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07/02/2001 | LUXEMBOURG | N°11980

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 février 2001, 11980


Tribunal administratif N° 11980 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2000 Audience publique du 7 février 2001

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Recours formé par Monsieur … BUSSE contre une décision du ministre de la Justice en matière de carte d’identité d’étranger

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 5 mai 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc BOEVER, avocat à la Cour, assisté de Maître Olivier LANG, avocat, tous les deux inscrits au tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BUSSE, de nationalité suisse, né le … à …, ...

Tribunal administratif N° 11980 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2000 Audience publique du 7 février 2001

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Recours formé par Monsieur … BUSSE contre une décision du ministre de la Justice en matière de carte d’identité d’étranger

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 5 mai 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc BOEVER, avocat à la Cour, assisté de Maître Olivier LANG, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … BUSSE, de nationalité suisse, né le … à …, avec adresse indiquée à L-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Justice du 16 mars 2000 lui refusant le renouvellement de la carte d’identité d’étranger ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 août 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Oliver LANG ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … BUSSE, de nationalité suisse, né le … à …, avec adresse indiquée à L-…, réside au Luxembourg depuis 1987 où il a bénéficié d’une carte d’identité d’étranger jusqu’au 31 mai 1998. Le 26 février 1998, Monsieur BUSSE sollicita le renouvellement de sa carte d’identité d’étranger.

A cet effet, le ministère de la Justice sollicita des renseignements notamment quant à la situation actuelle de Monsieur BUSSE et sur sa résidence effective au pays.

Il ressort d’un rapport de la brigade de gendarmerie d’Echternach du 15 avril 1998 que « Der Interessant konnte trotz mehrfacher Versuche meinerseits nicht an umseitig erwähnter Adresse (…) getroffen werden. Gemäss Auskunft der Vermieterin hält sich BUSSE nur gelegentlich und in unregelmässigen Zeitabständen in ihrem Haus auf. Wie dieselbe weiter mitteilte, ist der Interessant zur Zeit in Osterreich und bereitete dort als angeblich eine der hauptverantwortlichen Personen die « Salzburger Festspiele » vor. Unterzeichneter ist der Ansicht, dass BUSSE in der Vergangenheit aus irgendeinem Grunde sich hierlands fremdenpolizeilich anmeldete, obschon er über einen grösseren Zeitraum hinweg nicht im Grossherzogtum gewohnt haben dürfte ».

Un nouveau rapport daté au 23 novembre 1998 de la brigade de gendarmerie d’Echternach renseigne que « eine Uberprüfung des Wohnsitzes von BUSSE Peter in …, … ergab, dass dieser bei der Hauseigentümerin selbst, Frau …, angemeldet ist. Frau … betreibt das Hotel-Restaurant « … » in … und wohnt neben dem Hotelgebäude in einem separatem Einfamilienhaus. Seit kurzer Zeit wohnt Frau … in einem renovierten älteren Wohnhaus, neben ihrem vorherigen Wohnhaus. Frau … gibt an, dass Herr BUSSE bei ihr im Hause wohnen würde. Er verfüge hier jedoch über kein festes Zimmer und hätte ebenfalls kein Mobiliar hier stehen. Da er nicht oft in … anzutreffen sei, würde dies sich ohne Probleme einrichten lassen. Laut Angaben von Frau … würde man als Eigentum von Herrn BUSSE in ihrem Hause praktisch nur seine Zahnbürste finden ! Frau … wusste ebenfalls mitzuteilen dass BUSSE aufgrund seiner Arbeit als Intendant von Anstellung zu Anstellung reisen würde, und praktisch über keine Privatgegenstände, wie dies bei normalen Menschen üblich sei, verfügen würde. BUSSE arbeitet als Intendant und ist zur Zeit in Santiago de Chile angestellt.

Frau … konnte nicht sagen wann er wieder nach Luxemburg kommen würde. (…) Man kann jedoch davon ausgehen dass BUSSE, wenn überhaupt, nur einzelne Tage im Jahr in … anzutreffen ist ».

