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05/02/2001 | LUXEMBOURG | N°12358

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 février 2001, 12358


Tribunal administratif N° 12358 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 octobre 2000 Audience publique du 5 février 2001

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Recours formé par Monsieur … MORINA, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12358 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2000 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, assisté de M

aître Anne CALTEUX, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au...

Tribunal administratif N° 12358 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 octobre 2000 Audience publique du 5 février 2001

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Recours formé par Monsieur … MORINA, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 12358 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2000 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, assisté de Maître Anne CALTEUX, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MORINA, né le … à Glovace (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 27 juin 2000, notifiée le 4 août 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 6 septembre 2000 intervenue sur recours gracieux;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 novembre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 janvier 2001.

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Le 21 décembre 1997, Monsieur … MORINA, né le … à Glovace (Kosovo), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Monsieur MORINA fut entendu en date des 9 janvier 1998 et 21 juin 1999 par des agents du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande ainsi que sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Par décision du 27 juin 2000, notifiée le 4 août 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur MORINA de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: “ (…) Il résulte de vos déclarations que vous auriez eu des problèmes avec la police serbe au Kosovo et ceci en raison de votre participation à deux manifestations.

En ce qui concerne les dates auxquelles auraient eu lieu ces deux manifestations, vous changez d’avis à plusieurs reprises.

D’abord vous affirmez que ces manifestations auraient eu lieu les 1er et 24 septembre 1997. Ensuite vous expliquez qu’elles auraient eu lieu les 1er et 24 octobre 1997 et que la police serait venue vous chercher le 30 août 1997 à cause de votre participation à ces manifestations.

Vous exposez finalement que les manifestations auraient eu lieu en août 1997 et que la police vous aurait recherché les 3 et 5 décembre 1997.

Vous n’arrivez pas à expliquer de manière crédible comment la police aurait pu vous identifier lors de votre participation à ces manifestations.

Force est de constater que l’armée fédérale yougoslave et les forces de police dépendant des autorités serbes, à l’origine des répressions et exactions commises au Kosovo, ont quitté ce territoire. Une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, s’est installée au Kosovo et une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, a été mise en place.

Par ailleurs des centaines de milliers de personnes, qui avaient quitté le Kosovo pour se réfugier en Albanie et dans l’Ancienne République yougoslave de Macédoine, ont réintégré leurs foyers après l’entrée des forces internationales sur le territoire.

Dans ces circonstances vous ne pouvez pas faire état d’un risque actuel de persécution pour des motifs tenant à votre race, à vos opinions politiques, à votre religion, à votre nationalité ou à votre appartenance à un groupe social, que vous courriez si vous deviez retourner dans votre territoire d’origine.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ”.

Monsieur MORINA a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prérelatée par courrier de son mandataire datant du 31 août 2000.

Celui-ci s’étant soldé par une décision confirmative du 6 septembre 2000, il a fait 2 introduire un recours tendant à la réformation des décisions ministérielles précitées des 27 juin et 6 septembre 2000 par requête déposée en date du 5 octobre 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation.

Le recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le demandeur fait exposer à l’appui de son recours qu’il serait ressortissant de l’ancienne Yougoslavie et plus particulièrement du Monténégro, qu’il serait de confession musulmane, qu’il aurait fait des études en vue de devenir professeur d’éducation physique, mais qu’il aurait été empêché de poursuivre et de terminer ses études, alors qu’il aurait fait l’objet de propos racistes et de traitements discriminatoires et dénigrants à longueur de journée à cause de sa race et de sa religion. Il fait valoir qu’il se serait trouvé de ce fait privé de son droit fondamental à l’éducation et que c’aurait été suite aux problèmes ainsi rencontrés lors de ses études qu’il aurait décidé de s’engager politiquement dans les rangs du parti pour l’action démocratique (SDA) afin de lutter activement contre les discriminations quotidiennes dont il aurait fait l’objet au même titre que tous les musulmans vivant au Monténégro. Il signale que dans le cadre de ses activités politiques il aurait organisé et participé à maintes reprises à des manifestations dans les rangs du parti SDA, que cet engagement lui aurait cependant valu des visites intempestives de la part de la police serbe qui l’aurait menacé à plusieurs reprises à son domicile pour qu’il mette un terme à ses activités au sein dudit parti politique et leur communique les noms d’autres militants. Il signale en outre que lors d’une de ces visites, les agents de la police serbe auraient brutalement tué son père et un de ses frères et il soutient que ces agissements seraient à considérer comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève. Il fait valoir par ailleurs que l’insoumission qu’il aurait commise entraînerait des répressions pénales certaines dans son chef, étant donné qu’en tant que musulman “ aucune amnistie, aucune clémence ” ne serait à espérer. Estimant ainsi avoir établi une crainte légitime de persécution en raison de son appartenance à la religion musulmane dans un environnement serbe et anti-musulman ayant justifié sa fuite de son pays d’origine, le Monténégro, le demandeur conclut que ce serait à tort que le ministre lui a refusé la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Le délégué du Gouvernement rétorque d’abord qu’il ressortirait clairement du dossier que le demandeur serait originaire du Kosovo et qu’il y aurait vécu jusqu’à son départ, tout en relevant qu’il s’agirait d’un Albanais et non pas d’un musulman slave du Kosovo. Il estime pour le surplus que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur MORINA et que le recours laisserait d’être fondé.

En l’espèce, il se dégage clairement des déclarations du demandeur, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure gracieuse, qu’il est originaire du Kosovo et que l’activité politique par lui alléguée comme étant notamment à la base de persécutions au sens de la Convention de Genève à son égard, s’exerçait au sein de la ligue démocratique des Albanais (LDK) active non pas au Monténégro mais au Kosovo.

3 Or, le tribunal étant tenu de toiser le litige lui présenté par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours sous peine de statuer ultra petita, force est de constater en l’espèce que l’ensemble des moyens invoqués à l’appui du recours ont trait à la situation existante au Monténégro, ainsi qu’à des activités politiques que le demandeur aurait eu au Monténégro, de manière à contredire de manière flagrante des faits pourtant constants en cause se dégageant du dossier et à rester pour le surplus étrangers au litige pour avoir trait à une région non directement concernée.

En l’absence d’explications afférentes du demandeur permettant d’éclaircir cette contradiction, ceci tant au niveau de la procédure écrite, aucun mémoire en réplique n’ayant été produit, que lors des explications orales fournies au cours des plaidoiries sur question expresse du tribunal à l’audience, le tribunal ne peut dès lors que constater qu’aucun moyen de nature à énerver le bien-fondé des décisions ministérielles déférées n’a été présenté.

Il se dégage des considérations qui précèdent, qu’en l’état actuel du dossier, le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 février 2001 par:

M. Schockweiler, vice-président, Mme Lenert, premier juge, M. Schroeder, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12358
Date de la décision : 05/02/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-02-05;12358 ?

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