La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12147

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mars 2001, 12147


Tribunal administratif N° 12147 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2000 Audience publique du 19 mars 2001

============================

Recours formé par Monsieur … FEIDT, Luxembourg, assisté de Madame …, … contre des décisions du collège échevinal et du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de suspension de l’exercice des fonctions

------------------------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12147 du rôle et dép

osée au greffe du tribunal administratif en date du 25 juillet 2000 par Maître Anne ANASTASIO, avocat...

Tribunal administratif N° 12147 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juillet 2000 Audience publique du 19 mars 2001

============================

Recours formé par Monsieur … FEIDT, Luxembourg, assisté de Madame …, … contre des décisions du collège échevinal et du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de suspension de l’exercice des fonctions

------------------------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12147 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 juillet 2000 par Maître Anne ANASTASIO, avocat à la Cour, assistée de Maître Jean LUTGEN, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … FEIDT, fonctionnaire communal, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 21 avril 2000 lui communiquée le 26 suivant portant avec effet immédiat suspension dans son chef de l’exercice de ses fonctions pendant le cours de la procédure entamée en vue de sa mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle jusqu’à la décision définitive afférente, ainsi que de la décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 15 mai 2000 lui communiquée le 21 juin suivant confirmant la suspension ci-

avant prononcée ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 28 juillet 2000 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 décembre 2000 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 6 décembre 2000 portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Anne ANASTASIO ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 janvier 2001 par Maître Anne ANASTASIO, assistée de Maître Jean LUTGEN, au nom de Monsieur … FEIDT ;Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, préqualifié, du 10 janvier 2001 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 5 février 2001 par Maître Jean KAUFFMAN au nom de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en duplique à Monsieur … FEIDT ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées, ainsi que la déclaration manuscrite du 23 février 2001 émanant du curateur de Monsieur … FEIDT, sa sœur, Madame …, demeurant à L-…;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Jean LUTGEN et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 février 2001, l’affaire ayant été prise en délibérée, sur les conclusions écrites afférentes des mandataires des parties, à l’audience du 7 mars 2001 à laquelle elle avait été fixée pour continuation des débats.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Considérant que par rapport du 8 décembre 1999 adressé par la voie hiérarchique au collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg, le préposé du service population a fait état de ce que l’état de santé mentale de Monsieur … FEIDT, fonctionnaire occupé au bureau de la population, était en train de prendre des proportions préoccupantes pour conclure en ces termes :

« Comme une amélioration durable de l’état de santé de M. FEIDT n’est pas à prévoir et que, de toute évidence, il n’est pas à la hauteur des tâches du bureau de la population, il y a lieu d’envisager son affectation à d’autres tâches prenant en considération ses capacités physiques et mentales, conformément à l’article 7 de la loi du 19 mars 1988 concernant la sécurité dans la fonction publique et à l’article 5 sub 3b de la loi du 17 juin 1994 concernant la sécurité et la santé des travailleurs au travail » ;

Qu’en date du 26 avril 2000, Monsieur … FEIDT s’est vu adresser de la part du collège échevinal de la Ville de Luxembourg un courrier recommandé avec accusé de réception ayant la teneur suivante :

« Monsieur, Par la présente nous vous informons qu’en date du 21 avril 2000 le collège échevinal a décidé, dans le cadre de la procédure entamée pour faire prononcer votre mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle au sens de l’article 58.10 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, de faire application de l’article 59.1 dudit statut et de vous suspendre par conséquent de l’exercice de vos fonctions avec effet immédiat pendant tout le cours de la procédure jusqu’à la décision définitive.

2 La présente décision est susceptible d’être attaquée moyennant recours à introduire devant le tribunal administratif par requête d’avoué dans les trois mois de sa notification.

Nous vous demandons également de vous présenter au bureau de Monsieur le délégué à l’instruction … , le mercredi 3 mai 2000 à 10.00 heures, assisté de votre curateur ou d’une autre personne de votre choix, pour présenter vos explications quant à la procédure au fond.

Il résulte en effet du dossier qu’après que l’altération de vos facultés mentales a été médicalement établie, l’ouverture de la curatelle a été prononcée à votre encontre par jugement du 27 février 1998 qui a notamment retenu que vous avez besoin d’être conseillé, aidé et contrôlé par un tiers dans les actes de votre vie civile.

Le collège échevinal, auquel vous avez dissimulé pendant prés de deux ans cette modification importante de vos capacités civiles, estime dès lors inconciliable l’exercice de fonctions publiques avec l’interdiction d’exercer pleinement les actes de la vie privée, une position qui est confirmée et entérinée tant par le rapport de M. le préposé du service population du 8 décembre 1999 que par les conclusions du médecin de confiance de la ville du 27 janvier 2000.

