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07/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12978

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mars 2001, 12978


Numéro 12978 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 février 2001 Audience publique du 7 mars 2001 Recours formé par Monsieur … KIM contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12978 du rôle, déposée le 27 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrit a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KIM, né le …, de n...

Numéro 12978 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 février 2001 Audience publique du 7 mars 2001 Recours formé par Monsieur … KIM contre une décision du ministre de la Justice en matière de mise à la disposition du gouvernement

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12978 du rôle, déposée le 27 février 2001 au greffe du tribunal administratif par Maître Barbara NAJDI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KIM, né le …, de nationalité ousbek, ayant été placé au Centre Pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant à l’annulation d’une décision de prorogation de son placement rendue le 16 février 2001 par le ministre de la Justice;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2001;

Vu le mémoire en réplique, intitulé mémoire en réponse, déposé au greffe du tribunal administratif le 5 mars 2001 par Maître Barbara NAJDI pour compte de Monsieur KIM;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Barbara NAJDI et Monsieur le délégué du Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mars 2001.

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Il ressort d’un procès-verbal n° 11/2001 du service de contrôle à l’aéroport de la police grand-ducale, ainsi que d’un rapport n° 6/052/2001 de la section police des étrangers et des jeux du service de police judiciaire de la police grand-ducale, datant chacun du 17 janvier 2001, que Monsieur … KIM fut contrôlé le 17 janvier 2001 à l’aéroport de Luxembourg alors qu’il tenta de s’embarquer dans un avion à destination de Dublin. Le passeport grec présenté par Monsieur KIM en guise de document d’identité s’étant révélé être un faux (« Totalfälschung »), il fut retenu par le service de contrôle à l’aéroport de la police grand-ducale et questionné sur sa véritable identité et sur l’itinéraire par lui suivi pour venir au Luxembourg. Dans ce cadre, Monsieur KIM affirma avoir eu l’intention de rejoindre l’Irlande pour y déposer une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique. Dans la mesure où il fut empêché lors du contrôle de continuer son voyage à destination de l’Irlande, il déclara vouloir dès lors introduire au Luxembourg une demande tendant à la même fin.

Suite à la communication du procès-verbal prévisé au service des étrangers du ministère de la Justice, Monsieur KIM fut placé, par arrêté du ministre de la Justice du 17 janvier 2001, au Centre Pénitentiaire de Luxembourg pour une durée maximum d’un mois à partir de la notification de la décision en question dans l’attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Par arrêté du même ministre du 16 février 2001, notifié en date du même jour, le placement de Monsieur KIM fut prorogé pour une nouvelle durée d’un mois sur base des motifs suivants :

« Vu mon arrêté pris en date du 17 janvier 2001 décidant le placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant que l’intéressé a été intercepté à l’aéroport de Luxembourg alors qu’il tentait d’embarquer vers Dublin à l’aide d’un passeport falsifié ;

- que d’après ses explications, l’intéressé comptait déposer une demande d’asile en Irlande ;

- qu’étant donné qu’il ne pouvait continuer son voyage vers l’Irlande, il a déclaré vouloir déposer une demande d’asile au Luxembourg ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels suffisants ;

- qu’il constitue un danger pour l’ordre public ;

Considérant qu’un éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il échet dès lors de proroger le placement pour une durée maximum de 1 mois à partir de la notification ».

Par requête déposée le 27 février 2001, Monsieur KIM a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de l’arrêté ministériel précité du 16 février 2001 portant prorogation de la mesure de placement prise à son égard.

L’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-

d’oeuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de reconduction d’une mesure de placement.

Lorsque néanmoins le demandeur conclut à la seule annulation de la décision attaquée dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le recours est néanmoins recevable dans la mesure où le demandeur se borne à invoquer des moyens de légalité, et à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et 2 les délais dans lesquels le recours doit être introduit (cf. trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693, Djekic, Pas adm. 1/2000, v° Recours en réformation, n° 1, et autres décisions y citées).

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est dès lors recevable dans la mesure des moyens d’annulation invoqués à l’encontre de l’arrêté ministériel prévisé du 16 février 2001.

A l’appui de son recours, le demandeur renvoie en premier lieu à la demande d’asile par lui formulée au moment de son interpellation par les agents du service de contrôle à l’aéroport pour soutenir que l’article 15 de la loi susvisée du 28 mars 1972 serait inapplicable à son cas. Il expose à cet égard que sa demande d’asile aurait pour effet d’empêcher son éloignement durant toute la procédure d’instruction de cette demande et qu’un éloignement ne pourrait être légalement opéré que suite à un refus définitif dudit statut. Au vu de l’absence de décision ministérielle vidant sa demande d’asile, il considère la décision ministérielle attaquée comme étant dénuée de tout fondement juridique. Il ajoute que l’absence de moyens d’existence personnels ne saurait justifier la décision attaquée au vu de l’assistance sociale à laquelle il aurait droit durant l’instruction de sa demande d’asile.

