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14/02/2001 | LUXEMBOURG | N°11414

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 février 2001, 11414


Tribunal administratif N° 11414 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 1999 Audience publique du 14 février 2001

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Recours formé par la société à responsabilité limitée LOGINTER … contre 1) une décision du ministre de l’Intérieur 2) une délibération du conseil communal de Mersch 3) un arrêté du ministre de l’Environnement en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11414C du rôle et déposée au greffe de la Cour

administrative en date du 27 juillet 1999 par Maître André HARPES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Or...

Tribunal administratif N° 11414 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 27 juillet 1999 Audience publique du 14 février 2001

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Recours formé par la société à responsabilité limitée LOGINTER … contre 1) une décision du ministre de l’Intérieur 2) une délibération du conseil communal de Mersch 3) un arrêté du ministre de l’Environnement en matière de plan d’aménagement

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11414C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative en date du 27 juillet 1999 par Maître André HARPES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée LOGINTER…, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant à l’annulation 1.) de la décision du ministre de l’Intérieur du 2 avril 1999 approuvant la décision du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite, et refusant de faire droit à sa réclamation présentée et portant sur un terrain sis à Mersch, …, inscrit au cadastre sous le numéro xy, 2.) de ladite délibération du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997, ainsi que 3.) d’un arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998, approuvant la délibération du conseil communal de Mersch portant approbation définitive du plan d’aménagement général de la commune de Mersch ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Michelle THILL, demeurant à Luxembourg, du 23 juillet 1999, portant signification de ce recours à l’administration communale de Mersch;

Vu l’article 71 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives opérant la transmission au tribunal administratif sans autre forme de procédure du recours inscrit sous le numéro 11414C du rôle, y inscrit dorénavant sous le numéro 11414 du rôle ;

Vu les ordonnance et jugement du tribunal administratif des 27 septembre et 15 novembre 1999 constatant le maintien du recours au rôle et l’application des règles de procédure prévues par la loi du 21 juin 1999 précitée, conformément à son article 70 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 30 décembre 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Mersch ;

Vu la notification de ce mémoire en réponse au mandataire de la partie demanderesse par voie de télécopie en date du 28 décembre 1999 ;

Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal administratif du 26 janvier 2000 accordant une prorogation du délai légal jusqu’au 29 février 2000 pour déposer le mémoire en réponse pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 février 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2000 par Maître André HARPES au nom de la société LOGINTER… ;

Vu la notification de ce mémoire en réplique au mandataire de l’administration communale de Mersch par voie de télécopie en date du 21 mars 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maîtres Eric HUTTERT, en remplacement de Maître André HARPES, et Marianne MEYERS, en remplacement de Maître Georges PIERRET, de même que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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La société à responsabilité limitée LOGINTER…, dénommée ci-après la « société LOGINTER », est propriétaire d’un terrain sis à Mersch …, inscrit au cadastre de la commune de Mersch, section G de Mersch et y référencé sous le numéro xy. Lors de l’adoption provisoire du nouveau plan d’aménagement général de la commune de Mersch, parties écrite et graphique, en date du 28 juillet 1995, le conseil communal procéda au classement de la parcelle numéro xy en zone d’habitation, secteur des noyaux.

