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21/02/2001 | LUXEMBOURG | N°12238

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 février 2001, 12238


Tribunal administratif N° 12238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2000 Audience publique du 21 février 2001

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Recours formé par la société anonyme TRACOL S.A. et consorts, contre deux décisions du ministre des Travaux publics, en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 16 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Claudie PISANA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la sociÃ

©té anonyme TRACOL S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’admin...

Tribunal administratif N° 12238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 août 2000 Audience publique du 21 février 2001

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Recours formé par la société anonyme TRACOL S.A. et consorts, contre deux décisions du ministre des Travaux publics, en matière de marchés publics

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 16 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Claudie PISANA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) la société anonyme TRACOL S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, 2) Monsieur C.M., entrepreneur, demeurant à D-…, 3) la société à responsabilité limitée de droit allemand K.M., établie et ayant son siège social à D-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre des Travaux publics du 1er mars 2000 par laquelle il a rejeté l’offre présentée par les trois demandeurs préqualifiés, réunis en association momentanée, dans le cadre du marché de travaux de parements en pierre naturelle à exécuter dans l’intérêt du musée d’Art moderne Grand-Duc Jean à Luxembourg-Kirchberg pour non conformité de l’offre aux prescriptions du cahier spécial des charges et, « pour autant que la décision de rejet de la Ministre des Travaux Publics est à annuler », de l’arrêté pris par ledit ministre le 17 mai 2000 portant annulation de la susdite soumission;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal par le délégué du gouvernement le 17 octobre 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au nom des demandeurs le 16 novembre 2000;

Vu le mémoire en duplique déposé le 1er décembre 2000 par le délégué du gouvernement;

Vu les pièces versées en cause et notamment les deux décisions attaquées;

2 Ouï le juge rapporteur en son rapport et Maître Claudie PISANA, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives.

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Le 13 octobre 1999, une soumission publique fut ouverte relativement aux travaux de parements en pierre naturelle à exécuter dans l’intérêt du musée d’Art moderne Grand-Duc Jean à Luxembourg-Kirchberg.

Deux soumissionnaires participèrent audit appel d’offres, à savoir l’association momentanée TRACOL-M.-K.M. et l’association momentanée C.P.-J.-G.D..

Le classement de ladite soumission publique suivant les prix offerts fut arrêté comme suit:

DEVIS (Offre de base et variante) 293.193.915.- 7.268.087 100% (en LUF) (en EUR) 1. Ass. mom.

TRACOL/M./K.M.

LUF EUR VARIANTE (TRAVERTIN) 274.352.063.- 6.801.010.- 93,6% 2. Ass.mom.

TRACOL/M./K.M.:

LUF EUR OFFRE DE BASE 283.798.014.- 7.035.169.- 96,8% (PIERRE DE BOURGOGNE) 3. Ass.mom. C.P./J./G.D.:

OFFRE DE BASE LUF EUR (PIERRE DE BOURGOGNE) 487.894.210.-

166,4% 12.094.582.-

4. Ass.mom. C.P./J./G.D.:

LUF EUR VARIANTE : (TRAVERTIN) 567.206.910.-

193,5% 14.060.692.-

Le 1er mars 2000, le ministre des Travaux Publics informa l’association momentanée TRACOL-M.-K.M. de ce que « votre offre de base ainsi que la variante relatives à l’objet sous rubrique doivent être écartées parce qu’elles ne sont pas conformes aux prescriptions du cahier spécial des charges.

Les principales non-conformités sont :

- Refus d’acceptation du prix forfaitaire de la formule d’engagement ;

- Teinte et aspect des pierres calcaires ;

- Teinte et aspect des granits ;

- Masticage du travertin ;

- Non-fourniture, même après demande, de références de travaux similaires de même degré de complexité, de précision et de même envergure ;

3 - Non-fourniture, même après demande, de données techniques sur les pierres (excepté pour le travertin) ;

- Non-fourniture, même après demande, de données sur les carrières, données indispensables pour juger la qualité des pierres et la capacité d’exécution des travaux.

