La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2001 | LUXEMBOURG | N°11901

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 février 2001, 11901


Tribunal administratif N° 11901 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2000 Audience publique du 7 février 2001

==============================

Recours formé par Monsieur … RIES, Noerdange et consorts contre un arrêté du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en présence de l’administration communale de Beckerich en matière de remembrement

--------------------------------------------------------------------------------


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11901 du rôle et dépo

sée au greffe du tribunal administratif en date du 29 mars 2000 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la...

Tribunal administratif N° 11901 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 29 mars 2000 Audience publique du 7 février 2001

==============================

Recours formé par Monsieur … RIES, Noerdange et consorts contre un arrêté du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural en présence de l’administration communale de Beckerich en matière de remembrement

--------------------------------------------------------------------------------

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11901 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 mars 2000 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :

1) M. … Ries, demeurant à …, 2) – 63) consorts…, tendant à l’annulation de l’arrêté du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural du 17 décembre 1999 concernant l’ouverture d’une enquête sur l’utilité du remembrement de terres agricoles et sylvicoles sises dans la commune de Beckerich ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 30 mars 2000 portant signification de ce recours à l’administration communale de Beckerich ;

Vu le mémoire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 juin 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 12 juillet 2000 par Maître Roger NOTHAR, au nom de Monsieur … RIES et des autres 62 consorts ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, préqualifié, du 14 juillet 2000 portant signification de ce mémoire en réplique à l’administration communale de Beckerich ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté ministériel attaqué ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Roger NOTHAR et Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

------

--

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 mars 2000, Monsieur … RIES, demeurant à L-…, ainsi que 62 autres consorts, ont formé un recours en annulation contre un arrêté du ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et du Développement rural, dénommé ci-après le «ministre », du 17 décembre 1999 concernant l’ouverture d’une enquête sur l’utilité du remembrement de terres agricoles et sylvicoles sises dans la commune de Beckerich.

Ils font exposer qu’ils introduisent un recours en annulation contre l’arrêté ministériel précité du 17 décembre 1999, basé principalement sur l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif et subsidiairement sur l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif pour excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés.

Les demandeurs estiment qu’ils ont intérêt à agir en leur qualité respectivement de propriétaires, copropriétaires, nu-propriétaires ou usufruitiers des parcelles reprises aux tableaux des apports qui furent dressés par l’office national de remembrement, désigné ci-après « ONR », dans le cadre des opérations de remembrement visées par l’arrêté ministériel attaqué.

Concernant le délai pour agir, ils relèvent que l’arrêté ministériel attaqué a été publié au Mémorial B n°64 du 31 décembre 1999, de sorte que le recours aurait été introduit dans le délai de trois mois à partir de la publication de l’acte administratif.

Les demandeurs estiment à titre principal que l’acte attaqué constituerait une décision administrative à caractère réglementaire.

Le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours, au motif que la « décision » ministérielle du 17 décembre 1999 prise sur base de l’article 15 de la loi modifiée du 25 mai 1964 concernant le remembrement des biens ruraux ne serait pas une décision administrative faisant grief alors qu’il ne s’agirait que d’une enquête sur « l’utilité d’un projet de remembrement ». Il estime que cette enquête pourrait être comparée à l’enquête de commodo et incommodo qui est destinée à informer le public sur un projet et recueillir les observations de celui-ci. Il considère par ailleurs que le tribunal administratif serait incompétent pour statuer en matière de remembrement, étant donné que cette compétence serait exclusivement dévolue au juge de paix par l’effet de l’article 28 de la loi précitée.

Les demandeurs font répliquer que par l’effet de l’article 9 de la loi précitée du 25 mai 1964, ils seraient constitués en association syndicale de remembrement le jour de la délimitation du périmètre par le ministre. Ils relèvent encore que l’association syndicale de remembrement serait un instrument charnière dans le déroulement de la procédure de remembrement légal et qu’elle aurait été légalement instituée par l’effet de l’arrêté ministériel du 17 décembre 1999. Ils en concluent que l’arrêté ministériel décidant l’ouverture d’une enquête sur l’utilité du remembrement, par le fait qu’il regroupe les demandeurs concernés dans une association syndicale de remembrement disposant du pouvoir décisionnel sur la proposition de remembrement et le mode de remembrement, modifierait de façon décisive la situation juridique des propriétaires et affecterait considérablement leurs intérêts privés.

