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20/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12719C

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 mars 2001, 12719C


GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12719C du rôle Inscrit le 29 décembre 2000 Audience publique du 20 mars 2001 Recours formé par Idriz OSMANOVIC et son épouse, Hedija SUTKOVIC et consorts, contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(Jugement entrepris du 27 novembre 2000 / n° du rôle 12168)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 29 décembre 2000 par Maître Guy Thomas, avocat à la Co

ur, au nom de Idriz Osmanovic et de son épouse Hedija Sutkovic agissant tant en leur...

GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE N° 12719C du rôle Inscrit le 29 décembre 2000 Audience publique du 20 mars 2001 Recours formé par Idriz OSMANOVIC et son épouse, Hedija SUTKOVIC et consorts, contre le ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique - Appel -

(Jugement entrepris du 27 novembre 2000 / n° du rôle 12168)

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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 29 décembre 2000 par Maître Guy Thomas, avocat à la Cour, au nom de Idriz Osmanovic et de son épouse Hedija Sutkovic agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour compte de leurs trois enfants mineurs Kemal, Amra et Kenan, tous les cinq de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-9452 Bettel, 29, rue de l’Eglise, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié politique par le tribunal administratif à la date du 27 novembre 2000 à la requête des époux Osmanovic-Sutkovic.

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 19 janvier 2001 par le délégué du Gouvernement Jean-Paul Reiter au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre de la Justice.

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 22 février 2001 par Maître Guy Thomas au nom des époux Osmanovic-Sutkovic.

Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris.

Ouï le conseiller en son rapport et Maître Guy Thomas ainsi que la déléguée du Gouvernement Claudine Konsbrück en leurs observations orales.

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Par requête inscrite sous le numéro du rôle 12168 et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juillet 2000 par Maître Guy Thomas, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, Idriz Osmanovic, né le 2 janvier 1972 à Kalica-Berane (Monténégro), sans état particulier, et son épouse Hedija Sutkovic, née le 30 décembre 1976 à Ljubovo-Istak (Monténégro), sans état particulier, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour compte de leurs trois enfants mineurs Kemal, Amra et Kenan, tous les cinq de nationalité yougoslave, demeurant actuellement ensemble à L-9452 Bettel, 29, rue de l’Eglise, ont demandé la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 10 avril 2000, notifiée le 16 mai 2000, et d’une décision confirmative sur recours gracieux du 22 juin 2000, notifiée le 28 juin 2000, les deux portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique.

Le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement en date du 27 novembre 2000, a déclaré le recours en réformation non justifié et en a débouté.

Maître Guy Thomas a déposé une requête d’appel contre ce jugement au greffe de la Cour administrative en date du 29 décembre 2000 au motif qu’il causerait torts et griefs aux requérants en ce qu'il n'a pas fait droit à leur recours en réformation de la décision du ministre de la Justice du 10 avril 2000 rejetant leur demande en obtention du statut de réfugié et les invitant à quitter le territoire, alors que ce recours aurait été justifié tant en fait qu'en droit par les pièces produites et les conclusions prises en première instance.

En ordre principal ce serait à tort que les premiers juges ont estimé que les requérants seraient restés en défaut de faire état et d'établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques, et que l'insoumission de Idriz Osmanovic ne serait pas par elle-même un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, à défaut par lui d'avoir prouvé soit qu'il aurait risqué ou risquerait de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, soit que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, lui auraient été infligés ou risqueraient de lui être infligés, soit encore que la condamnation qu'il risquerait d'encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d'une telle infraction ou que la condamnation éventuelle serait prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Il apparaîtrait clairement d’un certain nombre de documents produits en cause que les minorités slaves du Kosovo seraient systématiquement persécutées et que la police internationale mise à la disposition de l'UNMIK, la KFOR, ne disposant que de 2.548 hommes de troupe au lieu des 4.700 autorisés, ne serait manifestement pas à même d'assurer ne fût-ce qu'un semblant de sécurité, de sorte que des attaques auraient lieu en plein jour et en pleine ville malgré la présence des troupes de la KFOR et de la police de 1'UNMIK.

Dans un rapport conjoint du 3 décembre 1999, le HCR et l’OSCE auraient dénoncé le climat de violence et d'impunité dont seraient victimes les non-Albanais - et même certains Albanais modérés.

Quant à l'insoumission de Osmanovic, elle aurait été motivée par le fait que le requérant n'a pas voulu participer à des actions militaires condamnées par la communauté internationale au point qu'elle aurait servi à justifier l'intervention de l'OTAN et l'incrimination de Slobodan Milosevic comme criminel de guerre d'une part et par son refus de lutter contre des co-religionnaires musulmans d'autre part.

Le fait qu'il ait été convoqué à l'armée fédérale à un moment où la guerre civile au Kosovo venait de commencer serait en soi la preuve suffisante qu'il aurait risqué de 2 devoir participer à de telles actions militaires au Kosovo contraires à des règles de conscience valables.