Veuillez noter par ailleurs que je me propose d’annuler la soumission sous rubrique au motif qu’elle n’a pas donné de résultat satisfaisant.

Dans ce contexte, vous avez la possibilité de présenter dans le délai de la huitaine vos observations conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations de l’Etat et des communes. (…) ».

Par courrier séparé en date du même 1er mars 2000, le ministre des Travaux Publics informa l’association momentanée C.P.-J.-G.D. de ce que « votre offre de base ainsi que la variante relatives à l’objet sous rubrique doivent être écartées parce que le prix est surfait et inacceptable.

En vertu de l’article 30 (13) du règlement grand-ducal du 2 janvier 1989 portant institution d’un cahier général des charges applicable aux marchés publics de l’Etat, il ne peut être tenu compte de votre proposition de réviser certains prix unitaires à la baisse.

(…) ».

Sur avis de la commission des soumissions daté du 21 février 2000, pris en sa séance du 16 février 2000, la susdite soumission publique fut annulée par décision du ministre des Travaux Publics en date du 17 mai 2000 sur base de l’article 31 (2) a) du règlement grand-

ducal modifié du 2 janvier 1989 portant 1° institution d’un cahier général des charges applicables aux marchés publics de travaux et de fournitures pour compte de l’Etat, 2° fixation des attributions et du mode de fonctionnement de la Commission des Soumissions.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 août 2000, 1) la société anonyme TRACOL S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, 2) Monsieur C. M., entrepreneur, demeurant à D-…, 3) la société à responsabilité limitée de droit allemand K.M., établie et ayant son siège social à D-…, ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre des Travaux publics du 1er mars 2000 par laquelle il a rejeté l’offre présentée par les trois demandeurs préqualifiés, réunis en association momentanée, dans le cadre de la soumission émargée et, « pour autant que la décision de rejet de la Ministre des Travaux Publics est à annuler », de l’arrêté pris par ledit ministre le 17 mai 2000 portant annulation de ladite soumission.

Le recours, non autrement contesté sous ce rapport, est recevable, pour avoir été introduit par des parties demanderesses qui ont un intérêt suffisant pour agir par la voie contentieuse contre les décisions attaquées en vue du contrôle du respect des dispositions légales et réglementaires régissant les adjudications publiques et qui ont agi dans les formes et délai prévus par la loi.

Au fond, concernant la décision ministérielle du 1er mars 2000 portant rejet de leur offre, les demandeurs reprochent au ministre des Travaux publics une « violation de la loi et des formes destinées à protéger les intérêts privés, respectivement [un] excès de pouvoir, en 4 ce qu’[il] (…) se fonde sur des motifs inexistants, sinon non pertinents au regard des critères d’attribution et des diverses conditions spécifiés aux cahiers des charges tant général que spécial, donc sur de faux motifs ».

Avant de passer en revue et d’analyser plus spécialement les moyens dirigés contre les différents motifs indiqués par le ministre dans sa décision litigieuse du 1er mars 2000 et les observations y afférentes développées par le délégué du gouvernement, il convient de relever que, dans leur mémoire en réplique, les demandeurs ont encore soulevé un double moyen d’annulation qui est à examiner préalablement par rapport aux susdites critiques à l’égard des motifs retenus par le ministre.

