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14/02/2001 | LUXEMBOURG | N°12346

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 février 2001, 12346


Numéro 12346 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 octobre 2000 Audience publique du 14 février 2001 Recours formé par les époux … et … KARAHASANOVIC-…, … contre deux décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12346 du rôle, déposée le 2 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Guillaume RAUCHS, avoc

at à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … K...

Numéro 12346 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 octobre 2000 Audience publique du 14 février 2001 Recours formé par les époux … et … KARAHASANOVIC-…, … contre deux décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12346 du rôle, déposée le 2 octobre 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Guillaume RAUCHS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KARAHASANOVIC, né le 24 septembre 1968 à Cinovici (Bosnie), et de son épouse, Madame … KEREROVIC, née le 17 avril 1971 à Hajderovici (Bosnie), agissant en leur nom propre et en tant que représentants légaux de leurs enfants Armin, né le 19 juillet 1992 à Lubljana, et Leila, née le 23 mars 1998 à Zenica, tous de nationalité bosniaque, demeurant actuellement ensemble à L-

… tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 17 mai 1999, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 24 août 2000, les deux portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2000 par Maître Guillaume RAUCHS pour compte des époux KARAHASANOVIC-…;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Bob PIRON et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KOSNBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 janvier 2001.

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Etant arrivé au Luxembourg le 15 mai 1998, Monsieur … KARAHASANOVIC introduisit le 22 mai suivant auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur KARAHASANOVIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-

ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Son épouse, Madame …, accompagnée de leurs enfants communs Armin et Leila, présenta une demande tendant aux mêmes fins le 31 décembre 1998, date à laquelle elle fut également entendue par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Monsieur KARAHASANOVIC fut entendu en dates des 26 mai 1998 et 28 janvier 1999 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande, tandis qu’une audition afférente de Madame … eut lieu le 11 février 1999.

Le 1er juillet 1999, la commission consultative pour les réfugiés émit un avis défavorable et, par lettre du 17 mai 1999, le ministre de la Justice informa les époux KARAHASANOVIC-… que leur demande avait été rejetée.

Par courrier de leur mandataire du 1er juillet 1999, les époux KARAHASANOVIC-… firent introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée.

Le ministre de la Justice adressa le 24 août 2000 aux époux KARAHASANOVIC-… une lettre libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de vous confirmer que votre demande d’asile déposée le 25 mai 1998 a été rejetée en date du 17 mai 1999 (date de la notification : 10.06.1999).

Vos voies de recours étant à présent épuisées, vous êtes invités à quitter le territoire dans le mois à partir de la notification de la présente, faute de quoi il sera procédé à un éloignement forcé conformément à l’article 13 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire ».

A l’encontre de la décision ministérielle de rejet du 17 mai 1999 et de la lettre prérelatée du 24 août 2000, les époux KARAHASANOVIC-… ont fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation par requête déposée le 2 octobre 2000.

Le délégué du Gouvernement soulève l’irrecevabilité pour cause de tardiveté du recours, le délai de recours contentieux suite à l’introduction du recours gracieux ayant 2 expiré au plus tard le 2 décembre 1999. Il se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité d’un recours contre l’ordre de quitter le territoire formulé dans la décision litigieuse du 24 août 2000.

Au vœu de l’article 13 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, dans sa teneur applicable lors de l’émission de la décision ministérielle du 17 mai 1999, un recours à l’encontre d’une décision ministérielle de refus de reconnaissance du statut de réfugié devait être introduit dans le mois de la notification de la décision en cause.

En l’espèce, les parties sont en accord pour admettre que le recours gracieux introduit par courrier du mandataire des demandeurs du 1er juillet 1999, arrivé au ministère de la Justice le lendemain, fut introduit dans le délai de recours légal, le ministre indiquant dans sa décision également déférée du 24 août 2000 que la décision du 17 mai 1999, munie d’une instruction sur les voies de recours, conformément à l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, fut notifiée aux demandeurs en date du 10 juin 1999.

Il est constant en cause que le ministre n’a pas pris position face au recours gracieux des demandeurs avant de leur adresser la lettre précitée du 24 août 2000, laquelle ne s’analyse pas en une prise de position quant au recours gracieux introduit par les demandeurs, mais se confine à leur confirmer l’expiration des voies de recours à l’encontre de la décision ministérielle de refus du 17 mai 1999. Le seul élément décisionnel contenu dans ce courrier réside dans l’invitation à quitter le territoire dans le mois, laquelle constitue une décision d’application de l’article 13 de la loi prévisée du 3 avril 1996.

