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19/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12329

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mars 2001, 12329


Numéro 12329 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 septembre 2000 Audience publique du 19 mars 2001 Recours formé par 1. la société à responsabilité limitée ADAMS CONSTRUCTION, Remich, et 2. Monsieur …, Remich contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisations de faire le commerce

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12329 du rôle, dépo

sée le 21 septembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, av...

Numéro 12329 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 septembre 2000 Audience publique du 19 mars 2001 Recours formé par 1. la société à responsabilité limitée ADAMS CONSTRUCTION, Remich, et 2. Monsieur …, Remich contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisations de faire le commerce

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12329 du rôle, déposée le 21 septembre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée ADAMS CONSTRUCTION, établie et ayant son siège social à L- … , représentée par son gérant actuellement en fonctions, et Monsieur …, employé privé, demeurant à la même adresse, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 8 septembre 2000 portant rejet de la demande d’autorisation d’établissement présentée par la société ADAMS CONSTRUCTION s.à r.l.

pour l’exercice du métier d’entrepreneur de construction sous la gérance de Monsieur …;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle CHOUCROUN-KARP et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 janvier 2001.

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En date du 19 mars 1998, le bureau comptable ERB présenta pour compte de Monsieur … une demande en obtention d’une autorisation d’établissement pour les métiers de « Hoch- und Tiefbau (Maurermeister) » et de « Ofen- und Kachelofenbau (Ofenbaumeister) ».

Suite à l’avis en ce sens émis le 30 mars 1998 par la commission prévue par l’article 6 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales, ci-après dénommée « la loi d’établissement », le ministre des Classes moyennes et du Tourisme transmit cette demande au ministère de la Justice pour avis quant à la responsabilité de Monsieur … suite à sa mise en faillite survenue antérieurement.

Sur demande afférente du parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg du 12 mai 1998, le curateur de la faillite personnelle de Monsieur …, prononcée le 16 juin 1995, Maître Sabine DELHAYE soumit son rapport sur ladite faillite. Le procureur d’Etat conclut par avis du 26 avril 1999 que Monsieur … ne posséderait plus l’honorabilité requise pour la délivrance d’une autorisation d’établissement. Le procureur général renvoya le dossier au ministère de la Justice par transmis du 27 avril 1999 en déclarant se rallier à l’avis défavorable du procureur d’Etat.

Comme suite à un courrier du mandataire de Monsieur … du 30 avril 1999 sollicitant le droit de consulter le dossier administratif concernant la demande d’autorisation d’établissement de ce dernier, le ministre des Classes moyennes et du Tourisme transmit audit mandataire une copie de ce dossier administratif suivant lettre du 12 mai 1999.

Suite à la présentation par Monsieur … d’une nouvelle demande d’octroi d’une autorisation d’établissement pour l’activité de « construction – lien direct – lien indirect » en date du 22 février 2000, le ministre sollicita, par courrier du 16 mars 2000, des précisions concernant la nature des activités envisagées et plus particulièrement les différents métiers pouvant entrer en compte.

A la suite de ce dernier courrier, le nouveau mandataire de Monsieur … informa le ministre suivant lettre du 9 août 2000 de la constitution de la société ADAMS CONSTRUCTION s.à r.l. par Monsieur … et son épouse, Madame … , et déclara présenter une demande d’autorisation d’établissement au profit de cette société sous la gérance de Monsieur … en précisant que « la nature des activités envisagées est renseignée dans les statuts ci-annexés en copie ».

Par décision du 8 septembre 2000, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, se ralliant à l’avis défavorable émis le 28 août 2000 par la commission susvisée, refusa de faire droit à cette demande aux motifs suivants :

« Le résultat [de l’instruction administrative] m’amène à vous informer que la commission y prévue a estimé à l’unanimité que Monsieur … ne remplit plus les garanties requises d’honorabilité professionnelle en raison de ses agissements dans sa faillite personnelle prononcée le 16 juin 1995, se ralliant ainsi dans ses conclusions aux renseignements défavorables fournis par les Parquets et le curateur.

2 Comme je fais miennes ces prises de position, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l’état actuel du dossier en me basant sur l’article 3, alinéas 1er et 4 de la loi susmentionnée ».

A l’encontre de cette décision de refus, la société à responsabilité limitée ADAMS CONSTRUCTION et Monsieur … ont fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation par requête déposée le 21 septembre 2000.

