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19/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12206

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mars 2001, 12206


Tribunal administratif N° 12206 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2000 Audience publique du 19 mars 2001

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Recours formé par Monsieur … MONTEIRO ALVES et les époux … ALVES et … MONTEIRO, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12206 du rôle et déposée au greffe

du tribunal administratif en date du 7 août 2000 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au ...

Tribunal administratif N° 12206 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 août 2000 Audience publique du 19 mars 2001

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Recours formé par Monsieur … MONTEIRO ALVES et les époux … ALVES et … MONTEIRO, … contre une décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12206 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 août 2000 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MONTEIRO ALVES, étudiant, ainsi que de ses parents, les époux … ALVES, …, et Madame … MONTEIRO, …, pris en leur qualité de représentants légaux de la personne de leur fils mineur prédit, demeurant tous ensemble à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision de la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports du 27 juillet 2000 confirmant, sur recours gracieux du 14 juillet précédent, la décision du conseil de classe de la TO AR4 du Lycée technique des Arts et Métiers, agissant en tant que conseil de discipline, prononçant la sanction du renvoi définitif de l’établissement à l’égard de l’élève, premier nommé des requérants ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement du 27 septembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 octobre 2000 par Maître Michel KARP au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Joëlle CHOUCROUN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 janvier 2001.

Vu l’avis de rupture de délibéré du 31 janvier 2001 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 février 2001 par le délégué du Gouvernement ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 février 2001 par Maître Michel KARP au nom des demandeurs ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Michel KARP et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2001.

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Considérant que par courrier recommandé du 11 juillet 2000, le directeur du Lycée Technique des Arts et Métiers de Luxembourg a communiqué à Monsieur … ALVES la décision du Conseil de classe de la TO AR4 réuni en conseil de discipline du 6 précédent ayant reconnu son fils … MONTEIRO ALVES coupable « d’avoir vendu des drogues à un condisciple » et décidé de lui infliger la sanction disciplinaire mentionnée à l’article 35, sub a) 8 du règlement grand-ducal du 29 juin 1998 concernant l’ordre intérieur et la discipline dans les établissements d’enseignement secondaire et secondaire technique consistant dans le renvoi définitif de l’établissement ;

Qu’il résulte du dossier que ledit conseil de classe a encore décidé d’exprimer une promotion en classe de 11ième artistique dans le chef de Monsieur … MONTEIRO ALVES, malgré le fait qu’il n’ait pas pu terminer l’année scolaire et se soumettre ainsi à tous les devoirs en classe, dans le souci de lui permettre de continuer ses études à l’étranger sans perte de temps ;

Que par courrier d’avocat du 14 suivant, un recours précontentieux a été porté devant la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, laquelle prit position comme suit par décision du 27 suivant libellée comme suit :

« Maître, J’ai en mains votre recours daté du 14 juillet 2000 contre la décision du conseil de discipline du Lycée Technique des Arts et Métiers, prononçant la sanction du renvoi définitif de l’établissement à l’égard de l’élève … MONTEIRO ALVES.

Au vu du dossier, j’ai décidé de maintenir la sanction disciplinaire en question.

Je vous prie d’agréer, Maître, …. » ;

Considérant que par requête déposée en date du 7 août 2000, Monsieur … MONTEIRO ALVES ainsi que ses parents, les époux … ALVES et … MONTEIRO, pris en leur qualité de représentants légaux de la personne de leur fils mineur, ont introduit un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de la décision ministérielle prérelatée du 27 juillet 2000, en critiquant celle-ci de défaut de motivation, de non-respect des droits de la défense au regard des dispositions de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ainsi que de violation de la loi, notamment au regard du caractère incomplet des pièces communiquées au dossier ;

Considérant qu’encore qu’une partie entende intenter en ordre subsidiaire seulement un recours de pleine juridiction, il appartient au tribunal de vérifier de façon préliminaire sa compétence pour en connaître, l’existence d’une telle possibilité rendant irrecevable l’exercice d’un recours en annulation dirigé contre la même décision ;

2 Considérant qu’il convient de suivre le délégué du Gouvernement en ce qu’il retient que la loi ne prévoit pas de recours de pleine juridiction en la matière, de sorte que le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre subsidiaire ;

Considérant que si l’action des père et mère de l’élève mineur … MONTEIRO ALVES est recevable en leur qualité d’administrateurs légaux de la personne de leur fils mineur au regard des dispositions combinées des article 389-5 et 464 du code civil, le recours intenté au nom personnel du seul mineur est irrecevable pour défaut de capacité à agir, abstraction faite de son droit d’être entendu en toute procédure, dont celle actuellement sous analyse conformément aux dispositions de l’article 388-1 du même code ;