En date du 7 décembre 1998, Monsieur BUSSE fut informé qu’une nouvelle carte d’identité d’étranger ne saurait lui être délivrée à défaut de résidence effective au Grand-Duché de Luxembourg et il fut invité à remettre la copie de sa demande en obtention d’une carte d’identité d’étranger à l’administration communale de … .

Par courrier du 2 février 1999, le mandataire de Monsieur BUSSE introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision du 7 décembre 1998 et il sollicita la saisine de la commission consultative en matière de police des étrangers. Le 26 février 1999, le mandataire de Monsieur BUSSE fut informé de la saisine de la commission consultative, qui a rendu un avis négatif en date du 30 mars 1999 concernant la demande de délivrance d’une carte d’identité d’étranger.

Par décision du 16 mars 2000, le ministre de la Justice refusa le renouvellement de la carte d’identité d’étranger au motif de « défaut de résidence au Luxembourg ».

Par requête déposée le 5 mai 2000, Monsieur BUSSE a fait introduire un recours en annulation contre l’arrêté ministériel du 16 mars 2000 au motif qu’il ne répondrait pas aux critères et conditions requis par la loi.

Le demandeur fait exposer qu’il serait arrivé au Grand-Duché de Luxembourg le 19 juin 1987 et qu’il se serait inscrit auprès de la commune de Luxembourg. Ce ne serait que depuis le 16 avril 1996 qu’il aurait établi sa résidence à Berdorf. Il expose encore qu’il payerait ses cotisations au centre commun de la sécurité sociale depuis 1990, qu’il fut employé par l’association sans but lucratif EUROBALLET, mais qu’il fut licencié étant donné que cette association avait cessé ses activités et, comme aucun emploi répondant à ses qualifications (acteur - metteur en scène) n’existerait au Luxembourg, il aurait dû se résoudre à travailler à l’étranger, de sorte qu’il serait obligé de « s’absenter momentanément et sporadiquement afin de réaliser des travaux à l’étranger».

Il invoque la violation des articles 5 et 6 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant:

1° l’entrée et le séjour des étrangers; 2° le contrôle médical des étrangers; 3° l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère, en soutenant que ces dispositions prévoient les seuls cas dans 2 lesquels la carte d’identité d’étranger et l’autorisation de séjour peuvent être refusées, ainsi que les conditions à remplir pour les obtenir et que la décision litigieuse ne reposerait sur aucune des 9 hypothèses limitativement retenues par les prédits articles, mais sur une condition qui ne serait prévue par aucun texte légal, de sorte que le refus de renouvellement de sa carte d’identité ne serait pas justifié et manquerait de base légale. Il considère également que le ministre de la Justice, en motivant sa décision par le « défaut de résidence au Luxembourg », aurait excédé ses pouvoirs.

Il soutient ensuite que la décision attaquée se référerait explicitement à l’avis de la commission consultative en matière de police des étrangers, de sorte qu’il y aurait lieu d’admettre que le ministre aurait fait siens les motifs retenus par ladite commission. Comme la commission consultative aurait retenu à tort que « la délivrance d’une carte de séjour pour les ressortissants de l’Union Européenne (U.E) et des Etats ayant adhéré à l’Accord sur l’Espace Economique est cependant subordonnée entre autres à la condition d’une résidence effective au pays (…) », le ministre, en se basant sur cet avis illégal du fait qu’il assimile Monsieur BUSSE à un ressortissant communautaire ou de l’Espace Economique Européen (E.E.E.), ce qui n’est pas le cas étant donné que Monsieur BUSSE possède la nationalité suisse, aurait pris une décision entachée d’illégalité.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Concernant le moyen tiré d’un défaut de motivation légale, il convient de rappeler que le demandeur possède la nationalité suisse et ne tombe dès lors pas sous l’application des dispositions particulières applicables aux ressortissants d’un Etat membre de l’U.E. ou de l’EEE, de sorte qu’il convient de se référer à la loi précitée du 28 mars 1972 et au règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif aux formalités à remplir par les étrangers séjournant au pays.