L’arrêté ministériel ne serait dès lors pas un acte simplement préparatoire, dépourvu d’effet et 2 ne faisant pas grief, mais il constituerait un acte détachable, autonome et susceptible d’un recours séparé.

Il convient en premier lieu d’examiner l’agencement de la loi précitée du 25 mai 1964 pour déterminer si le recours a été dirigé contre une décision administrative susceptible d’un recours contentieux devant le tribunal administratif.

La loi précitée du 25 mai 1964 a pour objectif d’assurer, dans l’intérêt général, une exploitation plus économique des biens ruraux. Elle vise la réalisation de remembrements de terres agricoles morcelées et dispersées afin d’améliorer les biens-fonds en constituant des parcelles ayant de plus grandes surfaces, des formes mieux adaptées aux façons culturales, des accès indépendants et d’en permettre ainsi une exploitation plus économique.

En vertu de l’article 8 de la loi précitée du 25 mai 1964, le remembrement peut être effectué, soit par voie d’accord entre les propriétaires concernés, sous forme de remembrement conventionnel ou d’échanges amiables, soit par décision majoritaire des intéressés, sous forme de remembrement légal. C’est la forme du remembrement légal que l’arrêté ministériel du 17 décembre 1999 propose d’appliquer au remembrement des terres projeté dans la commune de Beckerich. Par ailleurs, c’est sur proposition de l’administration communale de Beckerich que l’ONR a décidé, lors de sa réunion du 11 février 1998, de proposer au ministre d’ouvrir une enquête sur l’utilité d’un remembrement dans la commune de Beckerich. Le périmètre provisoire du remembrement tel que proposé par l’ONR au ministre prévoit en outre l’incorporation de certaines parcelles situées sur les territoires des communes de Hobscheid, Redange, Saeul et Useldange, qui sont les communes limitrophes de la commune de Beckerich.

La loi précitée organise ensuite minutieusement les formalités à respecter pour aboutir au remembrement légal, en distinguant entre les formalités préalables du remembrement légal et les opérations de remembrement proprement dites qui, conformément à l’article 22, s’effectueront après l’intervention d’un règlement grand-ducal décidant qu’il y a lieu de donner suite au projet de remembrement adopté par l’assemblée générale de l’association syndicale.

L’arrêté ministériel litigieux a été pris sur base de l’article 15 de la loi précitée du 25 mai 1964 qui dispose que « le ministre de l’agriculture peut décider qu’il sera procédé à une enquête sur l’utilité d’un projet de remembrement déterminé. Par la même décision, le ministre de l’agriculture détermine le périmètre provisoire du projet de remembrement envisagé. Cette décision peut être prise, soit d’office, soit sur proposition de l’office national du remembrement ». Il est encore précisé dans le prédit article que l’enquête sera effectuée par l’ONR et qu’elle comprend a) une consultation des propriétaires et autres détenteurs des droits réels et b) une délibération de l’assemblée générale de l’association syndicale de remembrement.

Les articles 16 et 17 règlent en détail le déroulement de la procédure de consultation, en y indiquant notamment les délai et formalités à respecter lorsque les intéressés ont des observations et réclamations à présenter. L’article 18 prévoit qu’après clôture de la consultation, l’ONR « décide s’il y a lieu de réunir une assemblée générale de l’association syndicale de remembrement en vue de se prononcer sur le remembrement projeté. En cas de décision affirmative, le président convoque cette l’assemblée générale et la préside ».

L’article 20 dispose que « la proposition de remembrement des terres comprises dans le périmètre est adoptée si elle recueille l’adhésion de la majorité des propriétaires et nu-

propriétaires, et pour autant que l’ensemble des personnes prédésignées possèdent plus de la 3 moitié de la superficie des propriétés à remembrer ». Néanmoins les opérations de remembrement proprement dites ne commenceront qu’après qu’un « règlement d’administration publique [règlement grand-ducal] décide, s’il y a lieu, de donner suite au projet de remembrement adopté par l’assemblée générale ».