Par lettre du 14 septembre 1995, le mandataire de la société LOGINTER soumit une réclamation au collège des bourgmestre et échevins de la commune de Mersch dans laquelle il exposa que « cet immeuble [sis à Mersch,…] selon le PAG en vigueur, est classé en zone « secteur de densité forte ». Ma cliente a acquis cet immeuble en vue de la réalisation d’un projet immobilier respectant le règlement sur les bâtisses en vigueur au moment de l’achat de l’immeuble et à la finalité de l’avis même de la Commission d’Aménagement qui dans un avis a retenu que « la localité de Mersch devrait être considérée du point de vue urbanisme comme ville plutôt que la localité de caractère villageois ». Cependant le règlement sur les bâtisses du plan d’aménagement projeté s’avère être plus restrictive que la réglementation actuelle quant au degré de constructibilité de la « zone de forte densité ». Cette restriction par rapport à la réglementation actuelle constitue une atteinte grave et inéquitable aux droits acquis de ma cliente qui devra assumer une diminution du volume à construire. Afin d’éviter l’atteinte grave et inéquitable aux droits acquis et la diminution conséquente de la valeur du patrimoine de ma cliente, je vous prie de bien vouloir conserver la réglementation sur les bâtisses actuelle pour ce qui est des « zones de densité forte ». Pour ce qui est du principe ma 2 cliente se rallie à l’avis de la commission d’aménagement qui juge qu’il « serait opportun de prévoir au centre de Mersch une urbanisation plus dense et ceci moyennant une augmentation des profondeurs maximales des étages ainsi que des hauteurs des constructions à ériger ». En conclusion, ma cliente vous prie de bien vouloir suivre la commission d’aménagement et de revoir le projet de plan d’aménagement en vue d’une augmentation des volumes à construire en zone de forte densité. Cette révision du projet éviterait toute atteinte au patrimoine de ma cliente et comporterait le potentiel manifeste de réaliser un projet immobilier rendant le centre de Mersch plus attrayant respectivement face à sa concurrence manifeste ».

Par délibération du 29 janvier 1997, le conseil communal adopta définitivement le projet d’aménagement général et le collège échevinal, par courrier du 2 juin 1997, informa le mandataire de la société LOGINTER de ce qu’il a été décidé de « refuser la réclamation concernant l’immeuble…, inscrit sous le numéro xy ».

A la suite de ce refus, le mandataire de la société LOGINTER s’adressa en date du 12 juin 1997 au ministre de l’Intérieur en faisant valoir que « cet immeuble est situé en plein centre de Mersch. Bien que l’immeuble reste classifié en « secteur de forte densité », le règlement sur les bâtisses s’avère être beaucoup plus restrictif quant aux degrés de constructibilité. Cette restriction par rapport à la réglementation actuelle constitue une atteinte grave et inéquitable aux droits acquis de ma cliente qui devra assumer une diminution nette du volume à construire. (…) La présente réclamation comporte la demande à ce que les prescriptions actuellement retenues pour le secteur de forte densité soient maintenues respectivement que le règlement sur les bâtisses projeté soit mis en concordance avec l’avis de la commission d’aménagement pour comporter des profondeurs maximales des étages ainsi que des hauteurs des constructions à ériger en zone de forte densité ».

La commission d’aménagement près du ministère de l’Intérieur instituée en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, lors de ses séances des 14, 19 et 21 juillet 1995, émit un avis négatif concernant la réclamation de la société LOGINTER.

Par décision du 2 avril 1999, le ministre de l’Intérieur approuva la délibération du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du projet d’aménagement général, parties graphique et écrite, et il déclara recevables en la forme mais quant au fond non motivées à suffisance de droit les réclamations y énumérées, dont celle introduite pour compte de la société LOGINTER.

Le rejet de cette réclamation est motivée comme suit par la décision ministérielle en question : « il n’y a pas lieu de faire droit aux réclamations présentées portant sur les parcelles cadastrales nos xy et z sises à Mersch, aux lieux dits « … », respectivement «…», alors que les fonds en question sont effectivement classés en secteur du noyau respectivement en zone de moyenne densité comme d’ailleurs toutes les autres propriétés foncières se trouvant dans la même situation de fait ; que le classement répond de toute façon aux exigences d’un urbanisme cohérent et que dès lors le choix des autorités communales constitue une solution valable ».

Par requête déposée au greffe de la Cour administrative en date du 27 juillet 1999, la société LOGINTER a fait introduire un recours en annulation dirigé à la fois contre la décision précitée du ministre de l‘Intérieur du 20 [sic] avril 1999, approuvant la délibération du conseil communal de Mersch du 29 janvier 1997 portant adoption définitive du nouveau 3 projet d’aménagement général, contre cette dernière dans la mesure du rejet de ses objections présentées à travers ses réclamations, ainsi que contre un arrêté du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998.

L’administration communale de Mersch se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours.

