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07/02/2001 | LUXEMBOURG | N°12752

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 février 2001, 12752


Tribunal administratif N° 12752 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2001 Audience publique du 7 février 2001

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Recours formé par Monsieur … PLANIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12752 et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2001 par Maître Marc LUCIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembo

urg, au nom de Monsieur … PLANIC, né le … à Tuzla (Yougoslavie), sans état particulier, de nationalité ...

Tribunal administratif N° 12752 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 10 janvier 2001 Audience publique du 7 février 2001

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Recours formé par Monsieur … PLANIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12752 et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2001 par Maître Marc LUCIUS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … PLANIC, né le … à Tuzla (Yougoslavie), sans état particulier, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 13 octobre 2000, notifiée le 12 décembre 2000, par laquelle ledit ministre a déclaré irrecevable la demande en reconnaissance du statut de réfugié politique introduite par le demandeur le 21 septembre 2000;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 22 janvier 2001 portant signification de ce recours à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2001;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Marc LUCIUS, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 20 octobre 1998, Monsieur … PLANIC, né le … à Tuzla (Yougoslavie), sans état particulier, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des 1 réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Suite à un avis défavorable de la commission consultative pour les réfugiés, le ministre de la Justice rejeta cette demande par décision du 5 janvier 2000, notifiée le 27 janvier 2000.

Aucun recours gracieux ou contentieux ne fut introduit à l’encontre de cette décision.

Par lettres de son mandataire en date des 21 septembre et 22 novembre 2000, Monsieur PLANIC introduisit une nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié politique.

Par décision du 13 octobre 2000, notifiée le 12 décembre 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur PLANIC de ce que sa demande était irrecevable. Ladite décision est libellée comme suit: « (…) J’ai l’honneur de me référer à votre nouvelle demande en obtention du statut de réfugié politique sur base de l’article 15 (1) du texte coordonné de la loi du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile et 2.

d’un régime de protection temporaire, introduite par l’intermédiaire de votre avocat, Me Marc LUCIUS, en date du 21 septembre 2000.

Vous exposez d’abord comme motif de cette nouvelle demande le fait que la procédure disciplinaire ouverte à votre encontre par le Ministère des Affaires Intérieures de la République de Serbie, arrêtée par décision du tribunal disciplinaire le 19 août 1998, n’ait été qu’interrompue au motif que vous n’êtes pas accessible aux autorités compétentes, et que partant, vous risqueriez d’être condamné à votre retour pour transgression grave de vos obligations et de vos devoirs professionnels sur base de l’article 50, alinéa 1er, points 1 et 7 de la loi sur les affaires intérieures.

Vous précisez par ailleurs que lors de vos auditions par un agent du Ministère de la Justice en date du 9 avril 1999 et du 8 juillet 1999, vous n’avez pas mentionné la procédure disciplinaire, la considérant comme terminée. Vous versez à votre dossier une lettre de votre avocat yougoslave, D. G., attestant que le procès est toujours en cours.

Je me dois tout d’abord de constater que vous avez quitté votre emploi de votre plein gré, ce qui a amené le tribunal disciplinaire à arrêter la procédure engagée à votre encontre, celle-ci étant devenue sans objet. Il me paraît d’autant plus incrédible que le même tribunal ait procédé à une réouverture du procès, le déclarant que momentanément interrompu au motif que vous n’êtes pas accessible, alors que l’arrêt de la procédure est intervenue à un moment où vous vous trouviez encore sur le territoire de la Yougoslavie, donc à la disposition des autorités compétentes.

Concernant le deuxième motif à l’appui de votre demande, à savoir l’appel de l’armée du 13 mai 2000 de vous présenter à l’unité militaire V.P. 21/27 de Belgrade, appel auquel vous n’avez pas répondu, je souligne que l’insoumission n’est pas un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être victime de persécution au sens de la Convention de Genève. Par ailleurs, une situation de paix s’est installée dans la région et il n’est pas établi que l’accomplissement d’obligations militaires au sein de l’armée fédérale yougoslave entraînerait actuellement la participation à des actions militaires que des raisons de conscience valables justifieraient de refuser.

2 Je suis au regret de ne pas pouvoir donner une suite favorable à votre nouvelle demande en obtention du statut de réfugié, ceci en conformité avec l’article 15, (1) de la loi du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile et 2. d’un régime de protection temporaire, qui qualifie « … comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après la décision négative prise au titre des articles 10 et 11 … ».

Je dois en effet conclure qu’il n’y a pas d’éléments nouveaux qui pourraient, en ce qui vous concerne, laisser conclure à une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Je ne peux donc que confirmer les termes de ma lettre du 5 janvier 2000, notifiée le 27 janvier 2000. Votre nouvelle demande est par conséquent déclarée irrecevable. (…) ».

Par requête déposée en date du 10 janvier 2001, Monsieur PLANIC a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du ministre de la Justice du 13 octobre 2000.

En vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, applicable par renvoi de l’article 15, paragraphe (2) de la même loi, un recours en annulation peut être dirigé contre les décisions par lesquelles une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été déclarée irrecevable dans le mois à partir de la notification de la décision en question.

