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31/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12144

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 janvier 2001, 12144


Tribunal administratif N° 12144 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2000 Audience publique du 31 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … SCHMITZ et consort, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisations de faire le commerce

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12144 du rôle, déposée le 24 juillet 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude BLESER, avocat à la Co

ur, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Monsieur … SCHMITZ, retrai...

Tribunal administratif N° 12144 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 juillet 2000 Audience publique du 31 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … SCHMITZ et consort, … contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’autorisations de faire le commerce

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 12144 du rôle, déposée le 24 juillet 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Claude BLESER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Monsieur … SCHMITZ, retraité, demeurant à L-…, et 2) la société anonyme N. S.A., établie et ayant son siège social à L-…, représentée par son conseil d’administration en fonction, inscrite au registre du commerce et des sociétés à Luxembourg sous le numéro B…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 8 mai 2000, par laquelle ledit ministre a refusé de délivrer une autorisation de commerce à Monsieur SCHMITZ, préqualifié, pour le compte de la société anonyme N. S.A., préqualifiée, en vue de l’exercice d’une activité de commerce de moyens de transport automoteurs, de bateaux et d’articles de voile;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Claude BLESER, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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En date du 1er avril 1999, Monsieur … SCHMITZ, retraité, demeurant à L-…, agissant par le biais de la société anonyme E. S.A., présenta au ministère des Classes moyennes une demande en obtention d’une autorisation de commerce pour le compte de la société anonyme N. S.A., établie et ayant son siège social à L-1140 Luxembourg, 12, route d’Arlon, en vue de l’exercice d’une activité de commerce de moyens de transport automoteurs, de bateaux et d’articles de voile.

Par décision du 21 octobre 1999, le ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, ci-après dénommé le « ministre », suite à un avis défavorable émis le 20 octobre 1999 par la commission prévue par l’article 2 de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l'accès aux professions d'artisan, de commerçant, d'industriel ainsi qu'à certaines professions libérales, ci-après dénommée la « loi d’établissement », refusa implicitement de faire droit à cette demande et sollicita des pièces supplémentaires, à savoir: « à défaut de diplômes scolaires, une attestation certifiant une activité de trois ans dans un commerce des branches visées conformément à la directive 68/364/CEE du 15 octobre 1968 (commerce de détail) (…) », ainsi qu’un extrait du casier judiciaire du pays de provenance et une déclaration de non-faillite personnelle sous le serment devant notaire, illimitée dans le temps et l’espace.

Suite à la production de différentes pièces par les requérants, un réexamen et un nouvel avis défavorable émis le 3 janvier 2000 par la commission prévue par l’article 2 de la loi d’établissement, le ministre confirma par lettre du 18 janvier 2000 sa décision antérieure du 21 octobre 1999.

Suite à une demande de réexamen du dossier sur base des pièces et documents remis, adressée le 23 mars 2000 au ministre par l’actuel mandataire de Monsieur SCHMITZ et de la société anonyme N. S.A., le ministre, se ralliant à un nouvel avis défavorable émis le 19 avril 2000 par la commission consultative précitée, maintint, par décision du 8 mai 2000, ses décisions antérieures de refus en précisant « à toutes fins utiles (…) que les attestations produites par le sieur … SCHMITZ ne renseignent pas sur les branches commerciales visées.

Par conséquent je suis au regret de ne pouvoir réserver une suite à votre requête dans l’état actuel du dossier en me basant sur les dispositions de l’article 3 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988 ».

A l’encontre de la dernière décision de refus en date, Monsieur SCHMITZ et la société anonyme N. S.A. ont fait introduire un recours en annulation par requête déposée le 24 juillet 2000.

Etant relevé que l’article 2 alinéa 6 de la loi d’établissement dispose expressément que le tribunal administratif statue comme juge d’annulation en la présente matière, le recours en annulation introduit à l’encontre de la décision litigieuse, non autrement contesté sous ce rapport, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond, les demandeurs reprochent en premier lieu à la commission consultative et au ministre la motivation vague et imprécise du refus d’autorisation moyennant simple renvoi à une instruction administrative qui leur serait totalement étrangère. Ils soutiennent encore que le ministre aurait omis de préciser « sur base de quels motifs la commission aurait émis un avis supposé négatif » et qu’ils n’auraient pas été en mesure d’assurer la défense de leurs intérêts, « alors que rien ne permettait de prévoir, au vu des pièces et renseignements fournis en cause, que la demande serait refusée ».