Suivant une jurisprudence constante de la Cour administrative, les décisions communales et gouvernementales posées dans le cadre de l’adoption d’un plan d’aménagement général, suivant la procédure prévue par l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937, revêtent la qualité d’actes administratifs à caractère réglementaire, y compris ceux statuant de façon individualisée par rapport à des objections, voire réclamations émanant de parties intéressées. En effet, lesdites décisions ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des territoires qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever, leur imprégnant ainsi un caractère réglementaire (cf. Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Actes réglementaires, I Principes, n° 6, p. 25 et trib. adm. 2 février 2000, n°s 10929 à 10931 du rôle).

Conformément à l’article 7 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, telle qu’applicable au moment de l’introduction du recours, « la Cour administrative statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent ».

Dans la mesure où à travers la motivation du recours, ce dernier vise à critiquer des dispositions de la partie écrite du plan d’aménagement général et qui comportent un effet direct sur la situation patrimoniale des propriétaires concernés (cf. trib.adm. 19 juin 2000, n°10009 du rôle, Barthelemy), la Cour administrative était compétente, au jour de l’introduction du recours sous examen, pour en connaître, cette compétence ayant été dévolue au tribunal administratif en vertu de l’article 71 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

L’affaire sous analyse n’ayant pas encore été instruite à la date de l’entrée en vigueur de ladite loi du 21 juin 1999, elle fut transmise en vertu de son article 71 au tribunal administratif sans autre forme de procédure pour y revêtir le numéro du rôle 11414.

Concernant la demande en annulation introduite à l’encontre de la décision du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998, force est de constater que cette dernière n’est pas visée par le dispositif de la requête introductive d’instance et que cette requête ne contient par ailleurs aucun moyen d’annulation directement dirigé à son encontre, de sorte que cette demande est à rejeter.

Pour le surplus, le tribunal est compétent aux termes de l’article 7 de la loi précitée du 7 novembre 1996 pour statuer en tant que juge de l’annulation en la matière. Par ailleurs, le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la société LOGINTER fait valoir que le ministre de l’Intérieur se serait borné à donner une motivation abstraite à l’appui de sa décision, de sorte que sa décision devrait encourir l’annulation pour absence de toute indication concrète permettant d'apprécier la réalité et la pertinence des motifs à sa base.

4 Elle relève encore que la commission d’aménagement aurait retenu dans son avis du 21 juillet 1995 qu’« il serait opportun de prévoir au centre de Mersch une urbanisation plus dense et ceci moyennant une augmentation des profondeurs maximales des étages ainsi que des hauteurs des constructions à ériger ». Elle en conclut que « la décision du conseil communal et celle du ministre de l’Intérieur l’approuvant sont donc contraires aux objectifs de tout plan d’aménagement général soucieux d’un développement harmonieux » et que les décisions seraient ainsi contraires à l’intérêt général.

Elle considère encore que la décision du conseil communal de Mersch, en imposant aux terrains appartenant à la société LOGINTER un « règlement sur les bâtisses beaucoup plus contraignant », ayant pour effet de diminuer le volume constructible, reviendrait à faire supporter, au nom de l’intérêt général, une charge particulière à un seul membre de la collectivité qui, du fait de cette mesure administrative, aurait subi une dépréciation considérable de son patrimoine. Elle conclut que le principe de l’égalité devant les charges publiques aurait ainsi été rompu.

Le mandataire de l’administration communale de Mersch relève que le recours est dirigé contre la décision d’approbation du ministre et que le ministre a le pouvoir d’approuver ou de refuser l’approbation d’une délibération du conseil communal. Il fait valoir que le pouvoir de tutelle du ministre l’obligerait de vérifier la conformité de la décision de l’autorité communale à la loi et à l’intérêt général. En l’espèce, il estime que l’autorité communale n’avait en vue que l’intérêt général consistant à ce qu’« un aménagement cohérent et valable soit garanti aux habitants de la commune de Mersch ». Il conclut en se rapportant « à la prudence du tribunal administratif quant à la régularité formelle de la décision ministérielle qui ne saurait en aucune façon contrarier la régularité formelle de la décision communale ».

