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12/02/2001 | LUXEMBOURG | N°12060

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 février 2001, 12060


Tribunal administratif N° 12060 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2000 Audience publique du 12 février 2001

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Recours formé par Madame … KARPENKO, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12060 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 juin 2000 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tabl

eau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KARPENKO, étudiante, née le …, de nationa...

Tribunal administratif N° 12060 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 juin 2000 Audience publique du 12 février 2001

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Recours formé par Madame … KARPENKO, … contre une décision du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12060 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 juin 2000 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … KARPENKO, étudiante, née le …, de nationalité ukrainienne, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 24 septembre 1999 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une autorisation de séjour provisoire de douze mois pour étudiants ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 juin 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 septembre 2000 par Maître Pierrot SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Pierrot SCHILTZ et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 janvier 2001.

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Madame … KARPENKO entra sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en date du 24 janvier 1999 moyennant un visa Schengen valable jusqu’au 24 février 1999. Ledit visa fut prorogé en date du 4 mars 1999 pour une période allant jusqu’au 24 avril 1999.

Madame KARPENKO s’est inscrite au Centre de Langues Luxembourg (CLL) en date du 20 juin 1999 et y a suivi des cours de langue française pendant la période du 31 mai 1999 au 8 juillet 1999 à raison de dix heures par semaine.

Par courrier datant du 4 mai 1999, Monsieur …, demeurant à L-…, s’adressa au ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération pour solliciter la prolongation jusqu’au 30 mai 1999 de la validité du visa de Madame KARPENKO tout en signalant que pour la durée de la prolongation du séjour envisagée, il prendrait en charge les frais afférents de cette dernière.

Par courrier datant du 30 juin 1999, Madame KARPENKO s’adressa au ministre de la Justice en vue de se voir « délivrer un visa de long séjour » pour couvrir son séjour au Luxembourg jusqu’au 20 juillet 1999 et de lui permettre ainsi de poursuivre, dans une situation administrative régulière, ses cours de français auprès du CLL.

Par décision du 6 juillet 1999, le ministre de la Justice informa Madame KARPENKO de ce qui suit « En réponse à votre demande du 30 juin 1999, j’ai l’honneur de vous informer que je suis exceptionnellement d’accord à vous octroyer l’autorisation de résider au Luxembourg, jusqu’au 20 juillet 1999. Je vous informe que cette autorisation n’est pas prorogeable ».

Par courrier datant du 10 septembre 1999, Madame KARPENKO s’adressa encore une fois au ministre de la Justice pour solliciter l’octroi d’une autorisation de séjour provisoire pour étudiants d’une durée de douze mois en vue de poursuivre ses études au CLL. Elle se référa à cet égard à une circulaire du ministre datée du 28 août 1998 fixant les conditions pour l’octroi d’une autorisation de séjour provisoire pour étudiants.

Par décision datant du 24 septembre 1999, le ministre refusa de faire droit à cette demande en faisant valoir « que l’inscription au Centre de Langues est dorénavant réservée aux personnes disposant déjà d’une autorisation de séjour au Luxembourg ».

Madame KARPENKO fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée par courrier datant du 20 décembre 1999. Ce recours n’ayant pas fait l’objet d’une décision de la part du ministre dans les trois mois suivant son introduction, Madame KARPENKO a fait introduire, par requête déposée le 19 juin 2000, un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision ministérielle prérelatée du 24 septembre 1999.

Dans la même mesure où, conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il ne peut y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive, la note de plaidoiries déposée par la partie demanderesse en date du 29 janvier 2001, constitutive en fait d’un mémoire en triplique, ne saurait être prise en considération en l’espèce.

Aucun recours en réformation n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière.

Quant au recours en annulation introduit à titre principal, le délégué du Gouvernement soulève d’abord le moyen de l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse, en faisant valoir que Madame KARPENKO avait sollicité une 2 autorisation de séjour pour suivre des études, que cette autorisation lui avait été refusée, mais que le refus ministériel d’une telle autorisation ne l’aurait pas empêchée de suivre néanmoins ses études ainsi qu’en témoigneraient les attestations de scolarité versées en cause, de sorte qu’à l’heure actuelle elle n’aurait plus aucun intérêt à demander l’annulation de la décision de refus déférée.

Même si l’annulation d’une décision administrative ne saurait avoir un effet concret, le demandeur garde néanmoins un intérêt à obtenir une décision de la part de la juridiction administrative relativement à la légalité de la mesure, puisqu’en vertu d’une jurisprudence constante des tribunaux judiciaires, respectivement la réformation ou l’annulation des décisions administratives individuelles constitue une condition nécessaire pour la mise en œuvre de la responsabilité des pouvoirs publics du chef du préjudice causé aux particuliers par les décisions en question (cf. trib. adm. 24.1.1997, n° 9774 du rôle, Pas. adm. 01/2000, V° Procédure contentieuse, n° 6 et autres références y citées).

Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen tendant à l’irrecevabilité du recours n’est pas fondé.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse fait valoir que la motivation à la base de la décision déférée, à savoir que l’inscription au CLL serait dorénavant réservée aux personnes disposant déjà d’une autorisation de séjour au Luxembourg, manquerait en fait alors qu’elle aurait été régulièrement inscrite au CLL depuis le 31 mai 1999 et que son inscription pour l’année 1999-2000 lui aurait été confirmée définitivement par la suite. Elle en déduit que la décision déférée reposerait sur une erreur manifeste d’appréciation constitutive d’une violation de la loi. Elle signale en outre avoir adressé un dossier complet au ministère de la Justice en vue de se voir octroyer l’autorisation de séjour litigieuse et de s’être ainsi conformée aux exigences du ministère de la Justice en la matière plus particulièrement concernée du droit de séjour des étudiants étrangers au pays telles que résultant du formulaire afférent lui remis à cet effet. Elle estime dès lors que la décision critiquée contreviendrait aux exigences d’une conduite raisonnable et omettrait de tenir compte de la pratique constante suivie antérieurement, de manière à porter atteinte à sa légitime confiance dans une pratique antérieurement suivie conformément aux règles que l’administration se serait imposée à elle-

même.

Dans son mémoire en réponse le délégué du Gouvernement fait valoir que ce serait à juste titre que le ministre a refusé de faire droit à la demande présentée par Madame KARPENKO au motif qu’elle ne disposerait pas des papiers de légitimation prescrits et de visa, en faisant valoir que la demanderesse aurait été en situation irrégulière lors de son inscription au CLL en mai 1999, étant donné que son visa aurait perdu sa validité. Il relève en outre que le ministre n’aurait aucune obligation de régulariser un étranger en situation irrégulière et, concernant le moyen tenant aux exigences d’une conduite raisonnable, il expose que si dans le passé des étudiants ont été autorisés à suivre des cours de langue, il aurait d’abord fallu que les demandes afférentes soient introduites à partir du pays d’origine. Il signale par ailleurs que l’expérience aurait montré que le motif du perfectionnement dans les langues aurait été très souvent un moyen de prendre pied au Luxembourg et de s’y mettre à la recherche d’un emploi, de sorte que le ministre aurait décidé que seules des autorisations en vue de suivre des études au Centre Universitaire ou à l’Institut Supérieur de Technologie 3 seraient susceptibles d’être accordées, les cours de perfectionnement de langues ne pouvant au contraire plus être pris en considération à moins qu’il ne s’agisse de la poursuite d’études faites en conformité avec la loi sur l’entrée et le séjour, c’est-à-dire dûment autorisées par un permis de séjour valable.

Il y a lieu de relever de prime abord que le rôle du juge administratif, en présence d’un recours en annulation, consiste à vérifier le caractère légal et réel des motifs invoqués à l’appui de l’acte administratif attaqué (cf. trib. adm. 11 juin 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en annulation, n° 9 et autres références y citées). En outre, la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait existant au jour où elle a été prise (trib. adm. 27 janvier 1997, op. cit. n° 12, et autres références y citées).

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant : 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, dispose que : « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : - qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis, (…) ».

Dans la mesure où ni l’article 2 précité, ni une quelconque autre disposition légale ou réglementaire ne prévoit une exception ou exemption en faveur des étudiants et qu’il n’existe pas de réglementation spécifique qui leur serait applicable, les exigences dudit article sont appelées à s’appliquer nécessairement et dans toute leur rigueur aux étudiants (cf. trib. adm. 2 juin 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, 2. Autorisation de séjour – Expulsion, n° 88 et autre référence y citée). Il s’ensuit qu’une pratique administrative antérieure plus flexible à l’égard des étudiants étrangers résidant et poursuivant des études de langue au Luxembourg telle qu’alléguée par la demanderesse, ne saurait être utilement invoquée en l’espèce, étant donné que le principe général du droit de la confiance légitime qui protège les administrés contre des changements brusques et imprévisibles de l’administration ne peut trouver application que si la pratique antérieure suivie par l’administration, fût-elle renseignée dans un formulaire destiné directement aux administrés concernés, était conforme à la loi.