Il s’agit du moyen basé sur ce que le règlement grand-ducal précité du 2 janvier 1989, qui ferait application de diverses directives européennes, serait contraire à l’article 1er de la loi modifiée du 9 août 1971 concernant l’exécution et la sanction des décisions et des directives ainsi que la sanction des règlements des Communautés Européennes en matière économique, technique, agricole, forestière, sociale et en matière de transports, au motif que, d’une part, la possibilité d’exécuter et de sanctionner des décisions et directives ainsi que d’exécuter des règlements communautaires dans lesdites matières par la voie de règlements d’administration publique serait expressément prohibée dans les matières réservées et que la présente matière constituerait une telle matière réservée au motif que l’article 99 de la Constitution qui dispose « tout engagement financier important de l’Etat doit être autorisé par une loi spéciale, de sorte qu’on peut conclure que toute la matière des travaux publics est réservée à la loi et que l’exécution des directives européennes en la matière ne peut être opérée par règlement grand-

ducal » et, d’autre part, même si la matière dont il est question en cause ne constituait pas une matière réservée, le préambule du règlement grand-ducal de 1989 n’indiquerait pas que la commission de travail de la Chambre des députés ait donné son assentiment.

Le moyen d’annulation laisse cependant d’être fondé dans ses deux branches.

En effet, force est en premier lieu de relever que les deux décisions litigieuses ne sont pas intervenues dans une matière réservée par la Constitution à la loi, le raisonnement développé par les demandeurs étant vicié par une confusion entre la matière des finances publiques (matière réservée par l’effet de l’article 99 de la Constitution), qui implique que l’engagement de dépenses importantes nécessite la prise d’une décision par le législateur et la matière des marchés publics, c’est-à-dire la réglementation spécifique de mise en oeuvre d’une décision d’engager une certaine dépense, cette réglementation ne relevant pas de l’article 99 de la Constitution et n’étant pas non plus réservée à la loi par une quelconque autre disposition constitutionnelle.

Le moyen est encore erroné dans ses première et deuxième branches, étant donné que le règlement grand-ducal précité du 2 janvier 1989 n’a pas été pris en application de la loi précitée du 9 août 1971 afin de transposer des directives communautaires en droit luxembourgeois, mais qu’il trouve sa cause d’ouverture dans la loi modifiée du 4 avril 1974 concernant le régime des marchés publics de travaux et de fournitures en exécution de laquelle il a été pris.

Concernant le premier motif retenu par le ministre des Travaux publics pour écarter leur offre, à savoir celui tiré de ce qu’ils auraient refusé d’accepter « le prix forfaitaire de la formule d’engagement », les demandeurs insistent sur ce qu’ils auraient accepté et acceptent 5 toujours « le principe du prix global - non révisable après adjudication éventuelle - ». Dans ce contexte, ils exposent que le fait par eux d’avoir sollicité, après une demande de renseignements de l’administration relativement à une différence entre le prix global offert et le total des positions, la correction d’une erreur de calcul, aurait été, à tort, interprété par le ministre compétent comme un refus d’accepter le principe du prix forfaitaire.

Ils estiment que la réglementation luxembourgeoise, à l’instar de la réglementation belge, dont elle s’inspirerait, autoriserait des corrections de simples erreurs de calcul avant l’adjudication, mais non plus par après.

Le délégué du gouvernement expose que l’administration « dans un esprit de transparence et de respect des droits de l’administré avait informé l’association TRACOL et autres d’une erreur arithmétique lui survenue », tout en ayant insisté sur le maintien du prix forfaitaire prévu par l’article 30 alinéa 3 du règlement grand-ducal précité du 2 janvier 1989.

Or, selon le délégué, comme le soumissionnaire n’aurait pas, à la suite de cette information, « confirmé au pouvoir adjudicateur qu’il se sent légalement lié au prix forfaitaire proposé par lui, mais au contraire [qu’] il a insisté sur la correction de son erreur », le pouvoir adjudicateur aurait valablement pu conclure que cette attitude constituait un refus d’accepter le principe du prix forfaitaire voire « un retrait de l’offre eu égard à l’impossibilité réglementaire de corriger l’offre ».

Avant l’analyse en droit de ce moyen, il convient de relever les données factuelles constantes en l’espèce.

Il se dégage du dossier de soumission (articles 1.8.5. des clauses contractuelles générales et 2.1.18 des clauses contractuelles particulières) que le marché devait être adjugé « à prix global non révisable ».