Le délégué du Gouvernement soutient que la décision déférée serait justifiée et que le recours laisserait d’être fondé. Il soutient dans ce cadre que le dépôt d’une demande d’asile n’exclurait pas toute possibilité de procéder à un éloignement de l’intéressé vers un Etat tiers sûr et ajoute que le fait par le demandeur d’avoir fait usage d’un faux passeport caractériserait à lui seul son comportement comme étant celui d’un étranger susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics, de même que l’usage d’un faux passeport pendant son séjour au Luxembourg, ensemble le défaut d’une adresse fixe au pays caractériseraient le risque dans le chef du demandeur qu’il se soustraie à la mesure d’éloignement ultérieure.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur soutient qu’une mesure de placement, pour être légalement prise, présupposerait une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement ordonnée, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure en raison d’une circonstance de fait. Il fait valoir qu’en l’espèce aucune décision de ce type n’aurait été prise à son égard et qu’une telle décision n’aurait même pas pu être prise implicitement, étant donné que la procédure d’asile suivrait actuellement son cours et impliquerait nécessairement l’éventualité de l’obtention du droit de rester au Luxembourg.

Si les dispositions internationales et nationales prohibent certes le refoulement d’un demandeur d’asile dans un pays où il risque d’être persécuté au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, cela n’implique cependant pas que toute possibilité de procéder à un éloignement de l’intéressé vers un Etat tiers sûr soit tenue en échec, pareille possibilité restant toujours, dans la limite des conditions légalement prévues, ouverte (trib. adm. 30 décembre 1999, Sabir, n° 11731, Pas. adm. 1/2000, v° Etrangers, n° 144).

Il reste cependant que, conformément aux dispositions de l’article 15 (1) de la loi précitée du 28 mars 1972, une mesure de placement présuppose une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, ainsi que l’impossibilité d’exécuter cette mesure en raison d’une circonstance de fait (trib. adm. 24 janvier 1997, Huremovic, n° 9774, Pas. adm.

1/2000, v° Etrangers, n° 117, et autres décisions y visées).

Le même article 15 dispose dans son paragraphe (2) que la décision de placement « peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre de la Justice à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

3 S’il est vrai que le délégué du Gouvernement précise à juste titre que le fait par le demandeur d’avoir fait usage d’un faux passeport caractérise à lui seul son comportement comme étant celui d’un étranger susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et que l’usage d’un faux passeport pendant son séjour au Luxembourg ensemble le défaut d’une adresse fixe au pays caractérisent le risque dans le chef du demandeur qu’il se soustraie à la mesure d’éloignement ultérieure, il n’en reste pas moins que la légalité d’une mesure de placement est conditionnée à la base par la preuve de la l’impossibilité d’exécuter une mesure d’éloignement en raison d’une circonstance de fait (trib. adm. 30 décembre 1999, Sabir, n° 11731, Pas. adm. 1/2000, v° Etrangers, n° 140) et que, appelé plus particulièrement à apprécier la légalité d’une décision de reconduire une mesure de placement, le tribunal est amené à vérifier l’existence d’une nécessité absolue commandant pareille prorogation.

En l’espèce, aucun élément du dossier, tel que soumis au tribunal, ne documente directement l’existence d’une mesure d’éloignement du demandeur vers un Etat tiers sûr, voire n’établit son existence à travers des démarches entreprises auprès d’autorités d’un autre Etat en vue d’un éloignement vers cet Etat.

Force est dès lors de constater à partir des éléments du dossier qu’aucune impossibilité d’exécution immédiate d’une éventuelle décision d’éloignement à la base de la mesure attaquée n’est établie à suffisance de droit et que partant aucune nécessité absolue de reconduire la mesure de placement ne saurait être retenue, celle-ci n’étant par essence susceptible d’être vérifiée qu’en cas de subsistance d’une impossibilité d’exécution d’une décision d’éloignement fut-elle implicite.

Il s’ensuit que l’arrêté ministériel attaqué du 16 février 2001 encourt l’annulation, le tribunal ne pouvant pas ordonner la mise en liberté immédiate du demandeur dans la mesure où le demandeur s’est autolimité dans son recours à solliciter l’annulation dudit arrêté ministériel au lieu de conclure à sa réformation.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare justifié, partant annule l’arrêté du ministre de la Justice du 16 février 2001 portant prorogation de la mesure de placement du demandeur pour la durée d’un mois, condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 mars 2001 par:

Mme LENERT, premier juge, Mme LAMESCH, juge 4 M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. LENERT 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12978
Date de la décision : 07/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-07;12978 ?

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