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21/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12555

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mars 2001, 12555


Tribunal administratif N° 12555 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2000 Audience publique du 21 mars 2001

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Recours formé par Madame … ADROVIC-… et consort, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12555 et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2000 par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av

ocats à Diekirch, au nom de Madame … ADROVIC-…, née le … à Bérane (Monténégro/Yougoslavie), agissant pour...

Tribunal administratif N° 12555 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 décembre 2000 Audience publique du 21 mars 2001

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Recours formé par Madame … ADROVIC-… et consort, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12555 et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2000 par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Madame … ADROVIC-…, née le … à Bérane (Monténégro/Yougoslavie), agissant pour elle-même ainsi qu’en nom et pour compte de son enfant mineur… , née le … à Bérane, tous les deux de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-6590 …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 31 juillet 2000, notifiée le 25 septembre 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 janvier 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Jean-Louis UNSEN, en remplacement de Maître Marc WALCH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 18 juin 1999, Madame … ADROVIC-…, préqualifiée, agissant pour elle-même ainsi qu’en nom et pour compte de son enfant mineur…, préqualifiée, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New 1 York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Madame … ADROVIC-… fut entendue en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 28 juin 1999, Madame ADROVIC-… fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 31 juillet 2000, notifiée le 25 septembre 2000, le ministre de la Justice informa Madame ADROVIC-… de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations que vous êtes arrivée au Luxembourg le 18 juin 1999 vers 7.00 heures.

Vous exposez ne plus avoir de nouvelles de votre mari depuis le 29 mars 1999, sans être en mesure de préciser ce qui pourrait lui être arrivé.

Vous expliquez qu’à la fin de la guerre deux personnes seraient venues chez vous et vous auraient dit de quitter votre appartement. Ils auraient ressemblé à des clochards et ils vous auraient menacée de mort. Selon vos opinions, il s’agit de mafieux qui vous auraient menacée en raison de votre religion musulmane.

Vous déclarez cependant que ces personnes ne vous ont rien indiqué quant à leurs motifs.

Rien n’indique que ces personnes auraient agi de cette manière à cause de votre religion musulmane. Il pourrait aussi bien s’agir de criminels de droit commun.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution pour un des motifs invoqués par la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par requête déposée en date du 7 décembre 2000, Madame ADROVIC-…, agissant pour elle-même ainsi qu’en nom et pour compte de sa fille Albina, a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 31 juillet 2000.

Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le 2 recours en réformation, formulé en ordre principal, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. - Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable. En effet, l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, de sorte que l’existence d’une possibilité d’un recours en réformation contre une décision rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Au fond, la demanderesse fait soutenir que le ministre de la Justice aurait violé la loi au motif qu’il n’aurait pas apprécié « à sa juste valeur [sa] situation spécifique et subjective [et celle de sa fille] qui est telle qu’elle laisse supposer une crainte légitime de persécution dans leur pays d’origine pour l’un des motifs visés à la Convention de Genève ».

Dans ce contexte, la demanderesse fait préciser qu’elle-même et sa fille auraient été « menacées de mort par des individus qui se sont présentés à leur appartement », que « de plus, elles se sont encore vu menacer des pires maux et ce pour la seule raison de leur confession musulmane [sic]» et que leurs vies seraient en danger en cas de retour dans leur pays d’origine.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des consorts ADROVIC-… et que leur recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle de la demanderesse, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations de Madame ADROVIC-….

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Madame ADROVIC-…, lors de son audition en date du 28 juin 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments développés par la suite, notamment au cours de la procédure contentieuse, et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des 3 raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Dans ce contexte, le tribunal relève que la demanderesse base ses craintes de persécution sur le fait qu’elle-même et sa fille ne seraient pas en sécurité dans leur pays de provenance en raison de « leur confession musulmane » et, plus particulièrement, parce qu’elles auraient été « menacées de mort par des individus qui se sont présentés à leur appartement ».

Or, les déclarations faites par la demanderesse en rapport avec ses craintes en raison de sa religion musulmane - et de celle de sa fille - s’analysent, en substance, en la simple expression d’un sentiment général de peur, sans que la demanderesse n’ait établi un état de persécution vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine. - En effet, le fait unique dont la demanderesse fait état, à savoir ses allégations vagues en rapport avec des menaces de mort que deux hommes « qui ressemblaient à des clochards » et qui se seraient présentés à leur appartement auraient proférées, n’est pas de nature à établir une crainte justifiée de persécution, étant donné qu’il n’est pas établi que lesdites menaces - au cas où elles ont été adressées à la demanderesse - étaient réellement en relation avec l’appartenance religieuse de la demanderesse et de sa fille - il est, pour le moins, tout aussi probable qu’il s’agissait d’un acte de criminalité de droit commun -, mais encore, et surtout, que la demanderesse n’a pas établi, d’une part, avoir concrètement recherché la protection des autorités en place dans son pays de provenance en vue de la poursuite et de la répression de cet acte de violence commis et, d’autre part, qu’une protection lui aurait été refusée ou que les autorités auraient été incapables d’offrir une protection appropriée.

Pour le surplus, la demanderesse reste également en défaut d’établir des raisons suffisantes pour lesquelles elle ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre région ou province de la Yougoslavie, notamment dans la maison de ses parents - décédés - qui, selon les déclarations de la demanderesse, serait « toujours » installée dans un village au Monténégro, et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne, étant donné que la demanderesse ne saurait utilement justifier pareille impossibilité par le fait que « la maison se trouve dans un village qui est trop loin de la ville de Bérane ».

Il ressort de ce qui précède que la demanderesse n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié politique dans son chef ou dans celui de sa fille. Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

4 déclare le recours en annulation irrecevable;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 21 mars 2001, par le vice-président, en présence de Mme.

Wiltzius, greffier de la Cour administrative, greffier assumé.

s. Wiltzius s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12555
Date de la décision : 21/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-21;12555 ?

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