Encore que les demandeurs entendent exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l'obligation d'examiner en premier lieu l’admissibilité d’un recours au fond en la matière, l'existence d'une telle possibilité rendant irrecevable l'exercice d'un recours en annulation contre la même décision (trib. adm. 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Nika, Pas. adm. 1/2000, v° Recours en réformation, n° 2, et autres décisions y citées).

Etant donné que l’article 2 alinéa 6 de la loi d’établissement, dans la teneur lui conférée par la loi modificative du 4 novembre 1997, dispose expressément que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation, compétence ne lui est pas conférée par la loi pour connaître du recours subsidiaire en réformation. Le recours en annulation introduit à titre principal est partant recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, les demandeurs reprochent au ministre la motivation insuffisante tant en fait qu’en droit de la décision entreprise en ce que le ministre n’aurait pas précisé quels auraient été les renseignements défavorables fournis par le parquet et le curateur et les aurait de la sorte mis dans l’impossibilité de faire valoir leurs arguments sur ces points.

Aux termes de l’article 2 alinéa 2 de la loi d’établissement, « lorsque l’autorisation est refusée, la décision ministérielle doit être dûment motivée ».

En l’espèce, le fait par le ministre compétent, d’une part, d’avoir précisé dans la décision déférée la base légale sur laquelle il a fondé sa décision de refus actuellement critiquée et, d’autre part, de s’être rallié à des renseignements et avis défavorables obtenus de la part des autorités judiciaires et auxiliaires de justice en relevant que c’est un défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef du demandeur … en raison de sa responsabilité encourue dans sa faillite personnelle, s’analyse en une motivation suffisamment précise tant en droit qu’en fait. En effet, cette motivation est suffisamment complète pour mettre les demandeurs en mesure d’assurer la défense de leurs intérêts et le ministre n’était pas obligé d’énoncer, dans le corps même de la décision, l’ensemble des faits reprochés au demandeur … qui documentent le manque d’honorabilité professionnelle retenu dans son chef, dès lors que toutes les pièces sur lesquelles le ministre s’est basé ont été produites au cours de l’instruction de la présente instance et ont pu être consultées par les demandeurs qui ont pu faire valoir tels moyens et arguments qui leur semblaient nécessaires ou utiles pour la défense de leurs intérêts, tout comme elles ont été accessibles sur leur demande en cours de la procédure administrative conformément aux dispositions des articles 11 et 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes.

Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation suffisante de la décision critiquée doit être rejeté.

3 Les demandeurs déclarent en second lieu contester tout comportement négatif ou défavorable dans la faillite personnelle du demandeur … « qui était liée strictement à des motifs économiques et une situation financière extrêmement indépendante de sa volonté ».

Aux termes des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi d’établissement « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles ». Au vœu de l’alinéa final du même article 3, « l’honorabilité s’apprécie sur base des antécédents judiciaires du postulant et de tous les éléments fournis par l’enquête administrative ». Ainsi, toutes les circonstances révélées par l’enquête administrative et pouvant avoir une incidence sur la manière de l’exercice de la profession faisant l’objet de la demande d’autorisation, doivent être prises en compte par le ministre compétent pour admettre ou récuser l’honorabilité dans le chef du demandeur d’une autorisation.

Si le seul fait d’avoir été impliqué dans une faillite n’entraîne pas nécessairement et péremptoirement le défaut d’honorabilité professionnelle dans le chef d’un demandeur d’une autorisation d’établissement, toujours est-il que des faits permettant de conclure dans le chef du gérant ou de l’administrateur-délégué à l’existence d’actes personnels portant atteinte à l’honorabilité professionnelle, constituent des indices suffisants pour refuser l’autorisation sollicitée (v. trib. adm. 5 mars 1997, Megamobil Foetz, n° 9196 du rôle, Pas. adm. 1/2000, v° Autorisation d’établissement n° 45, et autres décisions y citées).

Les éléments fournis par le procureur général d’Etat, le procureur d’Etat et un curateur de faillite sont de nature à constituer une base valable pour apprécier l’honorabilité professionnelle d’une personne, même en l’absence de poursuites pénales (cf. trib. adm. 22 mars 1999, Gamma International, n° 10716 du rôle, Pas. adm. 1/2000, v° Autorisation d’établissement, n° 43).