S’il est vrai que les articles 5 et 6 énumèrent un certain nombre de conditions en vertu desquelles le renouvellement de la carte d’identité peut être refusé, encore faut-il que le demandeur ait satisfait au préalable à la condition du séjour effectif au pays à la date d’introduction de la demande en renouvellement d’une carte d’identité d’étranger. En effet, l’intention de séjourner et le séjour effectif au Luxembourg constituent des prémisses de base requises pour qu’il y ait lieu à octroi d’une autorisation de séjour et a fortiori au renouvellement d’une carte d’identité d’étranger (cf. trib.adm. 27 janvier 1997, n° du rôle 9724, Pas.adm. 1/2000, V° Etrangers, n°94, page 120, et autre référence y citée), car il est tout aussi inconcevable qu’inadmissible qu’une carte d’identité d’étranger soit accordée à un étranger qui n’a pas l’intention de séjourner au pays, afin d’éviter que la délivrance d’une telle carte ne dégénère en un simple certificat de complaisance et permette à des personnes de s’établir fictivement dans un pays dans lequel elles n’ont par ailleurs aucune attache réelle. Cette condition de résidence effective au pays ainsi que l’intention d’y séjourner découle d’ailleurs de manière implicite de l’article 3 de la loi précitée du 28 mars 1972, qui dispose que « l’étranger qui a l’intention de séjourner au Grand-Duché, devra faire sa déclaration d’arrivée auprès de l’autorité locale de la commune où il entend séjourner (…) » et de l’article 8 du règlement grand-ducal précité du 28 mars 1972, qui dispose que « la carte d’identité perd sa validité et 3 est retirée lorsque l’étranger réside hors du Grand-Duché pendant une période de plus de six mois ».

En l’espèce, le défaut de résidence est établi par les rapports dressés par la brigade de gendarmerie d’Echternach en date des 15 avril 1998 et 23 novembre 1998. Ce fait est d’ailleurs confirmé à nouveau par un rapport établi en date du 19 juillet 2000 par la police grand-ducale, circonscription régionale de Grevenmacher, unité Echternach, dont il ressort que « die Person von BUSSE Peter konnte nie an der Adresse in … angetroffen werden. Die Bewohnerin des Hauses auf Nr…., Frau … erklärte dass dieser lediglich vier Mal im Jahr für einige Tage in … weilt. Obschon ihr aufgetragen wurde sich zu melden, respectiv Herrn BUSSE mitzuteilen, bei der Polizei in Echternach vorstellig zu werden, ist dies bislang nicht geschehen » .

Sur base de l’ensemble des éléments du dossier administratif, notamment sur base des deux rapports de la gendarmerie, rapports dont la force probante ne saurait être sérieusement mise en doute par de simples affirmations du demandeur, le ministre de la Justice a pu conclure à bon droit et par une saine appréciation des éléments et informations à sa disposition que le demandeur ne séjourne que de manière sporadique au Luxembourg et il a partant pu refuser la délivrance de la carte d’identité d’étranger, qui atteste la présence effective de son titulaire, même si elle n’est pas permanente, dans le pays qui délivre cette carte.

Il suit des développements qui précèdent, que le refus de délivrer une carte d’identité d’étranger est légalement justifié et que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Ce raisonnement ne saurait être énervé par le fait que la commission consultative a, par simple inadvertance, assimilé le demandeur à un ressortissant de l’Espace Economique Européen, étant donné que l’avis de cette commission n’est que consultatif et que cette qualification n’a, par ailleurs, pas porté à conséquence, le demandeur n’ayant subi de ce fait aucun préjudice. Il n’apporte en outre aucun élément de nature à étayer en quoi la motivation de la décision aurait ainsi été viciée, étant donné que l’erreur concernant le statut de son pays d’origine ne modifie en rien le défaut de résidence au Luxembourg.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, Mme Lenert, premier juge 4 Mme Lamesch, juge, et lu à l’audience publique du 7 février 2001 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11980
Date de la décision : 07/02/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-02-07;11980 ?

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