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07/03/2001 | LUXEMBOURG | N°11950

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 mars 2001, 11950


Tribunal administratif N° 11950 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 avril 2000 Audience publique du 7 mars 2001

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Recours formé par Monsieur … NEIGE contre une décision du ministre du Trésor et du Budget en matière d’agent d’assurances

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11950 du rôle et déposée le 21 avril 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … NEIGE, cuisinier,...

Tribunal administratif N° 11950 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 avril 2000 Audience publique du 7 mars 2001

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Recours formé par Monsieur … NEIGE contre une décision du ministre du Trésor et du Budget en matière d’agent d’assurances

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11950 du rôle et déposée le 21 avril 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … NEIGE, cuisinier, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision prise par le ministre du Trésor et du Budget en date du 23 mars 2000 par laquelle l’agrément en vue de l’exercice de la profession d’agent d’assurances lui a été refusé ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 juin 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom du demandeur au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Claudine ELCHEROTH, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Alors que Monsieur … NEIGE, préqualifié, indique dans sa requête introductive d’instance que depuis le 27 juin 1996, il aurait exercé, en complément de son activité salariale, la profession d’agent d’assurances en Belgique auprès de la société d’assurances X.C., il ressort néanmoins d’une lettre du 31 janvier 2000 de l’Office de Contrôle des Assurances établi à Bruxelles que « par décision du Conseil de l’Office de Contrôle des Assurances, [Monsieur … NEIGE a été inscrit] au registre des intermédiaires d’assurances non indépendants en tant que sous-agent dans le cadre de l’inscription collective de la société X.C. et ce, sous le numéro d’inscription 31858 ».

Dans la demande formulée par Monsieur NEIGE, par l’intermédiaire de l’entreprise d’assurances « GROUPE X., succursale de Luxembourg », datée du 14 février 2000, par laquelle il a sollicité auprès du commissariat aux assurances son agrément en tant qu’agent d’assurances, il a indiqué ne pas avoir été agréé auparavant pour le compte d’une entreprise d’assurances.

A la suite d’un courrier adressé en date du 9 mars 2000 par le directeur du commissariat aux assurances à Monsieur NEIGE, par lequel il a été informé de ce qu’une plainte venait d’être déposée à son encontre du fait de s’être présenté comme conseiller de la compagnie d’assurances « X. » auprès du public, tout en n’étant pas en possession de l’agrément légalement requis, l’invitant par ailleurs à se présenter au bureau dudit directeur, afin de s’expliquer sur les faits lui reprochés, et à la suite de l’instruction contradictoire de l’affaire ayant eu lieu lors d’une entrevue s’étant tenue en date du 20 mars 2000, à laquelle assistaient le directeur du commissariat aux assurances, ainsi qu’un contrôleur de celui-ci et Monsieur NEIGE, au cours de laquelle Monsieur NEIGE a notamment avoué « avoir visité à plusieurs occasions des clients existants pour faire le suivi des dossiers, ainsi que des clients futurs sans avoir été accompagné par une personne dûment agréée », en se basant sur l’existence d’un agrément de sous-agent d’assurances en Belgique, tel que cela ressort d’un procès-verbal daté du 23 mars 2000, versé au dossier administratif, une décision de refus d’agrément comme agent d’assurances datée du 23 mars 2000 fut envoyée à Monsieur NEIGE sur papier à entête du commissariat aux assurances et signée pour le ministre du Trésor et du Budget par le directeur du commissariat aux assurances. Ladite décision, se référant plus particulièrement à la demande précitée formulée par la compagnie d’assurances X. en date du 14 février 2000, est motivée comme suit : « Le refus d’agrément est basé sur le fait que vous avez avoué lors de l’instruction contradictoire en date du 20 mars 2000 avoir à plusieurs occasions visité des clients et des futurs clients d’assurance, sans être accompagné par une personne dûment agréée, partant sans être en possession de l’agrément légalement requis », ceci par référence à l’article 103 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances. La même décision fut également notifiée au mandataire général de l’entreprise d’assurances X. établi au Luxembourg, en indiquant au titre de la motivation, le fait que Monsieur NEIGE ne disposerait pas de la moralité et de l’honorabilité requises par l’article 104 de la loi précitée du 6 décembre 1991.

Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours subsidiaire en annulation en ce que la loi précitée du 6 décembre 1991 prévoirait un recours au fond en la présente matière.

