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14/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12152

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mars 2001, 12152


Tribunal administratif N° 12152 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2000 Audience publique du 14 mars 2001

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Recours formé par l’association sans but lucratif Mouvement Ecologique contre deux décisions du ministre de l’Environnement en présence de l’Office national du remembrement en matière d’environnement et de remembrement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12152 du rôle e

t déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 juillet 2000 par Maître Marc ELVINGER,...

Tribunal administratif N° 12152 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2000 Audience publique du 14 mars 2001

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Recours formé par l’association sans but lucratif Mouvement Ecologique contre deux décisions du ministre de l’Environnement en présence de l’Office national du remembrement en matière d’environnement et de remembrement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12152 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 26 juillet 2000 par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’association sans but lucratif Mouvement Ecologique a.s.b.l., établie et ayant son siège social à L-2663 Luxembourg, 6, rue Vauban, tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions du ministre de l’Environnement des 31 janvier et 9 mars 2000 prises chacune sous la signature du secrétaire d’Etat au ministère de l’Environnement et portant chaque fois amendement de la décision ministérielle du 20 juillet 1999 par autorisation complémentaire de plusieurs éléments d’infrastructure dans le chef de l’Office national du remembrement, établissement public, établi à L-2016 Luxembourg, 30-32, avenue de la Foire, sur des fonds à remembrer inscrits au cadastre de la commune de Flaxweiler, section A de Flaxweiler, au lieu-dit “ Hinter den Hirten ” ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Claude STEFFEN, demeurant à Esch-sur-

Alzette, du 2 août 2000 portant signification de ce recours à l’Office national du remembrement ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 septembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 janvier 2001 par Maître Marc ELVINGER au nom de l’association sans but lucratif Mouvement Ecologique ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Marc ELVINGER et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 février 2001.

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Considérant que par décision du 20 juillet 1999 le ministre de l’Environnement a conféré à l’Office national du remembrement, ci-après désigné par “ ONR ”, établissement public, l’autorisation de remembrer des fonds inscrits au cadastre de la commune de Flaxweiler, section A de Flaxweiler, tels que spécifiés à l’avis du chef de l’arrondissement Sud de la conservation de la nature de l’administration des Eaux et Forêts du 12 juillet 1999, aux conditions y plus précisément mentionnées, le tout en vertu de la loi modifiée du 11 août 1982 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles ;

Que par décision du ministre de l’Environnement du 31 janvier 2000 et sous la signature du secrétaire d’Etat au ministère de l’Environnement, la décision précitée du 20 juillet 1999 a été amendée en ce que certains éléments d’infrastructure y plus particulièrement spécifiés – chemins, drainages, collecteurs et fossés - ont été autorisés complémentairement ;

Que par décision du 9 mars 2000 du même ministre sous la signature du même secrétaire d’Etat, la décision prédite du 31 janvier 2000 a encore une fois été amendée en ce sens que les chemins prévisés pouvaient être réalisés soit en empierrement soit en revêtement noir (macadam, goudron, asphalte ou béton) suivant les plans n° 611-1 du 5 janvier 1999 de l’ONR ;

Considérant que par requête déposée en date du 26 juillet 2000 l’association sans but lucratif Mouvement Ecologique a.s.b.l., établie et ayant son siège social à L-2663 Luxembourg, 6, rue Vauban, a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions ministérielles prévisées des 31 janvier et 9 mars 2000 ;

Considérant qu’en vertu de l’article 38 de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Que par voie de conséquence le recours en annulation formé en ordre subsidiaire est irrecevable ;

Considérant que le délégué du Gouvernement oppose en premier lieu l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse ;

Qu’il estime que le droit d’action devant les juridictions administratives réglé par l’article 7 alinéa 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif reconnaîtrait aux associations d’importance nationale et légalement agréées le droit d’exercer un recours uniquement à l’égard des actes administratifs à caractère réglementaire, tandis que resteraient exclues de l’intervention législative en faveur d’une reconnaissance les actions dirigées par les associations contre les décisions administratives à caractère individuel ;

Qu’à défaut de la preuve d’une lésion d’un droit à caractère individuel ou corporatif dérivant directement de l’acte litigieux et distinct de l’intérêt général de la collectivité, de telles actions ne seraient dès lors pas admissibles à l’heure actuelle ;

2 Qu’étant donné que le recours de la part du Mouvement Ecologique a.s.b.l. serait dirigé contre une décision individuelle et basé sur des considérations d’intérêt général, celui-ci serait à déclarer irrecevable pour défaut d’intérêt dans le chef de l’association demanderesse ;

Considérant que la demanderesse fait répliquer que du fait de son agrément de la part du ministère de l’Environnement l’habilitant à se constituer partie civile en rapport avec les infractions pénales commises en violation de la législation du 11 août 1982 précitée, elle devrait a fortiori se voir admettre à agir à l’encontre d’une décision administrative individuelle prise en exécution de cette même législation ;