En l’espèce, il ressort du dossier soumis au tribunal et plus particulièrement de l’avis du procureur d’Etat du 26 avril 1999 que « le requérant … a été déclaré en faillite en nom personnel par jugement du 16 juin 1995. … n'a pas été réhabilité des effets de la faillite. Il semble qu'il ait exploité après le prononcé de sa faillite au Luxembourg un commerce en Allemagne.

Il semble important de solliciter le cas échéant une déclaration de non faillite de … auprès des autorités allemandes.

Le curateur Maître Jeanine DENNEWALD a déposé une plainte pénale contre … pour bris de scellés (scellés mis par le curateur), vol de trois voitures, vol du matériel d'exploitation et détournement de la comptabilité.

Suivant les éléments de la cause il existe un faisceau d'indices graves et concordants que les infractions avaient été commises par ….

L'enquête préliminaire ordonnée par Madame le substitut Valérie HOFFMANN a confirmé ces éléments.

Le juge d'instruction a été saisi d'un réquisitoire d'informer contre … du chef de banqueroute frauduleuse par détournement d'actif et bris de scellés.

Vu la surcharge de travail du cabinet d'instruction, le juge d'instruction n'a pas pu faire les diligences nécessaires. Comme … était ressortissant allemand, habitait l'Allemagne 4 et exploitait un commerce en Allemagne cette affaire n'était pas considérée comme urgente ou comme prioritaire.

La faillite a dû être clôturée pour défaut d'actif, l'Etat luxembourgeois a pris en charge une partie de la créance salariale.

Sans vouloir exiger qu'un failli apporte la preuve de son innocence et qu'il n'a pas commis de faute, on peut cependant attendre que le failli ou en général le responsable d'une société commerciale en faillite assiste le curateur dans son travail de liquidation et lui apporte son aide. La législation sur les faillites sous-entend d'ailleurs cette aide.

Particulièrement dans la présente affaire, l'honorabilité et l'honnêteté auraient exigé que … collabore avec le curateur en vue de la liquidation de la faillite, de sa faillite, et en vue de l'éclaircissement des détournements.

A l'heure actuelle on peut constater qu'après la faillite les voitures personnelles de …, qu'une partie du matériel d'exploitation, ainsi que les livres de commerce ont disparu.

… se réfugie en Allemagne et ne contacte le curateur qu'en cas de besoin (voir courrier de Maître Sabine DELHAYE) et ne l'assiste pas dans la liquidation de la faillite.

Trois années après le prononcé de la faillite, à un moment où les esprits se sont calmés et où la continuation des poursuites pénales n'est plus opportun vu l'écoulement des délais, … se manifeste de nouveau et sollicite une autorisation d'établissement.

En conclusion le Parquet estime que … ne possède plus l'honorabilité requise ».

Les reproches ainsi formulés contre le demandeur … par le procureur d’Etat auquel s’est rallié le procureur général, tenant notamment au bris de scellés apposés par la curateur de faillite, au détournement de biens de la faillite, à l’existence d’importantes créances salariales et au défaut de collaboration avec le curateur se trouvent corroborés par d’autres pièces du dossier telles les actes accomplis dans le cadre de l’enquête préliminaire entamée par le parquet ainsi que les dépositions et courriers des deux curateurs de cette même faillite.

Etant donné que la réalité des faits ainsi révélés par l’enquête administrative n’a point été autrement énervée par le demandeur, ceux-ci constituent, même en l’absence de condamnation pénale, un faisceau concordant d’informations précises et crédibles sur le comportement personnel du demandeur … au-delà de la situation économique et financière de son ancienne entreprise et sont de nature à le disqualifier au regard des exigences d’honorabilité prévues par la loi d’établissement, de manière à justifier une décision de refus du ministre qui est en droit, dans le cadre de ses attributions dans le cadre de la loi d’établissement, de se baser sur ces faits même en l’absence de poursuites pénales (cf. Cour adm. 6 février 2001, Ghavami, n° 12536C du rôle, non encore publié).

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé une autorisation d’établissement à la société ADAMS CONSTRUCTION s.à r.l. sous la gérance de Monsieur … et que le recours laisse d’être fondé.

PAR CES MOTIFS 5 Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation, reçoit le recours principal en annulation en la forme, au fond, le déclaré non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mars 2001 par:

M. DELAPORTE, premier vice-président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. DELAPORTE 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12329
Date de la décision : 19/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-19;12329 ?

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