L’article 111 de la loi précitée du 6 décembre 1991 prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, seul un recours en réformation a pu être dirigé contre la décision incriminée du 23 mars 2000. – Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est à déclarer irrecevable.

Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

En ce qui concerne le motif de refus tiré de la violation de l’article 103 de la loi précitée du 6 décembre 1991, en ce que Monsieur NEIGE aurait fait ou tenté de faire, dans le Grand-Duché de Luxembourg, ou à partir de celui-ci, une opération d’assurances pour compte de tiers sans avoir préalablement obtenu l’agrément du ministre, le demandeur fait valoir que l’inobservation éventuelle de cette disposition légale ne serait pas sanctionnée par 2 « l’impossibilité d’obtenir un agrément » en tant qu’agent d’assurances. Il conteste dans ce contexte, et au cas où ladite disposition légale devrait être déclarée applicable en l’espèce, avoir accompli des opérations d’assurances, terme qui, d’après lui, viserait exclusivement la conclusion de contrats et la gestion de contrats d’assurances, alors qu’il aurait effectué « de simples visites » qui ne sauraient constituer des opérations d’assurances au sens de la prédite loi et justifier le refus d’agrément en tant qu’agent d’assurances.

C’est à bon droit que le délégué du gouvernement se rallie au demandeur pour dire que la décision incriminée n’a pas pu se baser et n’a pas été basée sur l’article 103 de la loi précitée du 6 décembre 1991, ayant pour objet d’interdire l’accomplissement de toute opération d’assurances sans avoir obtenu au préalable un agrément, cette interdiction étant pénalement sanctionnée par l’article 113 de la même loi, la référence faite à ladite disposition légale, ne figurant que dans la seule lettre datée du 23 mars 2000 adressée à Monsieur NEIGE à titre personnel, n’étant à considérer qu’à titre de simple information sur l’état de la législation et sur la gravité des faits commis par lui, la véritable base légale se trouvant dans la décision adressée par courrier séparé du 23 mars 2000 au mandataire général de l’entreprise d’assurances X, qui a par ailleurs soumis la demande d’autorisation en vue de voir agréer Monsieur NEIGE en qualité d’agent d’assurances au commissariat aux assurances. Cette lettre, constituant la décision de nature à faire grief non seulement à la compagnie d’assurances elle-même, mais également à Monsieur NEIGE, indique comme base légale l’article 104 de la loi précitée du 6 décembre 1991.

Le demandeur conclut encore à la violation de l’article 104 de la loi précitée du 6 décembre 1991, en soutenant que le commissariat aux assurances n’aurait pas suivi la procédure telle que prévue par l’article 105 de la loi en question en ne le soumettant pas à une épreuve sur les connaissances professionnelles requises en vue de l’exercice de la profession d’agent d’assurances et en estimant que l’entrevue précitée du 20 mars 2000, qui ne serait prévue par aucune disposition légale, ne saurait suppléer à cette carence.

Tant dans son mémoire en réponse qu’au cours des explications fournies au cours de ses plaidoiries, le délégué du gouvernement a exposé que loin d’avoir été une « entrevue informelle », la réunion du 20 mars 2000 aurait été formellement convoquée par le commissaire aux assurances par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mars 2000 afin de permettre au demandeur d’assurer la défense de ses droits en le mettant en mesure de prendre position par rapport aux reproches qui ont été formulés à son encontre par la prédite lettre de convocation. Il s’agirait donc d’une réunion qui, même si elle n’était pas prévue par les textes légaux, aurait essentiellement été dans l’intérêt du demandeur. Il soutient que partant une violation des procédures prévues par la législation applicable ne saurait être reprochée à l’Etat et il conclut partant au rejet dudit moyen d’annulation.

L’article 104 de la loi précitée du 6 décembre 1991 dispose que « avant d’être agréées les personnes indiquées à l’article précédent [article 103 qui vise notamment l’agrément des agents d’assurances] doivent justifier des connaissances professionnelles requises et de la moralité et de l’honorabilité professionnelle ainsi qu’être domiciliées ou avoir élu domicile au Grand-Duché de Luxembourg ».

Il se dégage de la disposition légale précitée ainsi que de l’économie générale de la loi précitée du 6 décembre 1991, que le législateur a confié au ministre ayant dans ses attributions le commissariat aux assurances, actuellement le ministre du Trésor et du Budget, la charge de vérifier, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’agrément comme agent 3 d’assurances, entre autres, si le candidat justifie de la moralité et de l’honorabilité professionnelles.