Que plutôt que de consacrer des développements très étendus à la question, le mandataire de la demanderesse de renvoyer aux études qu’il a antérieurement publiées y relativement ;

Qu’il insiste par ailleurs pour souligner que sans avoir voulu prendre l’initiative de consacrer par la voie législative le droit des associations écologiques agréées d’agir à l’encontre de décisions administratives individuelles, ni lors de la réforme de la législation ayant abouti à la création des juridictions de l’ordre administratif (loi du 7 novembre 1996), ni lors de celle relative aux établissements classés (loi du 10 juin 1999), les auteurs de la loi s’en seraient plutôt remis à la libre évolution de la jurisprudence en la matière ;

Que d’après la demanderesse il n’existerait cependant aucune bonne raison empêchant en la matière les juridictions administratives luxembourgeoises d’emboîter le pas aux jurisprudences belge et française pour consacrer le droit d’agir en matière administrative des associations écologiques, du moins lorsqu’elles sont d’importance nationale et lorsqu’elles ont fait l’objet d’un agrément de la part du ministre de l’Environnement ;

Que le texte même de l’article 2 de ladite loi modifiée du 7 novembre 1996 ne ferait en tout cas pas obstacle à la reconnaissance du droit d’agir des associations d’importance nationale agréées par le ministre compétent ;

Considérant qu’il est constant que les deux décisions ministérielles déférées sont intervenues dans le cadre de la loi modifiée du 11 août 1982 précitée et ont dès lors trait à la protection de la nature et des ressources naturelles, tout en ayant été prises par rapport à une procédure de remembrement de fonds situés en la commune de Flaxweiler, section A du chef-

lieu ;

Considérant qu’il est encore acquis que la demanderesse s’est vue agréer par le ministre de l’Environnement sur base de l’article 43 de ladite loi modifiée du 11 août 1982, lequel dispose comme suit :

“ Les associations d’importance nationale dont les statuts ont été publiés au Mémorial et qui exercent depuis au moins trois ans leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de l’environnement peuvent faire l’objet d’un agrément du Ministre.

Les associations ainsi agréées peuvent être appelées à participer à l’action des organismes publics ayant pour objet la protection de la nature et des ressources naturelles.

3 En outre, ces associations peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction au sens de la présente loi et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre, même si elles ne justifient pas d’un intérêt matériel et même si l’intérêt collectif dans lequel ils agissent se couvre entièrement avec l’intérêt social dont la défense est assurée par le ministère public ” ;

Considérant que si à travers l’article 43 alinéa 3 prérelaté le législateur a prévu dans le chef des associations agréées y visées la possibilité d’exercer les droits reconnus à la partie civile en matière pénale relativement aux infractions au sens de la loi modifiée du 11 août 1982, il n’a cependant pas par là-même ouvert de plano la possibilité pour lesdites associations d’agir contre des décisions administratives individuelles prises par le ministre compétent sur base de la même loi, tant le libellé clair du texte sous revue que son caractère exorbitant par rapport au droit commun en la matière s’opposant à pareille lecture extensive ;

Considérant que la possibilité prévue par l’alinéa second dudit article 43 également prérelaté, suivant laquelle les associations sont appelées à participer à l’action des organismes publics ayant pour objet la protection de la nature et des ressources naturelles dans tous ses aspects, de quelque législation qu’ils relèvent par ailleurs et quel que soit le contenu précis de la potentialité ainsi ouverte, se situe nécessairement en amont des actes décisionnels résultant de ce processus, lesquels continuent en toute occurrence à relever de la seule compétence des organismes publics concernés ;

Considérant qu’il est encore patent que le législateur, dans le cadre de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée, a uniquement réglementé le droit d’agir des associations d’importance nationale agréées pour autant que l’action est dirigée contre un acte administratif à caractère réglementaire tirant sa base légale de la loi spéciale dans le cadre de laquelle l’association requérante a été agréée, tel que ce droit d’agir a été défini par son article 7 (2) ;

Considérant que ni ledit article 7, ni l’article 2 de la même loi traitant des recours en matière administrative contre les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements ne se prononcent expressément sur le droit d’agir des associations, fussent-elles agréées ou non ;

Considérant que le silence observé par le législateur à ce sujet n’en signifie cependant pas moins que la question du droit d’agir des associations à l’encontre de décisions administratives individuelles ne fût pas posée au cours de l’élaboration de ladite loi du 7 novembre 1996 et plus précisément de ses articles 2 et 7 ;

Que notamment la commission des institutions et de la révision constitutionnelle de la Chambre des Députés, en sa majorité, s’est posée la question “ s’il n’est pas opportun d’élargir la possibilité de recours à ces associations. La commission en sa majorité est cependant fermement opposée à toute possibilité de recours basé sur l’intérêt général, lequel recours “ Populaire ” risquerait de mettre en péril le fonctionnement normal de l’appareil étatique ” (cf. doc. parl. 39402 – 3940A, p. 6 ; v. aussi doc. parl. 39404 – 3940A2, p.3)) ;