Le délégué du gouvernement fait valoir que le fonds litigieux serait situé dans un ensemble de parcelles classées en secteur des noyaux. Ce classement permettrait un aménagement cohérent des terrains longeant la rue Grande-Duchesse Charlotte. Un reclassement ponctuel des fonds de la demanderesse ne correspondrait aucunement à un urbanisme bien conçu et serait partant contraire à l’intérêt général. Il considère en outre que les règles établies pour le secteur des noyaux correspondraient parfaitement aux règles de l’art et ne seraient en aucun cas trop restrictives.

Concernant la prétendue violation du principe de l’égalité devant les charges publiques, le représentant étatique relève que le classement intervenu revêtirait un caractère réglementaire et serait applicable à tous les administrés se trouvant dans la même situation. Il expose par ailleurs que la révision et la modification du plan d’aménagement général seraient expressément prévues par l’article 5 de la loi précitée du 12 juin 1937, de sorte que les administrés ne pourraient invoquer un droit acquis concernant l’existence de règles contenues dans un plan d’aménagement général antérieur.

Dans son mémoire en réplique, la société LOGINTER soulève qu’il y aurait violation de la loi pour absence de motifs, le conseil communal de Mersch n’ayant pas indiqué de motifs concernant la nécessité d’un «reclassement » et d’une modification de la partie écrite du plan d’aménagement général.

Elle estime encore que le délégué du gouvernement n’aurait pas fourni une justification concernant « le reclassement des parcelles en question, (…) que l’administration reste en défaut de donner des motifs valables pour la modification notamment des 5 profondeurs maximales des étages ainsi que les hauteurs des constructions à ériger en zone de forte densité, que cette modification du règlement sur les bâtisses ne correspond en aucun cas à un urbanisme bien conçu ». Elle insiste sur le fait que la modification du « règlement sur les bâtisses » aurait été réalisée en contradiction avec l’avis de la commission d’aménagement. En se basant sur l’avis précité, elle conclut que l’administration communale de Mersch devrait concentrer un nombre plus élevé d’habitations dans les centres des localités afin de sauvegarder les milieux naturels qui ne devraient pas être affectés à une urbanisation.

La modification du « règlement sur les bâtisses aurait partant violé les principes de tout aménagement du territoire soucieux d’un développement durable ».

Il est constant que ni la partie graphique ni la partie écrite du plan d’aménagement général de la commune de Mersch ne contiennent une zone dite de « forte densité », de sorte que les objections et réclamations introduites par la société LOGINTER, mentionnant le classement de son terrain en zone de « forte densité », ont à juste titre été requalifiées par les autorités compétentes pour avoir retenu que le terrain litigieux est situé dans le secteur des noyaux. Il est encore constant que l’ancien plan d’aménagement de la commune ne contenait pas non plus une zone dite de forte densité, mais une zone d’habitation intitulée « les secteurs centraux », qui correspond selon le nouveau plan d’aménagement au « secteur des noyaux ».

La question litigieuse ne porte dès lors pas sur le reclassement du terrain concerné dans une autre zone, mais les réclamations et objections présentées ont trait à la modification de certaines dispositions contenues dans la partie écrite du plan d’aménagement, lesdites modifications ayant eu pour effet de diminuer, dans le secteur des noyaux, le degré de constructibilité, notamment par la réduction de la profondeur des étages et de la hauteur des constructions.

La société LOGINTER soutient en substance que ni le conseil communal ni le ministre, qui aurait entériné les conclusions du conseil communal, n’auraient valablement motivé leurs décisions de diminuer au centre de Mersch le degré de constructibilité, ce qui équivaudrait à une absence de motivation entraînant que ni la demanderesse ni le tribunal ne sauraient vérifier l’exactitude et la validité des motifs en question par rapport aux dispositions légales et réglementaires applicables.

Tout acte administratif et, plus particulièrement, toute décision administrative doit reposer sur un motif, dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir. Cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître les motifs qui les ont guidées dans leur décision.

