aspect ;

Que le recours n’étant justifié en aucun de ses volets il est à déclarer non fondé dans son intégralité ;

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours en réformation recevable ;

au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

6 condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 mars 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12387
Date de la décision : 26/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-26;12387 ?

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