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05/02/2001 | LUXEMBOURG | N°12326

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 février 2001, 12326


Tribunal administratif N° 12326 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 septembre 2000 Audience publique du 5 février 2001

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Recours formé par Monsieur … JESIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11326 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2000 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … JESIC, ingénieur de formation, or...

Tribunal administratif N° 12326 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 septembre 2000 Audience publique du 5 février 2001

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Recours formé par Monsieur … JESIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière d’autorisation de séjour

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 11326 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2000 par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … JESIC, ingénieur de formation, originaire de Serbie, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 3 août 2000 refusant de prolonger ses autorisations de séjour des 20 mai 1998 et 30 juillet 1999 et l’invitant à quitter le pays dans un délai de un mois, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 29 août 2000 intervenue sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 2000 par Maître Roland ASSA au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décision attaquées ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Nadia RANGAN et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives aux audiences publiques des 8 et 22 janvier 2001.

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Monsieur … JESIC, originaire de Serbie, de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, épousa en date du 17 avril 1998 Madame … …, détentrice d’une carte d’identité d’étranger au Luxembourg, laquelle sollicita dans son chef une autorisation de séjour auprès du ministre de la Justice en date du 20 avril 1998. Compte tenu de son mariage avec Madame …, une autorisation de séjour fut alors accordée à Monsieur JESIC pour la période du 20 mai 1998 au 19 mai 1999. En date du 27 juillet 1999, cette autorisation de séjours fut prorogée jusqu’au 1er juillet 2000.

Par courrier datant du 4 février 2000, l’employeur de Monsieur JESIC, la société à responsabilité limitée …, s’adressa au ministère de la Justice pour solliciter dans le chef de Monsieur JESIC l’octroi d’une carte d’identité d’étranger en faisant valoir qu’il était détenteur d’un permis de travail du type A valable jusqu’au 13 octobre 2000, ainsi que bénéficiaire d’un contrat de travail à durée indéterminée auprès de l’entreprise en qualité d’ingénieur en architecture.

Par courrier du 3 août 2000 le ministre de la Justice informa Monsieur JESIC de ce qui suit : « Suite à un réexamen de votre dossier, je dois constater que vous êtes divorcé de votre épouse.

Or, les autorisations de séjour des 20 mai 1998 et 27 juillet 1999 vous étaient accordées sur base de votre mariage avec Madame … ….

Aussi suis-je au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de prolonger votre autorisation de séjour.

Comme votre autorisation de séjour est venue à échéance le 1er juillet 2000 et que vous séjournez dès lors en séjour irrégulier au pays, vous êtes invité à quitter le pays dans un délai d’un mois. (…) » A l’encontre de la décision ministérielle prérelatée Monsieur JESIC introduisit un recours gracieux par courrier de son mandataire datant du 16 août 2000. Celui-ci se solda par une décision confirmative du ministre du 29 août 2000, motivée notamment par le fait que le permis de travail A délivré à Monsieur JESIC en date du 14 octobre 1999, lui aurait été accordé pour la seule raison de son mariage avec Madame …, étant donné que sur base d’un rapport de police du 15 mars 1999, duquel il ressortait que la communauté de vie entre les époux existait encore, son autorisation de séjour avait été prorogée en date du 2 juillet pour un nouveau délai d’un an. Or, dans la mesure où il serait établi qu’à cette date la communauté de vie n’aurait déjà plus existé entre Monsieur JESIC et Madame …, divorcés suivant par jugement prononcé par le tribunal de première instance de Nis en date du 20 septembre 1999, tant la prolongation de l’autorisation de séjour du 2 juillet 1999 que la délivrance du permis de travail en date du 14 octobre 1999 n’auraient, de l’avis du ministre, pas dû être accordées. Dans sa décision du 29 août 2000, le minsistre relève en outre qu’un rapport de police datant du 5 juillet 2000 renseignerait que Monsieur JESIC serait le concierge de l’immeuble sis 11, boulevard Grand-Duchesse Charlotte à Luxembourg vers lequel il a opéré un changement d’adresse, alors que le permis de travail lui accordé en date du 14 octobre 1999 lui permettrait seulement de prendre un emploi en qualité d’ingénieur en architecture et non pas en tant que concierge.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 septembre 2000 Monsieur JESIC a fait introduire un recours en annulation contre les décisions ministérielles prérelatées des 3 et 29 août 2000.

Le recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur signale d’abord avoir obtenu en date du 14 octobre 1999 une autorisation de travail valable jusqu’au 13 octobre 2000. Il reproche aux décisions déférées de reposer sur des motifs illégaux et fait valoir plus particulièrement à cet égard que la rupture des liens matrimoniaux ne saurait avoir pour conséquence un refus de renouvellement ou une révocation d’une autorisation de séjour accordée antérieurement, que l’absence d’attaches familiales au Luxembourg ne serait pas non plus de nature à justifier les décisions de refus déférées et que les considérations tenant à la régularité de son activité professionnelle au regard de la nature du permis de 2 travail lui délivré échapperait à la compétence du ministre de la Justice et ne seraient partant pas non plus de nature motiver valablement les décisions déférées.

