La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/03/2001 | LUXEMBOURG | N°12350

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mars 2001, 12350


Tribunal administratif N° 12350 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 octobre 2000 Audience publique du 7 mars 2001

===========================

Recours formé par Monsieur … BORISAVLJEVIC, … contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

--------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12350 et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2000 par Maître Jean-Paul RIPPINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de Monsieur … BORISAVLJEVIC, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actu...

Tribunal administratif N° 12350 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 octobre 2000 Audience publique du 7 mars 2001

===========================

Recours formé par Monsieur … BORISAVLJEVIC, … contre deux décisions du ministre du Travail et de l’Emploi en matière de permis de travail

--------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12350 et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2000 par Maître Jean-Paul RIPPINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BORISAVLJEVIC, né le …, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre du Travail et de l’Emploi du 26 juin 2000 portant refus dans le chef du demandeur d’une autorisation d’occupation temporaire par lui sollicitée en tant que pizzaïolo auprès de la société à responsabilité limitée HOTEL-RESTAURANT …, établie à L-…, ainsi que d’une décision confirmative, sur recours gracieux, prise par ledit ministre en date du 28 juillet 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté critiqué;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, Maître Véronique ACHENNE, en remplacement de Maître Jean-Paul RIPPINGER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Suite à l’expiration d’une première autorisation d'occupation temporaire délivrée en date du 22 décembre 1999 par le ministre du Travail et de l'Emploi, ci-après dénommé « le ministre », en faveur de Monsieur … BORISAVLJEVIC, préqualifié, qui est originaire de Serbie, pour un poste de pizzaïolo auprès de la société à responsabilité limitée HOTEL-

RESTAURANT …, préqualifiée, et dont la validité était limitée jusqu’au 15 juin 2000, l’employeur sollicita le 16 juin 2000 la délivrance d'une nouvelle autorisation d'occupation temporaire en faveur de Monsieur BORISAVLJEVIC pour le même poste.

1 L'autorisation d'occupation temporaire fut refusée à Monsieur BORISAVLJEVIC par arrêté du 26 juin 2000, aux motifs suivants :

« - absence de reconnaissance par le Conseil de Gouvernement que la Serbie est une région en guerre ;

- poste de travail non-déclaré vacant par l'employeur ;

- occupation irrégulière depuis le 16 juin 2000 ;

- des demandeurs d’emploi appropriés, bénéficiant de la priorité à l'emploi, sont disponibles sur place : 5.710 demandeurs d'emploi inscrits aux bureaux de placement de l'Administration de l'emploi, dont 2.073 ouvriers non qualifiés ».

Par lettre du 26 juillet 2000, Monsieur BORISAVLJEVIC introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux auprès du ministre. Ledit recours gracieux fut rejeté par une décision ministérielle confirmative en date du 28 juillet 2000.

Par requête déposée le 5 octobre 2000, Monsieur BORISAVLJEVIC a introduit un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de l’arrêté ministériel précité du 26 juin 2000 ainsi qu’à l’encontre de la décision confirmative du 28 juillet 2000.

QUANT AU RECOURS EN REFORMATION Le délégué du gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours en réformation au motif qu’aucune disposition légale ne prévoit un recours au fond en la matière.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5, page 310, et autres références y citées).

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoyant un recours de pleine juridiction contre une décision de refus d’une autorisation d'occupation temporaire, le tribunal administratif est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal.

QUANT AU RECOURS EN ANNULATION Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Le demandeur conclut à l’annulation des décisions déférées « pour violation de la loi, cet acte étant contraire aux principes généraux du droit, selon lesquels toute personne doit être traitée sans discrimination aucune, liée à la race, à la nationalité et au sexe ».

Dans ce contexte, il expose être « un yougoslave qui a refusé de se battre aux côtés de Milosevic et de commettre des crimes de guerre, que suite à sa désertion il a été contraint de quitter son pays pour demander le statut de réfugié politique, qu’actuellement aucune décision n’a été prise concernant sa demande en obtention du statut de réfugié politique [et] que même si les Balkans ne sont plus en guerre le requérant ne peut rentrer sous peine de se voir ou exécuter pour désertion ou emprisonner pour de longues années comme déserteur ».