Nous vous prions de croire, Monsieur, … » ;

Qu’une copie de ce courrier a été adressée pour information à Madame …, curateur de Monsieur … FEIDT, suivant jugement précité du 27 février 1998 ;

Que par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 juin 2000, Monsieur … FEIDT s’est vu informer de ce que dans sa réunion du 15 mai 2000, le conseil communal de la Ville de Luxembourg avait confirmé la suspension de l’exercice de ses fonctions prononcée par le collège échevinal en date du 21 avril 2000, tout en la prorogeant pour toute la durée de la procédure jusqu’à la décision définitive, une annexe de ladite délibération du conseil communal y étant jointe ;

Considérant que par requête déposée en date du 25 juillet 2000, Monsieur … FEIDT a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions précitées du collège échevinal de la Ville de Luxembourg du 21 avril 2000, ainsi que du conseil communal de ladite Ville du 15 mai suivant ;

Considérant que si dans son mémoire en réponse, la Ville de Luxembourg s’est bornée à se rapporter à la sagesse du tribunal pour ce qui concerne la recevabilité du recours en la pure forme, elle a fait préciser ses contestations à travers son mémoire en duplique en soulevant que la question de savoir si, compte tenu de son état de curatelle, Monsieur FEIDT était habilité à introduire la procédure sous analyse en l’absence de son curateur ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées au dossier que suivant jugement du juge des tutelles près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 27 février 1998, l’ouverture de la curatelle a été prononcée à l’encontre de Monsieur … FEIDT et que sa sœur, Madame … a été désignée pour revêtir la qualité de son curateur ;

Considérant que par déclaration manuscrite datée du 23 février 2001, Madame … atteste que le recours sous analyse « a été diligenté avec mon accord et mon consentement 3 préalable. J’approuve formellement l’introduction de ce recours, tout comme le mémoire en réplique du 8.01.2000, dont le contenu m’a été communiqué.

Je déclare encore avoir obtenu copie, par l’intermédiaire du mandataire de mon frère, des mémoires en réponse et en duplique, signés par Maître Jean KAUFFMAN, respectivement les 12.12.2000 et 5.02.2001.

Pour autant que ce soit nécessaire, je demande à ce que le jugement à prononcer par le tribunal administratif dans l’affaire précitée me soit déclaré commun » ;

Considérant que le mandataire de la Ville de Luxembourg a déclaré, suivant courrier du 1er mars 2001, ne pas s’opposer à la prise en compte de la déclaration en question d’un point de vue procédural ;

Considérant que s’agissant d’un régime de protection du majeur en curatelle, conditionnant sa capacité d’ester en justice, le tribunal est amené à retenir que la déclaration du curateur documente son assistance dès avant l’introduction du recours, du contenu duquel elle a eu une connaissance préalable au dépôt et qu’elle a approuvé ;

Que par ailleurs il résulte de ladite déclaration que les actes de procédure émanant du majeur en curatelle ont trouvé l’accord préalable du curateur, de même que celui-ci s’est vu porter à sa connaissance les actes de procédure dirigés contre le majeur sous régime de protection ;

Qu’il est partant suffi aux exigences posées par les articles 508 et suivants du code civile, dont celles des articles 510-1 et 510-2, à défaut de contestation élevée, sinon maintenue dans le cadre de la procédure menée devant la juridiction administrative saisie, étant entendu que pour l’ensemble de la procédure engagée à partir de la requête introductive d’instance du 25 juillet 2000, Monsieur … FEIDT est censé avoir été assisté de son curateur ;

Considérant que le mandataire de la Ville insiste encore que le recours en réformation serait le seul recours envisageable à l’exclusion de tout recours en annulation, eu égard à l’article 66 paragraphe 2 en relation avec l’article 59 paragraphe 1 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, désigné ci-après par « le statut général » ;

Considérant qu’il résulte directement du corps des décisions déférées que celles-ci sont appuyées sur l’article 59 paragraphe 1 du statut général en ce qui concerne la suspension prononcée ;

Considérant que d’après l’article 66 paragraphe 2 du statut général, le fonctionnaire suspendu conformément à l’article 59, paragraphe 1, peut, dans les trois mois de la notification de la décision, prendre recours au tribunal administratif qui statue comme juge du fond ;

Considérant qu’il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Que par voie de conséquence le recours en annulation formé en ordre subsidiaire est irrecevable ;

4 Considérant que l’incertitude ayant régné au niveau du recours introductif d’instance concernant la désignation du conseil communal dont émane la décision du 15 mai 2000 déférée ayant été dissipée en cours d’instance par la partie demanderesse et aucun grief n’en étant résulté pour la partie défenderesse, il n’y a pas lieu de s’y attarder au niveau de l’analyse de la recevabilité du recours ;