Dans le cadre d’une demande de renseignements supplémentaires du 5 novembre 1999 adressée par l’administration des Bâtiments publics à l’association momentanée formée par les demandeurs, ladite administration demanda la justification d’une « différence de EUR 949.615.- entre le total offert en page de couverture et le total des positions », en lui demandant de répondre à la question suivante: « Est-ce que vous maintenez votre prix figurant dans la formule d’engagement, vu le caractère forfaitaire de l’offre ».

Par lettre du 24 novembre 1999, les demandeurs répondirent à la question susvisée par la négative, en expliquant qu’« il s’agit d’une erreur d’addition que vous avez relevée à juste titre, et pour laquelle nous vous remercions. Pour le reste, les montants de la soumission sont à rectifier conformément à l’article 30 (2) et (3) du règlement grand-ducal du 02 janvier 1989 ».

En droit, l’interprétation de l’article 30 alinéa 3 du règlement grand-ducal précité du 2 janvier 1989 invoqué et discuté par les parties en cause nécessite de prime abord qu’on cerne le cadre légal spécifique dans lequel il est inséré.

L’article 30 du règlement grand-ducal précité de 1989 traite de l’examen des offres, une fois déposées et ouvertes, ainsi que des dossiers de soumission en ce qui concerne leur conformité technique et leur « valeur économique, notamment au bien-fondé des prix et à 6 l’exactitude des calculs » (article 30 alinéa 1er). L’article 30 alinéa 1er ajoute que « les offres qui ne satisfont pas aux conditions du cahier des charges ou dont les prix sont reconnus inacceptables sont éliminées ».

Au voeu de l’alinéa second dudit article 30, le redressement des erreurs arithmétiques doit se faire selon les dispositions des alinéas subséquents de l’article 30.

C’est dans ce contexte que l’article 30 alinéa 3 dispose que « si le total ne correspond pas aux prix unitaires, ces derniers font foi. Si les prix unitaires inscrits en chiffres diffèrent de ceux inscrits en toutes lettres, les prix correspondant au total émargé sont admis. Si celui-

ci ne s’accorde ni avec les uns, ni avec les autres, le prix indiqué en toutes lettres fait foi. Le prix forfaitaire fait foi alors même s’il y a discordance entre celui-ci et les prix unitaires ».

Force est de constater que ledit alinéa 3 règle distinctement deux cas de figure différents, à savoir, d’une part, les redressements d’erreurs arithmétiques dans un marché à prix unitaires (phrases 1 à 3 de l’alinéa 3) et, d’autre part, les redressements d’erreurs arithmétiques dans un marché à forfait (quatrième phrase de l’alinéa 3).

La dualité de régime s’explique par la considération selon laquelle, dans les marchés à prix unitaires la donnée principale et invariable est constituée par le prix unitaire inscrit par le soumissionnaire, tandis que dans un marché à forfait c’est le prix total (par position, par chapitre, voire le prix global) qui constitue la donnée déterminante.

Concernant l’affaire sous analyse, il suit de ce qui précède qu’il importe en premier lieu de déterminer le mode d’offre retenu par le commettant, étant rappelé que l’article 10 du règlement grand-ducal de 1989 retient trois possibilités de mode d’offre, à savoir 1) l’offre à prix unitaires, 2) l’offre au prix de revient et 3) l’offre à prix global qui peut être révisable ou non révisable.

Dans ce contexte, il incombe de relever une particularité du droit luxembourgeois des marchés publics, à savoir qu’il n’y a pas de différence terminologique entre une offre à prix global et une offre forfaitaire, les deux notions étant synonymes (cf. avis du Conseil d’Etat du 10 mai 1988 relatif au projet de règlement grand-ducal précité de 1989, commentaire de l’article 10).

Par conséquent, eu égard aux stipulations univoques du dossier de soumission, la soumission litigieuse constitue une soumission à prix forfaitaire et le redressement des erreurs arithmétiques est, en principe, réglé par la quatrième phrase de l’article 30 alinéa 3 du règlement grand-ducal précité de 1989.