Considérant que c’est dès lors de façon délibérée que la Chambre des Députés, en 1996, lors du vote de la réforme des juridictions de l’ordre administratif, à défaut de consensus politique, n’a point admis le droit d’agir en justice des associations dans la mesure de la 4 défense de l’intérêt collectif spécifique par elles défendu, au-delà de leur intérêt personnel parallèle à celui d’une personne physique, tel celui d’un propriétaire immobilier voisin, en attendant un accord majoritaire à trouver dans le cadre d’une législation spécifique à édicter en la matière ;

Considérant que cette situation n’a pas autrement évolué depuis, encore qu’il convienne de confirmer la partie demanderesse en ce qu’elle relève que dans son avis du 22 avril 1999 adopté à l’occasion de l’élaboration de la loi du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, la commission de l’environnement et de l’aménagement du territoire de la Chambre des Députés a constaté que la problématique concernant les recours dirigés contre les décisions administratives à caractère individuel reste exactement la même après l’entrée en vigueur de la loi précitée du 7 novembre 1996, les plaintes des associations de protection de l’environnement risquant de rester irrecevables à l’encontre de décisions administratives individuelles, “ à moins que la jurisprudence des nouvelles juridictions administratives ne s’écarte de celle de l’ancien Comité du Contentieux du Conseil d’Etat ” (cf. doc. parl. 3837A5, p. 12);

Considérant que cet avis ne fait que refléter l’autonomie et l’indépendance du pouvoir judiciaire comportant sa liberté d’appréciation, étant entendu que celle-ci ne saurait s’exercer que dans le cadre légal tracé ;

Considérant qu’il importe de retenir à partir du même avis, que le législateur, bien qu’il en ait eu la possibilité et l’ait envisagé, s’est délibérément refusé jusqu’à ce jour à consacrer par un texte de droit positif dans le chef des associations un quelconque droit d’agir contre les autorisations individuelles pour la défense de l’intérêt général, étant donné qu’un accord politique n’a pas été trouvé en la manière ;

Qu’il résulte des documents parlementaires précités que de toute manière, dans le moyen terme, le législateur envisage, dans l’hypothèse où il sera amené à accorder le droit d’action en question aux associations, de le réglementer ;

Considérant qu’il est encore constant que le Luxembourg a certes signé la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, qui prévoit en son article 9, paragraphe 2, alinéa 2 un droit d’accès à la justice aux organisations non gouvernementales pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, de tout acte et de toute omission touchant l’environnement, mais qu’à l’heure actuelle ladite Convention n’a pas encore été approuvée par une loi et n’est partant point applicable à ce stade ;

Considérant que dans la mesure où le législateur a spécialement prévu la possibilité d’agréer des associations en vue de participer, dans l’intérêt général, à l’action des pouvoirs publics, l’intérêt de ces associations est a priori appelé à se confondre avec l’intérêt général, à moins que ne soit établie de façon parallèle l’existence d’éléments justifiant dans le chef de ladite association un intérêt spécifique ne s’identifiant pas avec l’intérêt général, telle la qualité de propriétaire d’immeubles riverains, et pouvant dès lors fonder un intérêt suffisant à agir également à l’encontre de décisions individuelles prises dans le cadre de la protection de la nature et des ressources naturelles ;

5 Considérant qu’en ne s’appuyant que sur sa qualité d’association agréée pour justifier son intérêt à agir, la demanderesse reste en défaut d’alléguer, sinon a fortiori d’établir dans son chef un intérêt à agir distinct de l’intérêt général ;

Considérant que pour le surplus l’instauration d’une distinction entre les associations agréées, admises à agir en justice contre les décisions administratives individuelles, suivant la thèse défendue par la demanderesse, et les autres associations non admises à ces fins, ne se justifierait par aucune disposition de droit positif, étant donné qu’il est constant par ailleurs qu’au-delà de l’intérêt personnel strictement parallèle à celui d’une personne physique, le droit d’agir des associations contre des décisions administratives individuelles n’est point consacré, eu égard aux impératifs posés en droit luxembourgeois, notamment à partir des mêmes textes que ceux retenus par le législateur belge, tendant à éviter à la fois l’action populaire et le privilège de plaider par procureur, l’intérêt à agir d’un justiciable, fût-il personne physique ou morale, ne se concevant en toute occurrence que pour autant qu’il ne s’identifie pas avec l’intérêt général ;

Considérant qu’il s’ensuit que le recours laisse d’être recevable pour défaut d’intérêt à agir, abstraction faite de toute autre considération ayant trait à la capacité pour agir et au délai observé pour ce faire en l’espèce ;

Considérant que bien que s’étant vu signifier le recours l’établissement public ONR n’a point déposé de mémoire, de sorte que conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal est appelé à statuer à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation ;

déclare le recours irrecevable ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mars 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6 7


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12152
Date de la décision : 14/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-14;12152 ?

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