En l’espèce, le tribunal constate que les décisions prises par respectivement le conseil communal et le ministre de l’Intérieur fournissent comme motif à la base du changement des dispositions réglementaires en cause que « les fonds en question sont effectivement classés en secteur du noyau respectivement en zone de moyenne densité comme d’ailleurs toutes les autres propriétés foncières se trouvant dans la même situation de fait ; que le classement répond aux exigences d’un urbanisme cohérent. Dès lors le choix des autorités communales constitue une solution valable ». Le motif se trouvant à la base du changement des dispositions réglementaires en cause, tiré d’un urbanisme cohérent, ressort par ailleurs de la définition donnée à l’article 3.1 du secteur des noyaux aux termes duquel « … Les constructions nouvelles, les transformations et les modifications de constructions doivent 6 s’intégrer dans la structure bâtie existante et caractérisée par la volumétrie, la proportionnalité, l’implantation des volumes, ainsi que la conception, la verticalité des ouvertures et éléments structurants et décoratifs des façades et les matériaux des façades d’origine (construites avant 1919) ».

Il résulte des considérations qui précèdent que le reproche d’une absence de motifs est à rejeter.

Même si en vertu de l’article 5 de la loi précitée du 12 juin 1937, les projets d’aménagement peuvent être révisés et modifiés, les parties intéressées ne possédant aucun droit acquis en la matière (J.Cl. Adm. Fasc. 445-35, n36), les changements y apportés ne doivent néanmoins pas s’opérer de manière arbitraire, mais doivent résulter de considérations d’ordre urbanistique et répondre à une finalité d’intérêt général.

Il convient dès lors d’examiner en l’espèce si le motif invoqué peut légalement justifier l’intervention de dispositions réglementaires plus restrictives dans le secteur de moyenne densité, étant entendu que la mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d’opportunité à la base de l’acte administratif attaqué.

Compte tenu de la mutabilité intrinsèque des situations générales, due aux changements de circonstances de fait et de droit, les actes réglementaires ne créent, en principe, que des droits précaires et maintiennent dans le chef de l’autorité administrative, le pouvoir soit de changer soit d’abroger un acte réglementaire, en faisant usage des pouvoirs qui lui sont conférés dans l’exercice de sa mission. Dans cette optique, l’invocation de l’intérêt général motivé par un urbanisme cohérent peut justifier des changements dans la partie écrite d’un plan d’aménagement général.

En l’espèce, ce motif, susceptible de justifier les décisions déférées, n’est pas contredit par la société LOGINTER qui n’apporte aucun élément qui prouverait que l’administration, en changeant les dispositions litigieuses du plan d’aménagement général, aurait agi dans un but autre que l’intérêt général et elle ne fournit non plus une raison pour laquelle elle considère que ces changements n’aboutiraient pas à un urbanisme cohérent, étant donné que la parcelle faisant l’objet du présent litige, loin d’être soumise à une charge particulière imposée à un seul membre de la collectivité, fait partie d’un ensemble cohérent comptant un nombre important de parcelles construites et non construites, également soumises au même régime urbanistique.

Cette conclusion ne saurait être énervée par l’avis de la commission d’aménagement, préconisant une politique d’urbanisation plus dense, étant donné que cet avis n’a qu’un caractère consultatif et il ne suffit pas à imprégner un caractère illégal ou un détournement de pouvoir au choix politique effectué par la commune et approuvé par l’autorité de tutelle.

Comme la modification des dispositions du plan d’aménagement général relève de l’opportunité politique et comme par ailleurs la société LOGINTER n’a pas rapporté la preuve que le changement de certaines dispositions aurait été effectué dans un but autre que l’intérêt général, le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, 7 le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours irrecevable dans la mesure où il a été dirigé contre la décision du ministre de l’Environnement du 20 novembre 1998 ;

pour le surplus, reçoit le recours en annulation en la forme ;

dit le recours non fondé et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais de l’instance.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 14 février 2001 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11414
Date de la décision : 14/02/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-02-14;11414 ?

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