Or, conformément à l’article 11 alinéa 3 de l’arrêté royal grand-ducal du 21 août 1866 portant règlement de procédure devant le Conseil d’Etat, applicable au moment de l’édiction de la décision litigieuse du 17 mai 1999, un nouveau délai de recours a commencé à courir à partir de l’expiration du troisième mois depuis la présentation du recours gracieux à défaut d’une nouvelle décision intervenue jusqu’à ce moment. Il s’ensuit qu’en l’espèce, un nouveau délai de recours a commencé à courir à partir du 2 octobre 1999, soit trois mois après le dépôt du recours gracieux, pour expirer le 2 novembre 1999. Dans la mesure où le courrier ministériel précité du 24 août 2000 n’a pas pu ouvrir un nouveau délai de recours contre une décision de rejet concernant le statut de réfugié politique, le recours des demandeurs est tardif pour autant qu’ils entendent déférer au tribunal la décision ministérielle du 17 mai 1999 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique et encourt partant l’irrecevabilité de ce chef.

L’invitation à quitter le territoire contenue dans le courrier ministériel du 24 août 2000 constitue une décision fondée sur l’article 13 (1) de la loi précitée du 3 avril 1996 disposant que « si le statut de réfugié est refusé, soit au titre de l’article 10, soit au titre de l’article 12, le demandeur d’asile sera éloigné du territoire, en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ».

Ni la loi précitée du 3 avril 1996, ni aucune autre disposition légale n’instaurant un recours au fond à l’encontre de l’invitation à quitter le territoire national insérée dans la décision critiquée, seul un recours en annulation est admissible à son encontre.

Il s’ensuit que le tribunal est incompétent pour connaître de la demande formulée subsidiairement par les demandeurs tendant à la réformation de la décision ministérielle du 24 août 2000. En effet, si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour 3 connaître du recours (trib. adm. 28 mai 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 5, page 310, et autres références y citées).

Le recours en annulation contre la décision ministérielle du 24 août 2000 est ainsi recevable dans les limites ci-avant dégagées pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.

L’éloignement d’un étranger du territoire luxembourgeois peut être ordonné par le ministre sur base de l’article 12 alinéa 1er de la loi prévisée du 28 mars 1972 disposant que « peuvent être éloignés du territoire par la force publique, sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-verbal à adresser au ministre de la Justice les étrangers non autorisés à résidence : (..) 2) qui ne disposent pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ; 3) auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de la présente loi ; 4) qui ne sont pas en possession des papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis (..) ».

En l’espèce, l’ordre de quitter le territoire a été motivé par la considération que les demandeurs s’étaient vu refuser la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève et qu’ils étaient forclos à agir contre cette décision de refus.

Force est au tribunal de constater que les demandeurs développent au fond essentiellement des moyens relatifs à leur situation personnelle pour justifier dans leur chef l’existence d’une crainte légitime de persécution au sens de la Convention de Genève, lesquels doivent néanmoins être rejetés pour avoir été toisés par la décision ministérielle du 17 mai 1999 ayant acquis autorité de chose décidée. Ils opposent en outre à la décision ministérielle du 24 août 2000 sous analyse deux moyens tirés de la légalité externe de l’ordre de quitter le territoire.

Les demandeurs sollicitent en premier lieu l’annulation de la décision ministérielle du 24 août 2000 sur base d’un non-respect allégué de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes en ce que plus particulièrement cette décision se serait bornée à confirmer le rejet de leur demande d’asile sans aucune motivation relativement aux développements contenus dans leur recours gracieux.

Ce moyen tombe néanmoins à faux dans la mesure où ladite décision du 24 août 2000 ne comporte aucun élément décisionnel quant à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique.

Les demandeurs soutiennent encore que cette même décision devrait encourir l’annulation pour défaut d’indication des voies de recours ouvertes à son encontre.

L'article 14 du règlement grand-ducal précité du 8 juin 1979 fait obligation à l'administration d'informer l'administré des voies de recours. L'omission par l'administration de se conformer à cette obligation entraîne que les délais impartis pour les recours ne commencent pas à courir (trib. adm. 26 janvier 1998, Felten, n° 10244, Pas. adm. 1/2000, v° Procédure administrative non contentieuse, n° 67), mais n’est pas une cause de nullité de la décision.

Etant donné encore que les demandeurs n’invoquent pas, à un quelconque autre titre, un droit de séjourner au Grand-Duché, et qu’une décision ministérielle ayant acquis autorité de chose décidée retient qu’ils n’invoquent pas une crainte légitime de persécutions dans leur pays d’origine au sens de la Convention de Genève, il y a lieu de conclure que les moyens à 4 la base du recours sous analyse ne sont pas de nature à énerver la légalité de l’invitation à quitter le territoire prononcée à leur égard, de sorte que le recours est à rejeter comme non fondé dans cette mesure.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, déclare le recours irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre la décision ministérielle du 17 mai 1999, se déclare incompétent pour connaître de la demande en réformation de la décision ministérielle du 24 août 2000, reçoit le recours en annulation en la forme pour autant qu’il est dirigé contre l’invitation à quitter le territoire prononcée par décision du 24 août 2000, au fond, le déclare non justifié dans ce volet et en déboute, déclare le recours en annulation sans objet pour le surplus, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 février 2001 par:

M. RAVARANI, président, Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT s. RAVARANI 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12346
Date de la décision : 14/02/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-02-14;12346 ?

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