En l’absence d’un texte prévoyant un recours au fond en matière de remembrement, le tribunal ne peut être saisi que d’un recours de droit commun en annulation.

Or, l’exercice d’un recours en annulation présuppose l’existence d’une décision administrative.

Il convient donc de déterminer si l’acte attaqué est un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de ceux qui réclament ou s’il s’agit d’un acte préparatoire, c’est-à-dire d’un acte qui ne fait que préparer la décision finale et qui ne constitue qu’une étape dans la procédure d’élaboration de celle-ci. (cf.

F. Schockweiler, Le Contentieux administratif et la Procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, 2e éd., 1996, n°59).

Force est de constater qu’il résulte de l’agencement de la loi précitée du 25 mai 1964, à savoir du chapitre III de la section 1 intitulée « des formalités préalables au remembrement légal », articles 15 à 21, et de la section 2 intitulée « des opérations de remembrement », articles 22 à 35bis, que le législateur a instauré deux phases concernant le remembrement légal et que l’arrêté ministériel concernant l’ouverture d’une enquête sur l’utilité du remembrement projeté se situe dans la première phase et qu’il doit être considéré comme un acte préliminaire qui aboutit, le cas échéant, à l’adoption d’un règlement grand-ducal clôturant la phase d’instruction en décidant qu’il sera donné suite au projet de remembrement.

La procédure précédant l’adoption du règlement grand-ducal et qui a été déclenchée par l’acte attaqué, vise la consultation des personnes concernées par le projet de remembrement qui, au cours de cette procédure, peuvent présenter leurs observations écrites ou orales à l’ONR, de sorte que l’acte attaqué ne saurait être considéré comme la décision définitive dans la procédure administrative engagée. L’acte attaqué ne constitue qu’une simple mesure d’instruction destinée à permettre à l’autorité compétente de recueillir des éléments d’information en vue de la prise de sa décision ultérieure. Ce ne sera que dans le cadre du recours dirigé contre la décision définitive, à savoir l’adoption du règlement grand-ducal tel que prévu à l’article 22 de la loi précitée de 1964, que l’irrégularité de l’arrêté ministériel pourra être invoqué.

Concernant le moyen des demandeurs consistant à soutenir que suite à la prise de l’arrêté ministériel, ils auraient été regroupés en association syndicale, de sorte qu’il s’agirait d’une véritable décision affectant leurs intérêts privés, il y a lieu de constater que l’arrêté ministériel décide uniquement l’ouverture d’une enquête et le fait que les demandeurs sont dès ce moment constitués en association syndicale est un effet qui découle directement de la loi et comme tel non susceptible d’un recours. Par ailleurs, les demandeurs n’invoquent aucune irrégularité propre ayant trait à la constitution de cette association syndicale qui, au contraire, est instituée dans l’intérêt des propriétaires et personnes concernées par le remembrement qui se trouvent regroupés et peuvent ainsi agir collectivement en vue de la défense de leurs intérêts communs.

4 Il découle encore des termes employés par l’article 15 de la loi précitée de 1964, que le ministre ne prend pas une décision définitive concernant la délimitation du périmètre du remembrement, mais que le ministre détermine le périmètre provisoire du projet de remembrement, de sorte qu’il s’agit d’une mesure essentiellement provisoire qui n’entraîne, à ce stade, aucune conséquence juridique. En effet, ce n’est qu’après la procédure de consultation des intéressés que la décision quant à la réalisation ou non du projet de remembrement sera prise.

Il résulte des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer irrecevable.

Encore que l’administration communale de Beckerich, à laquelle le recours fut dûment signifié par exploit d’huissier de justice du 30 mars 2000, n’ait pas déposé de mémoire en réponse dans le délai légal, le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties, ceci conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties;

déclare le recours irrecevable ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président, Mme Lenert, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 7 février 2001, par le vice-président, en présence de Monsieur Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 11901
Date de la décision : 07/02/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-02-07;11901 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award