En l’espèce, il est constant que la demanderesse s’est adressée en date du 10 septembre 1999 au ministre de la Justice non pas à partir de son pays d’origine, mais à partir du territoire du Grand-Duché sur lequel elle indique être entrée moyennant un premier visa touristique en date du 24 janvier 1999. Il est encore constant au vu des pièces versées au dossier que son visa, après avoir été prorogé en date du 4 mars 1999 pour une période allant jusqu’au 24 avril 1999 n’a plus été prorogé par la suite, de même que l’autorisation de séjour provisoire lui accordée à titre exceptionnel par décision du ministre de la Justice en date du 6 juillet 1999 a expiré à son tour en date du 20 juillet 1999.

Il est dès lors constant à partir des faits ainsi dégagés que tant en date du 10 septembre 1999, lorsque la demanderesse s’est adressée au ministre en vue de se voir délivrer une nouvelle autorisation de séjour provisoire pour étudiants, qu’en date du 24 septembre 1999, jour où la décision litigieuse fut prise, Madame KARPENKO ne disposait ni d’un visa, ni d’un autre titre légitimant son séjour au Luxembourg au regard de la législation applicable en la matière.

Cette conclusion ne saurait être énervée par les considérations avancées par la demanderesse dans son mémoire en réplique relatives au fait que ce n’aurait été que de manière tardive qu’elle aurait été informée que le ministre de la Justice était l’autorité compétente en la matière, étant donné qu’abstraction même faite de ce que le ministre de la 4 Justice s’est effectivement prononcé sur la demande de Madame KARPENKO par décision du 6 juillet 1999, la décision actuellement litigieuse n’est pas celle du 6 juillet 1999, mais celle distincte et postérieure datant du 24 septembre 1999 statuant sur une demande de Madame KARPENKO formulée par courrier du 10 septembre 1999. Il s’ensuit que les moyens de la demanderesse relatifs aux préalables administratifs à la décision du 6 juillet 1999 ne sont pas pertinents dans le cadre du présent litige.

Pour conclure encore qu’elle n’aurait pas été en situation irrégulière au sens de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, la demanderesse s’empare dans son mémoire en réplique des dispositions de l’article 4 de cette loi pour soutenir qu’en l’absence de règlement grand-

ducal d’exécution pris à la date d’aujourd’hui, déterminant la période maximale au-delà de laquelle un étranger doit avoir obtenu une autorisation de séjour sous peine de se trouver en séjour irrégulier, aucune conséquence en droit ne pourrait être tirée de cette lacune, étant donné que le fait générateur conditionnant la qualification juridique du séjour irrégulier serait constitué précisément par l’absence d’obtention d’un titre de séjour après cette période maximale à déterminer.

Force est de constater qu’au-delà de toute considération tenant à la possibilité de résider pendant une certaine période au pays sans avoir obtenu une autorisation de séjour, l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précité, expressément invoqué à la base de la décision déférée, prévoit de manière claire et sans la moindre ambiguïté que le séjour au Grand-Duché peut être refusé à l’étranger qui est dépourvu de papiers de légitimation prescrits et de visa si celui-ci est requis, de sorte que le ministre a valablement pu se baser sur cette seule disposition légale pour refuser une autorisation de séjour à la demanderesse.

Par ailleurs le règlement grand-ducal modifié du 28 mars 1972 relatif aux formalités à remplir par les étrangers séjournant au pays constitue précisément le règlement d’exécution de l’article 4 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée invoqué par la demanderesse, et, aux termes de l’article 4 dudit règlement grand-ducal, l’étranger qui souscrit une demande de carte d’identité d’étranger parce qu’il se propose de résider au Grand-Duché pendant plus de trois mois doit présenter à l’appui de sa demande « le document de voyage sous le couvert duquel il est entré sur le territoire muni, le cas échéant, de l’autorisation de séjour », de manière à avoir à justifier tant de la régularité de son entrée sur le territoire luxembourgeois, non contestée en l’espèce, que de la légitimation de son séjour par la suite au pays moyennant un document de voyage ou une autorisation de séjour valables.

Or, il est constant en l’espèce que la demanderesse, bien qu’entrée au Luxembourg moyennant un visa valable et ayant séjourné, au-delà de la période couverte par son visa touristique, également pendant la période du 6 au 20 juillet 1999 de manière régulière au Luxembourg, se trouvait néanmoins en séjour irrégulier au pays au moment où la décision litigieuse est intervenue, de sorte que la décision de refus ministériel déférée se trouve légalement justifiée sur la seule base de l’article 2 de la loi précitée du 28 mars 1972.

Le recours en annulation est partant à rejeter comme n’étant pas fondé sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués.

5 Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

écarte des débats la note de plaidoiries déposée à l’audience du 29 janvier 2001 par le mandataire de la partie demanderesse ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 février 2001 par :

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12060
Date de la décision : 12/02/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-02-12;12060 ?

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