2 Il estime encore que le fait de « lui retirer la possibilité de travailler c’est porter atteinte à sa dignité humaine alors qu’il ne pourra plus subvenir ni à ses propres besoins ni à ceux de sa famille restée au pays [et] que de tels agissements sont contraires à l’article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 qui interdit tous traitements inhumains ou dégradants [et] qu’ils sont également contraires à la Convention de Genève sur le statut des réfugiés politiques ».

Il convient en premier lieu de relever qu’une décision administrative individuelle est légalement justifiée du moment qu'un des motifs invoqués à sa base la sous-tend entièrement.

En l’espèce, parmi les quatre motifs invoqués à la base du refus ministériel déféré figure celui tiré de ce que la Serbie n'aurait pas été reconnue comme constituant une région en guerre.

Le délégué du gouvernement estime que ce motif à lui seul serait de nature à justifier le refus de délivrance d'une autorisation d'occupation temporaire, conformément à l'article 13 du règlement grand-ducal du 12 mai 1972 déterminant les mesures applicables pour l'emploi des travailleurs étrangers sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, tel que modifié par le règlement grand-ducal du 29 avril 1999 portant modification du règlement grand-ducal précité de 1972, en ce que le conseil de gouvernement, dans une décision du 26 novembre 1999, n'aurait reconnu que le Kosovo comme constituant une région en guerre au titre de l'article 13 précité.

En vertu du nouvel article 13 du règlement grand-ducal précité du 12 mai 1972, tel qu'inséré par le règlement grand-ducal précité du 29 avril 1999, et plus particulièrement du paragraphe (1) de celui-ci « pour les personnes en provenance d'une région en guerre, à déterminer par le Conseil de Gouvernement, le ministre du Travail et de l'Emploi ou son délégué peut délivrer une autorisation d'occupation temporaire valable pour une durée maximale de six mois, pour un employeur déterminé et pour une seule profession ».

En l'espèce, il est constant que le demandeur, de nationalité yougoslave, est originaire de la Serbie.

Il est encore constant en cause qu’au moment où les décisions ministérielles ont été prises, à savoir les 26 juin et 28 juillet 2000, il n’existait plus de décision du conseil de gouvernement suivant laquelle une région quelconque était considérée comme région en guerre en vertu de la disposition réglementaire précitée.

Il s'ensuit que le demandeur ne rentre pas dans le champ d'application de la réglementation relative aux autorisations d'occupation temporaire qui, de la volonté du pouvoir exécutif, est différente de celle portant sur la délivrance de permis de travail.

Comme, par ailleurs, en vertu du paragraphe (5) du même article 13 « l'absence de constatation par le Conseil de Gouvernement qu'une région est en guerre constitue un motif valable et suffisant de refus de l'autorisation d'occupation temporaire », le fait de ne pas provenir d'une région reconnue par le conseil de gouvernement comme constituant une région en guerre est à lui seul suffisant pour refuser l'autorisation d'occupation temporaire.

3 Il convient d’ajouter que c’est à tort que, dans le cadre de la présente affaire, le demandeur se réfère à des motifs de persécutions, ayant trait à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés qu’il aurait introduite auprès du ministre de la Justice et encore au fait que cette demande n’aurait pas encore connu de réponse, ces considérations restant étrangères et irrelevantes en matière d'autorisations d'occupation temporaire.

C’est encore à tort que le demandeur soulève la violation de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, étant donné qu’il reste en défaut de démontrer en quoi les décisions litigieuses seraient de nature à être assimilées à un « traitement inhumain et dégradant » au sens de ladite disposition.

Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le ministre, en se basant sur le motif tiré de ce que le demandeur ne provient pas d'une région en guerre, a valablement pu refuser l'autorisation d'occupation temporaire sollicitée par ce dernier, ce motif justifiant à lui seul le refus de l'autorisation en question, abstraction faite du caractère pertinent ou non des autres motifs invoqués à sa base.

Il s’ensuit que le recours laisse d'être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 7 mars 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12350
Date de la décision : 07/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-07;12350 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award