Le recours en annulation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur expose que depuis le début de l’année 1993, il aurait été membre de la police serbe à Belgrade - faisant partie de l’armée serbe - et qu’il aurait porté le grade d’un « sergent de ville de première classe », que lors du début de la guerre au Kosovo, son unité aurait été affectée au Kosovo pour participer à son invasion, qu’étant donné qu’il aurait refusé de participer à cette guerre, il aurait refusé de se rendre au Kosovo, ce qui aurait provoqué l’ouverture d’une procédure disciplinaire devant le « tribunal disciplinaire du ministère des affaires intérieures de la République de la Serbie ». En raison de cet état des choses, il aurait préféré démissionner de son poste. Il ajoute qu’« après l’arrêt de cette procédure en date du 19.08.1998 il a accédé au Grand-Duché de Luxembourg alors que ses parents y avaient vécu de 1971 à 1986 et qu’y demeurant depuis plus de 30 ans ses oncle et tante lui ont offert l’hospitalité ». Il relève spécialement que, lors de l’instruction de sa première demande d’asile, il n’aurait pas « mentionné le procès disciplinaire parce qu’il le considérait comme étant terminé ». Cependant, à l’heure actuelle, se basant sur une attestation d’un avocat yougoslave en date du 24 mai 2000 et un courrier adressé à son mandataire « postérieurement au 8.11.2000 », il expose qu’il aurait appris que la procédure disciplinaire menée à son encontre n’aurait été qu’interrompue parce qu’il n’aurait pas été « accessible » et qu’elle pourrait reprendre dès son retour dans son pays d’origine. En outre, il expose avoir appris l’existence d’un procès pénal qui serait également poursuivi à son encontre du chef de 3 son refus d’obéissance et qu’il risquerait une peine d’emprisonnement de 3 à 10 ans. Dans ce contexte, le demandeur produit entre autres une convocation « pour participer à l’exercice militaire » datée du 13 mai 2000 et il se réfère à l’attestation précitée de son mandataire yougoslave.

Sur ce, le demandeur conclut que « si les faits à lui reprochés sont antérieurs à la première décision ministérielle, [il] (…) a considéré à cette époque la procédure disciplinaire comme étant terminée et ignoré l’existence d’un procès pénal contre lui et comme à l’heure actuelle il se trouve donc dans une situation objective et subjective différente de celle ayant existé par le passé, sa demande du 21.09.2000 » aurait à tort été déclarée irrecevable et que le statut de réfugié politique aurait dû lui être reconnu.

La demande formulée oralement lors des plaidoiries par le mandataire de Monsieur PLANIC tendant à voir instituer une « commission rogatoire » afin de faire contrôler à Belgrade le caractère véridique des attestations faites par le mandataire yougoslave du demandeur doit être déclarée irrecevable étant donné que, abstraction faite de toutes autres considérations, elle n’a pas figuré dans un mémoire écrit alors que la procédure devant les juridictions administratives est essentiellement écrite.

En vertu de l’article 15 paragraphe (1) de la loi précitée du 3 avril 1996 « le ministre de la Justice considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après une décision négative prise au titre des articles 10 et 11 qui précèdent [de la loi précitée du 3 avril 1996] ».

Concernant les deux volets de l’argumentation du demandeur, à savoir les risques liés à l’existence de la procédure disciplinaire qui serait toujours pendante en Yougoslavie à son encontre ainsi que la procédure entamée devant les juridictions pénales pour insoumission, il convient de conclure que si le demandeur fait certes état d’éléments qui sont à qualifier de nouveaux par rapport à la décision initiale prise le 5 janvier 2000 par le ministre de la Justice, à savoir l’information que la procédure disciplinaire risquerait d’être continuée en cas de retour au pays de Monsieur PLANIC, sa convocation du 13 mai 2000 et l’ouverture d’une procédure pénale pour insoumission, cependant force est de constater que lesdits éléments nouveaux ne sont pas de nature à constituer de sérieuses indications susceptibles d’établir une crainte actuelle sérieuse de persécution dans le chef de Monsieur PLANIC du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, ni la non obéissance en rapport avec le refus du demandeur d’être affecté au Kosovo et sa démission de la police serbe de Belgrade ni encore l’insoumission suite à sa convocation ne sont pas, en elles-mêmes, des motifs justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elles ne sauraient, à elles seules, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève.

4 En outre, il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que Monsieur PLANIC risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, que des traitements discriminatoires risquaient ou risquent de lui être infligés, ou encore que la condamnation qu’il risque d’encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Il s’ensuit qu’à défaut d’avoir été en possession d’éléments nouveaux contenant de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève au sens de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 3 avril 1996, le ministre de la Justice a, à bon droit, pu déclarer irrecevable la demande nouvelle introduite auprès de lui par le demandeur en vue de la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

déclare irrecevable la demande orale tendant à voir instituer une « commission rogatoire » ;

au fond déclare le recours non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, M. Campill, premier juge, Mme. Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 7 février 2001, par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12752
Date de la décision : 07/02/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-02-07;12752 ?

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