Etant entendu qu’il est de l’essence même d’une procédure d’autorisation préalable du type de celle instituée par la loi précitée du 6 décembre 1991, d’assurer la sécurité des preneurs d’assurances et de la place de l’assurance en général, il appartient au ministre compétent de s’assurer, dans le cadre de son pouvoir de vérification, que les personnes qui se proposent ainsi d’entrer en contact direct avec les preneurs d’assurances présentent, à côté de connaissances professionnelles suffisantes, certaines garanties des points de vue de la moralité et de l’honorabilité professionnelles et ce dans l’intérêt du maintien de la bonne réputation et de la sécurisation mise en avant par les assureurs.

En l’espèce, le tribunal constate sur base des pièces et éléments du dossier, et plus particulièrement d’une lettre de la société anonyme d’assurances X, établie et ayant son siège social à Bruxelles, du 30 avril 1999, d’une lettre de la société d’assurances Y, ayant le siège de sa succursale à Luxembourg, du 29 février 2000 et du procès-verbal précité du 23 mars 2000, que Monsieur NEIGE a visité des clients potentiels aux fins de conclure des contrats d’assurances sans avoir été accompagné par une personne dûment agréée et sans disposer de l’agrément légalement requis, en violation des articles 103 et 113 de la loi précitée du 6 décembre 1991.

S’il est vrai que suivant les informations fournies par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, aucune plainte pénale n’a été déposée par l’Etat à l’encontre du demandeur, il n’en reste pas moins que ce dernier est en aveu, tel que cela ressort du procès-

verbal précité du 23 mars 2000, d’avoir visité des clients potentiels du groupe d’assurances X sans y avoir été autorisé sur base de la législation applicable.

Le comportement prédécrit du demandeur, même s’il n’a pas été sanctionné pénalement, constitue néanmoins un fait ayant un lien direct avec le type d’activité pour lequel l’agrément est sollicité, d’une gravité suffisante pour dénier au demandeur l’honorabilité et la moralité professionnelles requises en vue de l’exercice de la profession d’agent d’assurances, témoignant pour le moins d’un comportement peu respectueux des règles établies par la législation luxembourgeoise en matière d’exercice de la profession d’agent d’assurances.

Il découle des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre du Trésor et du Budget a refusé l’agrément sollicité par le groupe d’assurances X au profit du demandeur, au motif qu’il ne justifie pas de la moralité et de l’honorabilité professionnelles requises par la loi.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que le demandeur a été convoqué par le commissaire aux assurances à assister à une entrevue qui s’est tenue en date du 20 mars 2000 afin de s’expliquer sur les faits lui reprochés, étant donné que, même si cette procédure n’est pas expressément prévue par les dispositions légales applicables, cette entrevue a eu lieu dans l’intérêt du demandeur dans la mesure où il a pu s’expliquer quant aux reproches qui lui ont été faits par le commissaire aux assurances afin d’assurer la sauvegarde de ses droits de la défense.

Cette conclusion ne saurait pas non plus être énervée par le moyen invoqué par le demandeur et tiré d’une prétendue violation de l’article 2.1. b. de la directive n° 77-92-CEE 4 du Conseil du 13 décembre 1976 relative à des mesures destinées à faciliter l’exercice effectif de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services pour les activités d’agent et de courtier d’assurances, en ce que, du fait d’avoir exercé une « activité d’agent d’assurances en Belgique », il y aurait pu « présenter, proposer, préparer, conclure des contrats d’assurances ou d’aider à leur gestion et à leur exécution, notamment en cas de sinistre pour le compte d’une entreprise d’assurances », alors que contrairement aux allégations du demandeur, celui-ci n’a exercé, en Belgique, que la profession d’intermédiaire d’assurances non indépendant en tant que sous agent visée par l’article 2.1.c) de la prédite directive, dans le cadre d’une inscription collective, tel que cela ressort de la lettre précitée du 31 janvier 2000 de l’Office de Contrôle des Assurances, établi à Bruxelles, et non pas la profession d’agent d’assurances à titre indépendant, au sujet de laquelle il sollicite l’agrément de la part des autorités compétentes luxembourgeoises.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 7 mars 2001 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11950
Date de la décision : 07/03/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-03-07;11950 ?

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