La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2001 | LUXEMBOURG | N°12407

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 février 2001, 12407


Tribunal administratif N° 12407 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2000 Audience publique du 21 février 2001

=============================

Recours formé par Madame … SKRIJELJ, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

--------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12407 et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2000 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, assisté de Maître Franck GREFF, avocat, les de

ux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … SKRIJELJ, née le … à Po...

Tribunal administratif N° 12407 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2000 Audience publique du 21 février 2001

=============================

Recours formé par Madame … SKRIJELJ, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

--------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12407 et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2000 par Maître Charles OSSOLA, avocat à la Cour, assisté de Maître Franck GREFF, avocat, les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … SKRIJELJ, née le … à Podgorica (Monténégro/Yougoslavie), sans état particulier, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 26 juin 2000, notifiée le 10 août 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par le prédit ministre en date du 18 septembre 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en ses plaidoiries.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------

---

Le 6 avril 1999, Madame … SKRIJELJ, préqualifiée, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

1 Madame SKRIJELJ fut entendue en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Madame SKRIJELJ fut en outre entendue le 7 juillet 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 26 juin 2000, notifiée le 10 août 2000, le ministre de la Justice informa Madame SKRIJELJ de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté seule Podgorica fin mars 1999, laissant votre fille chez vos parents au Monténégro. Vous ne pouvez donner aucun détail concernant le voyage, prétendant avoir dormi pendant tout le trajet. Vous êtes arrivée au Luxembourg dans la matinée du 6 avril 1999 et vous avez déposé une demande en obtention du statut de réfugié le jour même.

Vous dites avoir quitté votre pays en raison de la situation politique et économique.

Vous affirmez que pour les musulmans il n’y a pas d’avenir ni de travail là-bas.

Vous affirmez par ailleurs avoir été mariée avec un Albanais dont vous auriez divorcé.

Vous prétendez avoir été insultée par les Serbes parce que vous aviez épousé un Albanais, et par les Albanais par ce que vous aviez divorcé d’un Albanais. Finalement vous dites avoir quitté votre pays également à cause de votre mari.

Vous n’avez pas l’intention de retourner dans votre pays parce que vous avez peur de la haine qu’il y a entre les gens et parce que vous craignez que la guerre y éclate de nouveau.

Vous soulignez que votre peur est liée au fait que vous êtes musulmane.

Il résulte par ailleurs de vos déclarations que vous n’êtes pas membre d’un parti politique.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile, qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il ne se dégage pas de vos déclarations, qui ne sont d’ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risquiez ou risquez d’être persécutée dans votre pays pour un des motifs énumérés par l’article 1er, A., §2 de la Convention de Genève.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève.

2 Vous êtes invitée à quitter le territoire du Luxembourg dans le mois suivant la notification de la présente décision. Dans le cas où vous exerceriez un recours devant les juridictions administratives, vous devrez quitter le territoire dans le mois suivant le jour où la décision confirmative des juridictions administratives aura acquis le caractère de force de chose jugée. En cas de non respect des délais prescrits, un rapatriement sera organisé soit vers votre pays d’origine, soit vers un autre pays où vous serez légalement admissible.

La présente décision est susceptible d’un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai d’un mois à partir de la notification de la présente. (…) ».

Par lettre datée du 11 septembre 2000, réceptionnée le lendemain 12 septembre 2000 au ministère de la Justice, Madame SKRIJELJ introduisit, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 26 juin 2000.

Par décision du 18 septembre 2000, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 19 octobre 2000, Madame SKRIJELJ a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions précitées du ministre de la Justice des 26 juin et 18 septembre 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises. Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par la demanderesse.

Le délégué du gouvernement soulève en premier lieu l’irrecevabilité du recours ratione temporis, au motif que le recours gracieux aurait été introduit le « 11 » septembre 2000, c’est-

à-dire, en dehors du délai d’un mois à partir de la notification de la décision ministérielle initiale de refus.

La demanderesse n’a pas pris position quant à ce moyen d’irrecevabilité.

En vertu de l’article 12 de la loi précitée du 3 avril 1996, le recours « doit être introduit dans le délai d’un mois à partir de la notification » de la décision.

Selon l’article 3 paragraphe 1er de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle, le 16 mai 1972, approuvée par la loi du 30 mai 1984, les délais exprimés en jours, semaines, mois, années, courent à partir du dies a quo, minuit, jusqu’au dies ad quem, minuit.

L’article 1033-2 du code de procédure civile dispose en outre que « lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, il expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la signification qui fait courir le délai ».

3 En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que la décision ministérielle initiale du 26 juin 2000, qui par ailleurs indique les voie de recours et délai pour agir, a été notifiée à la demanderesse le 10 août 2000, de sorte que, étant donné que le 10 septembre 2000 était un dimanche, le 11 septembre 2000, à minuit, était le dernier jour à prendre en considération dans le décompte du délai légal pour agir.

S’il est vrai qu’un recours gracieux introduit contre une décision administrative a pour effet de reporter le point de départ du délai du recours contentieux à la date de la notification de la nouvelle décision statuant sur ce recours gracieux, encore faut-il que ledit recours gracieux ait été introduit auprès de l’administration dans le délai contentieux courant à partir de la notification de la décision initiale.

En l’espèce, il s’ensuit que le recours gracieux qui, tel qu’il se dégage de la copie estampillée par le ministère de la Justice produite en cause, n’a été réceptionné que le 12 septembre 2000 n’a pas eu pour effet de reporter le point de départ du délai contentieux et le recours contentieux introduit le 18 octobre 2000 est partant irrecevable pour cause de tardiveté.

Nonobstant le fait que la demanderesse n’était pas représentée à l’audience publique à laquelle l’affaire avait été fixée pour les débats oraux, l’affaire est jugée contradictoirement à l’égard de toutes les parties, la procédure étant essentiellement écrite devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

déclare le recours irrecevable;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 21 février 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12407
Date de la décision : 21/02/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-02-21;12407 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award