Ceci étant, ladite disposition ne vise que le redressement des erreurs arithmétiques, lesquelles doivent être distinguées des erreurs purement matérielles.

En effet, l’erreur arithmétique peut être définie - en la présente matière - comme une erreur d’addition ou de multiplication, c’est-à-dire un faux calcul.

L’erreur purement matérielle est l’erreur qui résulte d’un défaut d’attention et qui n’est pas de nature à affecter la base des calculs nécessaires à la soumission.

7 L’oubli de computer certaines données chiffrées lors d’une opération de calcul et, plus particulièrement, le fait de ne pas prendre en compte l’ensemble des postes de fournitures et de travaux composant le marché lors du calcul du prix total d’une soumission, s’il vicie le résultat de l’opération de calcul, il ne constitue pas pour autant une erreur arithmétique mais une simple erreur matérielle.

L’erreur matérielle doit être rectifiée lorsqu’elle apparaît manifestement au moment de l’examen des offres. En effet, la rectification des erreurs matérielles manifestes n’affecte pas les règles interdisant ou restreignant les possibilités de modifications ou de redressements des prix, c’est-à-dire qu’elle n’est pas de nature à fausser le libre jeu de la concurrence, mais au contraire, elle tend à corriger la volonté déclarée par le soumissionnaire et à faire apparaître sa volonté réelle, c’est-à-dire son offre réelle.

Enfin, admettre que le commettant puisse ignorer une erreur flagrante, c’est-à-dire admettre qu’il puisse refuser la correction d’une telle erreur en se retranchant derrière le caractère « forfaitaire » de l’offre, reviendrait à admettre que le commettant puisse ignorer la réalité des faits sous-jacents à un bordereau des prix. - En d’autres termes, la rectification des erreurs matérielles manifestes n’est autre chose que la manifestation de l’obligation de bonne foi et de loyauté qui incombe au pouvoir adjudicateur.

En l’espèce, force est de constater que l’erreur, non contestée quant à sa substance, commise par le soumissionnaire, c’est-à-dire le fait d’avoir oublié de compter différents postes de son bordereau au moment du calcul du total des différents postes et chapitres, était tellement flagrante qu’elle n’a pas pu échapper à l’administration lors de l’examen des soumissions et d’ailleurs elle ne lui a pas échappée. Il s’agit d’une erreur matérielle due à une simple inattention et ne viciant pas la base des calculs nécessaires à la soumission.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que la correction de l’erreur matérielle commise par les demandeurs était de mise et le ministre des Travaux publics a interprété à tort la demande afférente comme constituant un refus d’accepter le principe du prix forfaitaire. Par conséquent, le premier motif retenu par ledit ministre pour écarter l’offre des demandeurs n’est pas légalement justifié et il doit être écarté.

Il convient ensuite d’examiner les second à quatrième motifs retenus par le ministre, relatifs aux « teinte et aspect des pierres calcaires, teinte et aspect des granits et masticage du travertin ».

Les demandeurs soutiennent en premier lieu que la pierre proposée par eux ne serait pas une pierre « Rocheville jaune » ou « Magny jaune », mais une pierre « Rocheville clair ».

Ensuite, ils estiment que la motivation tirée de la teinte et de l’aspect des pierres calcaires serait « inexistante » sinon insuffisante, étant donné que le ministre aurait manqué de préciser en quoi consiste le défaut de conformité allégué par rapport aux qualités édictées par l’article 2.2.1.12 du cahier des charges et qu’il y aurait une contradiction flagrante entre les termes des documents contractuels fournis en ce qui concerne la couleur requise pour les pierres. Ils relèvent, dans ce contexte, qu’à la page 59 du dossier de soumission on pourrait lire les mots « pas de jaune », mais qu’à la première page sous « conditions contractuelles générales », il serait précisé que « la pierre choisi (sic), une pierre « claire » d’origine calcaire aura la nuance dominante caractéristique de teinte jaune rosé, un peu ramagée sur 8 fond gris » et qu’à la page 59, l’article 2.2.2.1.11.1 énoncerait comme pierre de référence servant de base à la description la pierre « Magny dorée », enfin que le descriptif technique de la pierre « Magny dorée » énoncerait un coloris beige-jaune-rosé.