Considérant que pour le surplus le recours en annulation introduit par les représentants légaux de l’élève mineur en question est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant qu’au fond, dans le respect du principe du contradictoire exprimé par l’article 30 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal a prononcé la rupture du délibéré suivant avis du 31 janvier 2001 pour permettre aux parties de prendre position par rapport aux questions soulevées d’office comme suit :

« Au regard de l’article 23 de la Constitution, suivant lequel la loi règle tout ce qui est relatif à l’enseignement, quid de la constitutionnalité, sinon de la légalité des dispositions du règlement grand-ducal du 29 juin 1998 concernant l’ordre intérieur et la discipline dans les établissements d’enseignement secondaire et secondaire technique pour ce qui est plus précisément des compétences y renseignées dans le chef du conseil de discipline y désigné, ainsi que du ministre statuant sur le recours gracieux y prévu ? D’après quelle disposition le conseil de discipline s’identifie-t-il au conseil de classe et quelle en est la valeur juridique au regard de la Constitution et des lois applicables ? » ;

Considérant que dans son mémoire complémentaire, le délégué du Gouvernement a pris position en retenant que dans la législation actuellement en vigueur, les compétences du conseil de classe en matière disciplinaire ne sont pas fixées, étant à noter toutefois qu’un projet de loi instituant le conseil de classe dans l’enseignement secondaire et secondaire technique vient d’être déposé à la Chambre des Députés en date du 6 février 2001 d’après lequel l’article 45 de la loi modifiée du 10 mai 1968 portant réforme de l’enseignement (titre VI : de l’enseignement secondaire) est complété par un alinéa libellé in fine « il (le conseil de classe) siège également en matière disciplinaire » doc. parl. n° 4760) ;

Considérant que dans leur mémoire complémentaire, les demandeurs estiment que le conseil de classe n’ayant pas de pouvoir disciplinaire légal en la matière, toute la procédure de renvoi de Monsieur … MONTEIRO ALVES serait à annuler ;

Considérant que la question de la compétence de l’organe ayant pris la décision déférée, voire celle confirmée à travers elle, constitue un problème de fond touchant à l’ordre public et devant être soulevé d’office par le juge (cf. trib. adm. 8 février 1999, n° 10821 et 10880 du rôle, Léone, Pas. adm. 1/2000, V° Actes administratifs, n° 1, p. 15 et autre décision y citée) ;

3 Considérant que d’après l’article 23 alinéa 3 de la Constitution, telle que cette disposition a été maintenue à travers la révision du 2 juin 1999, la loi règle tout ce qui est relatif à l’enseignement ;

Considérant que la matière ainsi réservée de façon générale à la loi comprend nécessairement les dispositions d’ordre disciplinaire dans le chef des élèves de l’enseignement secondaire et secondaire technique, dont plus particulièrement celle déterminant l’autorité compétente pour prononcer les sanctions disciplinaires prévues, dont la plus grave, celle du renvoi définitif de l’établissement prononcée en l’espèce (cf. Cour adm. 19 décembre 2000, n° 12309C du rôle, Kneip) ;

Considérant que ni l’article 45 de la loi modifiée du 10 mai 1968 précitée, ni aucune autre disposition de la loi, dont plus particulièrement la loi modifiée du 4 septembre 1990 portant réforme de l’enseignement secondaire technique et de la formation professionnelle continue, n’ont prévu, ni a fortiori défini les attributions du conseil de classe en matière disciplinaire, dans leur version actuelle, également en vigueur, au moment où la décision déférée et celle confirmée à travers elle ont été rendues, ainsi que l’admet par ailleurs le représentant étatique à travers son mémoire complémentaire renvoyant au projet de loi n° 4760 appelé à remédier à cette situation ;

Considérant que sans devoir aller plus loin dans l’analyse des dispositions du règlement grand-ducal du 29 juin 1998 précité, sur lequel s’est basé le conseil de classe dont s’agit pour prononcer la peine disciplinaire actuellement critiquée à travers la décision ministérielle déférée, le tribunal est amené à constater l’absence de base légale conforme à l’article 23 de la Constitution conférant compétence au conseil de classe au moment où il a statué en l’espèce ;

Considérant que le vice résultant de l’incompétence de l’organe ayant arrêté la sanction disciplinaire critiquée en l’espèce est nécessairement épousé par la décision ministérielle confirmative déférée ;

Qu’il s’ensuit que la décision ministérielle déférée encourt l’annulation ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître le recours en réformation ;

déclare le recours en annulation irrecevable en tant qu’introduit par le mineur … MONTEIRO ALVES en nom personnel ;

le déclare recevable pour le surplus ;

au fond le dit justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée et renvoie l’affaire devant la ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports ;

condamne l’Etat aux frais.

4 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mars 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12206
Date de la décision : 19/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-19;12206 ?

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