En second lieu, ils font valoir que les attestations produites renseigneraient avec précision les branches commerciales visées et notamment le commerce de gros, demi-gros en vêtements prêt-à-porter, confection pour homme, dame et enfants ainsi qu’à partir du 1er juin 1995, un commerce d’import/export, commerce de gros à départements multiples, ainsi que l’activité d’intermédiaire commercial, en tant que dirigeant d’entreprise d’une société de droit belge dénommée W. s.p.r.l..

2 Ils en concluent que Monsieur SCHMITZ aurait « exercé une activité pendant au moins trois ans au moins dans une des branches du commerce visées par la directive 68/364/CEE du 15 octobre 1968, telle que cela résulte des attestations délivrées en date du 15 avril 1999 par le ministère belge des classes moyennes et de l’agriculture ».

Enfin, ils demandent l’allocation d’une indemnité de procédure sur base de l’article 240 du nouveau Code de procédure civile d’un import de 40.000.- francs.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen fondé sur une absence de motivation suffisante.

Le délégué du gouvernement fait encore valoir que Monsieur SCHMITZ resterait en défaut d’établir une qualification suffisante pour obtenir l’autorisation d’établissement sollicitée.

Concernant les reproches des demandeurs tirés d’un défaut de motivation suffisante de la décision ministérielle attaquée et de l’avis de la commission prévue par l’article 2 de la loi d’établissement, il est vrai que le règlement grand-ducal modifié du 18 janvier 1989 déterminant la composition et le fonctionnement de la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement exige dans son article 5 alinéa 3 que l’avis de la commission doit être dûment motivé.

Il est vrai encore qu’en application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes, toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et une décision refusant de faire droit à la demande de l’intéressé doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et les circonstances de fait à sa base.

Il convient encore d’y ajouter qu’en la présente matière, aux termes de l’article 2 alinéa 2 de la loi d’établissement, « lorsque l’autorisation est refusée, la décision ministérielle doit être dûment motivée ».

Ceci étant, en l’espèce, force est de constater qu’il se dégage tant de la décision ministérielle querellée que de l’avis consultatif précité du 19 avril 2000, auquel il est expressément renvoyé par le ministre compétent, que tant l’avis consultatif défavorable que la décision ministérielle de refus d’accorder l’autorisation de faire le commerce sollicitée sont basés sur un défaut de preuve d’une qualification professionnelle suffisante dans le chef de Monsieur SCHMITZ, au motif que les attestations produites en cause omettraient de préciser l’exercice d’une activité pendant au moins trois années dans les branches envisagées. La décision ministérielle quant à elle précise en outre expressément la base légale considérée, à savoir l’article 3 de la loi d’établissement.

Il s’ensuit que l’avis consultatif n’encourt pas de reproche quant à l’indication d’une motivation suffisante au regard des exigences de l’article 5 alinéa 3 du prédit règlement grand-

ducal du 18 janvier 1989. De même, il se dégage des considérations qui précèdent que le ministre a indiqué une motivation suffisamment précise tant en droit qu’en fait, qui a mis les demandeurs en mesure d’assurer la défense de leurs intérêts.

Il s’ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation suffisante de la décision attaquée et de l’avis de la commission doit être rejeté dans ses deux branches.

3 Concernant le second moyen d’annulation proposé, par lequel les demandeurs soutiennent que les attestations produites en cause établiraient à suffisance que Monsieur SCHMITZ dispose de la qualification professionnelle requise en vue de l’exercice des branches d’activités envisagées, il échet de constater qu’aux termes des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 3 de la loi d’établissement « l’autorisation ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente les garanties nécessaires d’honorabilité et de qualification professionnelles ». Au cas où l’autorisation est à émettre au nom d’une société, la personne chargée de la gestion ou de la direction de l’entreprise devra satisfaire, conformément à l’alinéa 2 du même article 3, les mêmes conditions que celles qui sont imposées aux particuliers en vertu de l’alinéa 1er précité.

En l’espèce, la société demanderesse N. S.A. entend exercer une activité de commerce de moyens de transport automoteurs, de bateaux et d’articles de voile, de sorte qu’en application des dispositions précitées, la qualification professionnelle doit être remplie dans le chef de la personne chargée de la gestion de la société, c’est-à-dire dans le chef du demandeur … SCHMITZ.