Concernant la seconde non-conformité, les demandeurs estiment également que ce motif manquerait de précision sinon de fondement.

De même concernant le motif de refus basé sur la non-conformité du masticage du travertin offert, les demandeurs contestent que l’aspect final de leur travertin, après masticage, ne soit pas homogène et que la teinte du travertin après masticage serait identique à celle de la pierre.

En ordre subsidiaire, les demandeurs concluent à l’institution d’une mesure d’expertise pour établir le mal-fondé des prétendues non-conformités de leurs offres.

Le délégué du gouvernement déclare que l’administration fait siens les arguments et conclusions des architectes PEI et REUTER et il réitère les observations faites par le ministre des Travaux publics dans son courrier critiqué du 17 mai 2000. Sur ce, le représentant étatique déclare que l’Etat ne serait pas opposé à ce qu’une expertise soit instituée pour la vérification des non-conformités techniques.

Concernant en premier lieu le reproche d’une indication de motifs insuffisante, voire inexistante, en ce qui concerne les deux premières non-conformités retenues par le ministre des Travaux publics, force est de constater qu’il se dégage de la décision litigieuse, ensemble la lettre du 17 mai 2000 adressée par ledit ministre aux demandeurs que le premier motif tiré de la non-conformité relatif à la teinte et à l’aspect des pierres calcaires, que le ministre a estimé que les teinte et aspects de la pierre « Rocheville jaune » ou « Magny jaune » offerte et les échantillons des pierres calcaires remises par le soumissionnaire n’étaient pas conformes 1) au descriptif strict du dossier de soumission (pages 54 et 55 du dossier de soumission), 2) aux échantillons témoins qui étaient, avant l’ouverture de la soumission, à la disposition des soumissionnaires et 3) à l’article 2.2.2.1.12. de la page 59 du dossier de soumission et que, concernant la seconde non-conformité retenue par le ministre des Travaux publics, il est reproché aux demandeurs d’avoir offert des granits qui ne seraient pas conformes aux prescriptions du cahier des charges (page 55 du dossier de soumission) et que les échantillons remis ne seraient pas conformes aux échantillons-témoins. Afin d’être complet, il convient d’ajouter que la troisième non-conformité retenue concerne le masticage du travertin et que sous ce rapport, le commettant a considéré que le produit offert ne serait pas conforme aux qualités exigées, décrites de façon précise au point 2.1.3.20 de la page 46 du dossier de soumission, notamment quant à l’exigence d’un aspect final parfaitement homogène et d’une teinte identique à celle de la pierre et aux échantillons-témoins exposés. Cette motivation se révèle être suffisamment précise pour que les demandeurs n’aient pas pu se méprendre sur la portée à attribuer à la décision litigieuse, c’est-à-dire que la motivation suffit à l’exigence légale de motivation des décisions administratives refusant de faire droit à une demande d’un administré (article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes), ainsi que de la disposition spécifique de l’article 32 (8) du règlement grand-ducal précité du 2 janvier 1989.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit encore d’examiner si lesdits motifs sont de nature à justifier la décision attaquée.

9 Concernant ces questions de non-conformité de l’offre au cahier des charges, le tribunal estime ne pas être à même, à défaut de données et connaissances techniques adéquates, de constater lui-même respectivement si les pierres calcaires et granits offerts ou le masticage du travertin sont ou non conformes aux prescriptions du cahier des charges, de sorte qu’il échet de commettre, avant tout autre progrès en cause, un homme de l’art avec la mission plus amplement détaillée au dispositif du présent jugement.