Le délégué du Gouvernement rétorque que le mariage entre Monsieur JESIC et Madame … aurait été la seule et unique condition pour l’octroi d’une autorisation de séjour provisoire au Luxembourg dans son chef, de sorte que face à la disparition du fait générateur de l’autorisation de séjour provoquée par le divorce entre les époux, il paraîtrait tout à fait légitime de ne plus accorder une autorisation de séjour provisoire à Monsieur JESIC. Concernant le permis de travail de Monsieur JESIC, le représentant étatique relève que dans la mesure où le demandeur n’aurait pas une fortune personnelle lui permettant de survivre au Luxembourg sans s’adonner à un travail, il aurait nécessairement besoin d’un permis de travail pour survivre au Luxembourg et pour justifier de moyens personnels suffisants tels que requis par la loi. Il rappelle à cet égard qu’au moment de s’établir au Luxembourg, le demandeur n’aurait eu ni fortune personnelle, ni permis de travail et n’aurait obtenu son autorisation de séjour que par le seul fait qu’il s’était marié avec Madame …. Il signale, à toutes fins utiles, que le ministre du Travail et de l’Emploi aurait lancé une procédure de retrait du permis de travail à l’encontre du demandeur, de sorte que celui-ci ne disposerait plus à l’heure actuelle de moyens personnels suffisants.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : (…) - qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Il se dégage dudit article 2 que l’autorisation de séjour peut être refusée lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers (trib. adm. 17 février 1997, Pas. adm. 1/2000, V° Etrangers, II.

Autorisations de séjour - Expulsion, n° 81, et autres références y citées).

Il est de principe que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise (Cour adm. 1er décembre 1998, n° 10721 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en annulation, n° 12, p.

306).

En l’espèce, il est constant que le demandeur a bénéficié d’une première autorisation de séjour provisoire valable du 20 mai 1998 au 19 mai 1999 et que celle-ci fut prorogée en date du 27 juillet 1999 pour une période allant jusqu’au 1er juillet 2000.

Dans la mesure où le présent litige n’a ni pour objet les autorisations de séjour prérelatées antérieurement accordées à Monsieur JESIC, ni encore une éventuelle décision de retrait de ces dernières, les motifs à la base des décisions déférées et complétés en cours d’instance contentieuse tenant à la motivation des deux décisions d’octroi de l’autorisation de séjour en question ou encore à leur régularité sont à écarter comme n’étant pas pertinents en l’espèce.

Il est en effet constant que la décision déférée du 3 août 2000, confirmée par celle également déférée du 24 août 2000, a pour objet de statuer sur la demande de Monsieur JESIC, formulée par l’intermédiaire de son employeur suivant le courrier prévisé du 4 3 février 2000, tendant à l’obtention d’une carte d’identité d’étranger dans son chef et partant au renouvellement de son autorisation de séjour venue à échéance le 1er juillet 2000.

S’il est certes constant qu’en date du 3 août 2000 le demandeur n’était plus marié avec Madame … … et qu’il ne pouvait partant plus se prévaloir de cette union pour solliciter une autorisation de séjour, il n’en demeure cependant pas moins que le mariage, même s’il peut sous certaines conditions valoir justification de moyens personnels suffisants au sens des dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée, ne constitue pas pour autant la seule possibilité afférente, le délégué du Gouvernement relevant par ailleurs lui-même à cet égard que les moyens d’existence personnels suffisants peuvent notamment être dégagés à partir d’un permis de travail valable.

En l’espèce, il est constant que le demandeur disposait tant en date du 3 août 2000 qu’en date du 29 août 2000 d’un permis de travail de la catégorie A lui délivré en date du 14 octobre 1999 et valable jusqu’au 13 octobre 2000, de sorte qu’au moment où le ministre a statué, le demandeur était autorisé à occuper un emploi au Luxembourg et touchait des revenus légaux provenant de cet emploi, constitutifs dans son chef de moyens personnels suffisants pour supporter ses frais de voyage et de séjour au Luxembourg.

Face à la preuve de moyens personnels suffisants ainsi rapportée par le demandeur au moment de la prise des décisions déférées, c’est partant à tort que le ministre s’est basé sur l’absence d’une vie commune de Monsieur JESIC avec Madame …, étant donné que leur mariage, s’il avait certes motivé l’octroi des premières autorisations de séjour accordées au demandeur, ne constitue pas un critère exclusif pour l’octroi d’une autorisation de séjour, le demandeur en autorisation pouvant valablement se prévaloir d’autres moyens d’existence personnels suffisants en vue de se voir autoriser à séjourner au Luxembourg.

La conclusion tenant à l’existence de moyens personnels suffisants dans le chef du demandeur au moment de la prise des décisions déférées ne saurait pas non plus être énervée par la considération du ministre, avancée à travers la décision déférée du 29 août 2000 basée sur le fait que Monsieur JESIC exercerait une autre activité que celle couverte par son permis de travail, étant donné que pareille appréciation est étrangère à la sphère de compétence du ministre de la Justice pour avoir trait plus particulièrement à l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère relevant de l’autorité du ministre du Travail et de l’Emploi.

Afin de justifier les décisions déférées, le représentant étatique a encore relevé, à toutes fins utiles, qu’une procédure de retrait du permis de travail aurait été engagée par le ministre du Travail et de l’Emploi. Etant cependant constant au vu des pièces versées au dossier qu’au moment de la prise des décisions déférées aucune décision de retrait afférente n’était encore acquise, ledit motif ne saurait pas non plus être retenu comme justifiant les décisions déférées.

La même conclusion s’impose encore en ce qui concerne l’existence de la décision de refus du permis de travail dans le chef du demandeur invoquée oralement par le représentant étatique à l’audience et versée par la suite au dossier sur demande 4 afférente du tribunal, étant donné que cette décision date du 31 octobre 2000 et ne saurait partant justifier ex post les décisions ministérielles déférées antérieures en date.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que les décisions déférées sont dépourvues de motivation valable et encourent partant l’annulation, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens proposés par le demandeur.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule les décisions ministérielles déférées ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 février 20001 par :

M. Ravarani, président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Ravarani 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12326
Date de la décision : 05/02/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-02-05;12326 ?

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