Etant donné qu’il est constant en cause que Monsieur SCHMITZ ne dispose pas de diplômes scolaires dans les branches commerciales pour lesquelles l’autorisation est sollicitée, il doit, en principe, pouvoir se prévaloir d’un stage de trois années dans les différentes branches de commerce envisagées (articles 7 de la loi d’établissement et 2 du règlement grand-ducal du 12 avril 1963 fixant les conditions de qualification professionnelle).

Les demandeurs entendent se prévaloir de la possibilité dérogatoire au principe précité prévue par le droit communautaire (cf. notamment la directive du conseil n° 68/364/CEE du 15 octobre 1968 relative aux modalités des mesures transitoires dans le domaine des activités non salariées relevant du commerce de détail), au voeu duquel les ressortissants communautaires qui ont effectué une activité professionnelle antérieure dans un autre Etat membre de l’Union européenne peuvent produire, au titre de la reconnaissance d’une qualification professionnelle adéquate, une attestation certifiant une activité de trois années dans les branches envisagées.

Plus particulièrement, ils estiment rapporter cette preuve par « des attestations C.E. » relatives aux activités exercées par Monsieur SCHMITZ en Belgique, émises le 15 avril 1999 par le ministère belge des Classes moyennes et de l’Agriculture.

Il convient de relever que les attestations produites en cause attestent que Monsieur SCHMITZ a exercé, en tant que dirigeant d’entreprise, 1) du 17 juin 1985 au 28 décembre 1998, une activité de « commerce de détail en vêtements, prêt-à-porter, confection pour hommes, dames, garçonnets et fillettes, trousseau du premier âge » et 2) à partir du 1er juin 1995, une activité de « commerce de détail à départements multiples, sauf produits réglementés », respectivement une activité « d’import-export, commerce de gros à départements multiples sauf produits réglementés, intermédiaire commercial ».

Il convient encore de noter qu’il ressort d’une lettre du 20 novembre 2000 adressée au mandataire des demandeurs par le ministre belge de l’Agriculture et des Classes moyennes, en réponse à une demande relativement à la signification plus précise de la mention « département multiple » employée, que cette formule générale a été employée « parce que seule cette activité était reprise sur l’immatriculation au registre du commerce.

Vous comprendrez dès lors qu’il n’aurait pas été possible, sur une attestation destinée aux autorités d’un autre Etat, d’apporter davantage de précisions concernant cette activité 4 puisque ces précisions ne figuraient pas sur l’immatriculation au registre du commerce de Monsieur … SCHMITZ ».

Dans la mesure où les attestations produites n’indiquent pas que Monsieur SCHMITZ a exercé des activités dans les branches du commerce pour lesquelles l’autorisation est sollicitée, à savoir le commerce de moyens de transport automoteurs, de bateaux et d’articles de voile, mais uniquement des activités commerciales, voire industrielles ou artisanales, dans l’habillement ainsi qu’une activité de commerce à « départements multiples », sans aucune autre précision, le ministre a valablement pu conclure que la preuve de la qualification professionnelle requise n’a pas été rapportée.

En effet, il n’y a même pas lieu de suivre le raisonnement du délégué du gouvernement selon lequel il faudrait présumer que les départements multiples sont apparentés à l’activité qui est décrite avec précision, à savoir l’habillement, mais il y a lieu de retenir tout simplement qu’il est un propre de cette formulation générale et abstraite de ne rien comporter de particulier et de ne pas faire référence à la réalité concrète, de sorte que rien ne saurait être dégagé des attestations produites quant à la nature exacte des « activités de commerce à départements multiples » déployées par Monsieur SCHMITZ dans le passé.

Le second moyen laisse également d’être fondé et est à abjuger.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours est à déclarer non fondé.

Abstraction faite de ce que la faculté pour le tribunal administratif d’allouer une indemnité de procédure trouve son fondement dans l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et non pas dans l’article 240 du nouveau Code de procédure civile, la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les demandeurs est à rejeter comme n’étant pas fondée au motif qu’eu égard à la solution du litige, les conditions légales ne sont pas remplies en l’espèce.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en la forme, au fond le déclare non justifié et en déboute;

déclare la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par les demandeurs non fondée, condamne les demandeurs aux frais.

5 Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 31 janvier 2001 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s.Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12144
Date de la décision : 31/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-31;12144 ?

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