Concernant l’analyse de l’ensemble des trois motifs en rapport avec les non-fourniture, même après demande, « de références de travaux similaires de même degré de complexité, de précision et de même envergure » « de données techniques sur les pierres (excepté pour le travertin) » et « de données sur les carrières, données indispensables pour juger la qualité des pierres et la capacité d’exécution des travaux », les demandeurs soutiennent que les données techniques sur les pierres - autres que celles par eux fournies -requises par le commettant seraient surabondantes et que les données sur les carrières de provenance des pierres auraient été localisées avec une précision suffisante.

Le tribunal estime également ne pas être à même, à défaut de données et connaissances techniques adéquates, de se prononcer d’ores et déjà quant à ses trois non-conformités retenues par le pouvoir adjudicateur, de sorte qu’il échet d’étendre la mission de l’homme de l’art à commettre des points additionnels précisés au dispositif du présent jugement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en la forme;

avant tout autre progrès en cause, nomme expert Monsieur Daniel GODFROY, architecte, établi à L-3403 Dudelange, b.p. 265;

avec la mission d’examiner si 1) les teinte et aspects de la pierre « Rocheville jaune » ou « Magny jaune » offerte et les échantillons des pierres calcaires remises par l’association momentanée TRACOL-M.-K.M.

sont conformes au descriptif du dossier de soumission (pages 54 et 55 du dossier de soumission et article 2.2.2.1.11. de la page 59 du dossier de soumission) et aux échantillons-

témoins mis à la disposition des soumissionnaires par le commettant, 2) les granits offerts et les échantillons présentés sont conformes aux prescriptions du cahier des charges (page 55 du dossier de soumission) et aux échantillons-témoins mis à la disposition des soumissionnaires par le commettant, 3) le masticage du travertin est conforme aux qualités exigées (article 2.1.3.20 de la page 46 du dossier de soumission), notamment quant à l’exigence d’un aspect final parfaitement homogène et d’une teinte identique à celle de la pierre et aux échantillons-témoins exposés, 10 4) les références de travaux similaires de même degré de complexité, de précision et d’envergure apportés par les demandeurs remplissent les exigences afférentes du commettant et, dans la négative, se prononcer sur l’incidence et la gravité de la non-production de tout ou partie des références demandées pour l’examen de la conformité de l’offre des demandeurs ou de la capacité d’exécution des travaux, 5) les données techniques sur les pierres fournies par les demandeurs sont complètes et suffisantes par rapport aux stipulations du cahier des charges et, dans la négative, de renseigner le tribunal quant à l’incidence et la gravité de la non-fourniture de tout ou partie de ces données pour l’examen de la conformité de l’offre des demandeurs, 6) les données sur les carrières remplissent les exigences afférentes du commettant et, dans la négative, de se prononcer sur la question de savoir si ces informations sont ou non indispensables pour l’examen de la conformité de l’offre ou de la capacité d’exécution des travaux;

dit que l’expert pourra s’entourer de tierces personnes dans le cadre de sa mission;

dit que l’expert devra déposer son rapport écrit et motivé, au greffe du tribunal administratif au plus tard le 21 mai 2001;

dit qu’en cas de refus ou d’impossibilité d’accepter la mission, l’expert désigné sera remplacé à la requête de la partie la plus diligente par ordonnance du président du tribunal, l’autre partie dûment informée;

fixe à 100.000.- francs le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l’expert;

dit que cette provision est à consigner par la partie demanderesse dans le délai de 15 jours à partir de la notification du présent jugement à la Caisse des dépôts et des consignations ou à verser à un établissement bancaire à convenir entre parties;

dit que la partie demanderesse en justifiera au greffe du tribunal administratif;

réserve les frais et fixe l'affaire à l'audience de la deuxième chambre du tribunal administratif du 28 mai 2001.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge M. Schroeder, juge 11 et lu à l’audience publique du 21 février 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12238
Date de la décision : 21/02/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-02-21;12238 ?

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