Considérant que le recours ayant été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi par Monsieur … FEIDT, assisté de son curateur, suivant ce qui a été précisé ci-avant, il est recevable ;

Considérant qu’au fond la partie demanderesse requiert principalement la réformation des décisions déférées en raison des violations par elle alléguées des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ainsi que des articles 59 et 68 du statut général ;

Que concernant plus particulièrement l’article 59 du statut général, la partie demanderesse estime que les conditions d’application y relatives ne seraient point réunies en l’espèce, tout en insistant notamment sur ce que la suspension s’analyserait en une mesure conservatoire, ou en une mesure d’urgence, destinée à interdire provisoirement au fonctionnaire, dans l’intérêt du service, l’exercice de sa fonction, en attendant la décision définitive, alors qu’en l’espèce il n’y aurait ni urgence, ni gravité suffisante du fait invoqué dans son chef consistant dans sa maladie constante en cause ensemble la dissimulation alléguée de sa mise sous curatelle, cette dernière n’empêchant pas par principe une activité professionnelle, surtout dans la mesure où celle-ci lui serait bénéfique d’un point de vue médical ;

Que la partie demanderesse de critiquer encore la durée de la procédure jusque lors accusée ;

Considérant que le mandataire de la Ville de Luxembourg de prendre position point par point relativement aux griefs soulevés par la partie demanderesse pour plus particulièrement expliquer en premier lieu les éléments de la procédure ayant causé la durée jusque lors imprimée à la mesure de suspension actuellement critiquée ;

Qu’à cet égard il a versé parmi ses pièces en annexe à son mémoire en réponse du 11 décembre 2000 une copie de la délibération du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 9 octobre 2000 ayant décidé de transmettre pour avis au conseil de discipline le dossier constitué à charge de Monsieur … FEIDT, aux fins de documenter qu’à partir de la transmission par la suite effectuée audit conseil, la durée de la procédure entamée ne dépendait plus des organes de la Ville, auxquels par ailleurs aucun reproche ne pouvait être adressé sous cet aspect ;

Considérant qu’il résulte des considérants de la délibération en question que « l’intéressé n’est pas disposé à entamer de son propre gré une procédure pour obtenir une rente d’invalidité » et que « dans ces conditions, la procédure à suivre est la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle, mais non à titre de sanction disciplinaire malgré le fait que l’énumération des sanctions disciplinaires reprend cette mesure à l’article 58 » ;

5 Considérant que le mandataire de la Ville a encore une fois repris cette explication en termes de plaidoiries ;

Considérant que l’article 59 paragraphe 1 du statut général dispose que « la suspension de l’exercice de ses fonctions peut être ordonnée à l’égard du fonctionnaire poursuivi judiciairement ou administrativement, pendant tout le cours de la procédure jusqu’à la décision définitive » ;

Considérant que la condition sine qua non donnant ouverture à une décision de suspension prise sur base de l’article 59 paragraphe 1 prérelaté réside dans l’existence d’une poursuite judiciaire ou administrative entamée à l’égard du fonctionnaire concerné ;

Considérant que dans la mesure où l’article 59 en question figure sous la section II intitulée « sanctions disciplinaires, suspension et perte d’emploi » relevant du chapitre 15 du statut général intitulé « discipline », la poursuite administrative visée à son paragraphe 1er prérelaté concerne nécessairement celle engagée à l’encontre du fonctionnaire en question pour un manquement à ses devoirs l’exposant à une sanction disciplinaire telle que définie à l’article 55 du statut général relevant du même chapitre ;

Considérant que dans la mesure où le conseil communal lui-même a arrêté que la procédure de la mise à la retraite d’office pour inaptitude professionnelle n’était pas entamée à titre de sanction disciplinaire, malgré le fait que l’énumération des sanctions disciplinaires reprend cette mesure à l’article 58 du statut général, force est de constater que la procédure actuellement en cours à l’encontre de Monsieur FEIDT n’est point à ranger parmi les poursuites administratives visées par l’article 59 paragraphe 1er dudit statut général ;

Qu’il est patent qu’elle ne relève pas non plus des poursuites judiciaires y visées ;

Que par voie de conséquence la condition indispensable à l’octroi d’une suspension n’est point remplie en l’espèce, de sorte que les décisions déférées sont à rapporter en tant que basées sur l’article 59 paragraphe 1er du statut général, en l’absence d’autres bases légales vérifiées en l’espèce ;

Considérant qu’au vu de la réformation ainsi encourue par les décisions déférées, il devient surabondant de statuer sur les autres moyens proposés ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

donne acte à Madame … de son assistance du demandeur en sa qualité de curateur dès avant le dépôt du recours ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

réformant, rapporte les décisions de suspension déférées pour défaut de base légale ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

6 condamne la Ville de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mars 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12147
Date de la décision : 19/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-19;12147 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award