Quant aux traitement discriminatoires ou à la condamnation excessive qu'il risquerait d'encourir en raison de sa religion musulmane et de son insoumission, il faudrait se référer, mutatis mutandis, au courrier de Stefanof sur la situation des déserteurs et insoumis au Monténégro produit devant les premiers juges.

Dans ce contexte, il y aurait lieu de se poser deux questions:

1) les intéressés désertent-ils une guerre condamnée par des instances internationales (ONU) ou non officielles mais dont l'existence est reconnue (Amnesty International), 2) la peine infligée à ces déserteurs est-elle disproportionnée? Selon Jean-Yves Carlier l'une de ces deux conditions paraîtrait suffisante pour décider que le déserteur subit une persécution.

Si la guerre concernée est condamnée par les institutions internationales, toute sanction du déserteur, même aussi minime qu'une amende, serait inacceptable.

Si la guerre n'est pas condamnée, une sanction disproportionnée serait inacceptable.

En l'espèce, la peine disproportionné résulterait à suffisance du prédit rapport Stefanov, et cela d'autant plus que l'insoumission du requérant se situait en période de guerre où les sanctions auraient été particulièrement sévères et disproportionnées.

Ce serait encore à tort que les premiers juges se sont retranchés derrière l'interprétation restrictive de la notion d'auteur de la persécution alors que celle-ci serait en réalité contraire au texte de l'article 1 A 2) de la Convention de Genève, ainsi que l'exprimerait Jean-Yves Carlier.

Les appelants se réfèrent encore à un jugement du tribunal administratif du 8 juin 1998 qui se serait ralliée à la position extensive dans le cas d'une famille albanaise dont un membre de la famille avait été assassiné lors des troubles électoraux de juin 1997 en Albanie.

En ordre tout à fait subsidiaire, ce serait encore à tort que les premiers juges n'ont pas fait droit aux arguments développés devant eux quant au principe de non-refoulement alors que les nombreux attentats et exactions commis ces derniers temps au Kosovo contre des minorités ethniques telles les « Bochniaques » seraient de nature à justifier l'application de ce principe aux requérants et à s'opposer à leur refoulement vers un pays où ils risquent de subir des traitements cruels, inhumains et dégradants.

Le délégué du Gouvernement a demandé la confirmation du jugement dans un mémoire en réponse déposé en date du 19 janvier 2001 qui a été suivi d’une réplique de la part des appelants en date du 22 février 2001 pour réexposer leur situation par rapport à la situation politique au Kosovo.

A défaut de moyens nouveaux produits en instance d’appel, la Cour peut se rallier entièrement à la motivation développée exhaustivement par les premiers juges pour refuser aux requérants la reconnaissance du statut de réfugié politique, notamment à la 3 décision qu’une persécution au titre de l’une des cinq causes visées à l’article 1er de la Convention de Genève émanant non pas de l’Etat, mais de groupes de la population, en l’espèce de la population musulmane du Kosovo parlant l’albanais, ne peut être reconnue comme motif d’octroi du statut de réfugié politique que si les personnes en cause ne bénéficient pas de la protection des autorités de son pays; que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion; qu’une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions commises par un groupe de la population seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée; que le demandeur d’asile doit en plus avoir concrètement recherché cette protection, de sorte que ce n’est qu’en cas de défaut de protection, dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur d’asile, qu’il y a lieu de prendre en compte une persécution commise par des tiers; que le demandeur ne démontre point que les forces onusiennes et l’administration civile actuellement en place ne soient pas capables d’assurer un niveau de protection suffisant aux habitants du Kosovo et qu’il reste en défaut d’établir des raisons pertinentes pour lesquelles il ne serait pas en mesure de s’installer dans une autre partie de son pays d’origine et de profiter ainsi d’une possibilité de fuite interne.

Les premiers juges ont par ailleurs souligné à juste titre que les décisions ministérielles de refus sont légalement justifiées par le fait que l’insoumission de Idriz Osmanovic n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef des consorts Osmanovic-Sutkovic, une crainte justifiée d’être persécutés dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et qu’il ne ressort des éléments du dossier ni qu’il risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, lui ont été infligés ou risquent de lui être infligés, ni encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

La loi sur l’amnistie dont doivent bénéficier les déserteurs et insoumis ayant été votée le 26 février 2001, Idriz Osmanvovic ne risque par ailleurs plus d’encourir une condamnation pour l’une de ces deux raisons.

Le jugement du 27 novembre 2000 est partant à confirmer.

Par ces motifs, la Cour administrative, statuant contradictoirement;

reçoit l’appel du 29 décembre 2000;

4 le dit non fondé et en déboute;

partant confirme le jugement du 27 novembre 2000 dans toute sa teneur;

condamne les appelants aux frais de l’instance d’appel.

Ainsi jugé par:

Marion LANNERS, vice-présidente, Christiane DIEDERICH-TOURNAY, conseiller, Marc FEYEREISEN, conseiller, rapporteur, et lu par la vice-présidente Marion LANNERS en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête, en présence du greffier de la Cour Anne-Marie WILTZIUS le greffier la vice-présidente 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12719C
Date de la décision : 20/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-20;12719c ?

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