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31/01/2001 | LUXEMBOURG | N°10745

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 31 janvier 2001, 10745


Tribunal administratif N° 10745 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 1998 Audience publique du 31 janvier 2001

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Recours formé par l'administration communale de Rambrouch contre une décision du ministre de l'Intérieur, en présence du syndicat intercommunal SYCOPAN, en matière d'exécution du budget communal

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Tribunal administratif N° 10745 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 1998 Audience publique du 31 janvier 2001

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Recours formé par l'administration communale de Rambrouch contre une décision du ministre de l'Intérieur, en présence du syndicat intercommunal SYCOPAN, en matière d'exécution du budget communal

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J U G E M E N T Vu la requête déposée le 9 juin 1998 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l'administration communale de Rambrouch, agissant par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à L-8801 Rambrouch, à la maison communale, 19, rue Principale, tendant à la réformation, subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l'Intérieur du 6 avril 1998 ayant établi deux mandats d'office ordonnant au receveur communal de procéder au paiement de la somme totale de a+b,- francs à titre de contribution, pour l'année budgétaire 1997, de la part due par la commune de Rambrouch au titre de participation aux dépenses du syndicat intercommunal SYCOPAN, Syndicat Intercommunal du Parc Naturel de la Haute Sûre, établissement public, établi et ayant son siège à L-9640 Boulaide, mairie de Boulaide, 3, rue de la Mairie;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 19 juin 1998, portant signification dudit recours au syndicat intercommunal préqualifié, représenté par le président de son comité actuellement en fonctions;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 octobre 1998;

Vu le mémoire en réponse déposé le 18 février 1999 au greffe du tribunal administratif par Maître Lucien WEILER, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, pour le compte du syndicat intercommunal SYCOPAN, préqualifié;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 19 février 1999, portant signification dudit mémoire en réponse à l'administration communale de Rambrouch;

Vu le jugement avant dire droit du 17 mai 1999;

2 Vu le mémoire supplémentaire déposé le 18 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Fernand ENTRINGER au nom de l'administration communale de Rambrouch;

Vu l'exploit de l'huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 22 août 2000, portant signification dudit recours au syndicat intercommunal préqualifié;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, et Maîtres Fernand ENTRINGER ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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En sa qualité de membre, de 1988 à 1998, du syndicat intercommunal SYCOPAN, Syndicat Intercommunal du Parc Naturel de la Haute Sûre, établissement public, établi et ayant son siège à L-9640 Boulaide, mairie de Boulaide, 3, rue de la Mairie, ci-après dénommé "le syndicat", l'administration communale de Rambrouch, établie à L-8801 Rambrouch, à la maison communale, 19, rue Principale, en abrégé "la commune", se vit adresser deux factures, portant l'une et l'autre la date du 21 janvier 1997, établies par ledit syndicat, de respectivement a,- francs et b,- francs, ces sommes représentant les dotations aux dépenses ordinaires et extraordinaires du syndicat pour l'exercice 1997.

Dans la suite, un échange de correspondance s'engagea entre la commune et le ministère de l'Intérieur concernant la justification des sommes réclamées à la commune.

Celle-ci fit savoir, notamment par des lettres datées des 25 juillet 1997 et 12 mars 1998, qu'elle considérait le montant mis à sa charge comme excessif, les crédits consentis au syndicat SYCOPAN ayant été dépassés et des crédits supplémentaires n'ayant pas été accordés suivant les procédures en vigueur.

Par lettre du 6 avril 1998, le ministre de l'Intérieur, estimant que la contribution de la commune constitue une dépense obligatoire au sens de l'article 119 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 et de l'article 9 de la loi modifiée du 14 février 1900 concernant la création des syndicats de communes, joignit deux mandats d'office de paiement sur les montants respectifs de a,- et b,- francs, établis en application de l'article 133 de la loi communale. Dans le même courrier, il rendit la commune attentive à la possibilité d'un éventuel recours contre sa décision auprès du tribunal administratif.

Dans un courrier du 23 avril 1998, destiné à compléter celui du 6 avril précédent, il précisa que l'ordre de paiement émis par lui était susceptible, d'une manière générale, d'un recours contentieux, sans que celui-ci ne dût être basé nécessairement sur l'article 121 de la loi communale.

Par requête du 9 juin 1998, la commune a introduit un recours tendant principalement à la réformation, et subsidiairement à l'annulation de la décision ministérielle du 6 avril 1998 ainsi que des deux mandats du même jour. Elle demande, au besoin, la restitution de la somme de a+b,- francs.

Elle a repris en substance les doléances exprimées dans ses courriers des 25 juillet 1997 et 12 mars 1998 pour faire valoir que l'examen du rapport de vérification du compte de l'exercice 1996 du syndicat a fait apparaître une dépense de x,- francs, alors qu'un devis de y,-

3 francs avait été voté par le comité syndical le 10 novembre 1992. Elle refuse de payer le montant qui lui est actuellement réclamé, et qui représente sa part dans les dépenses supplémentaires qu'elle qualifie de "non justifiées et injustifiables, voire illégales." Elle a fait plaider que la dépense dont le paiement lui est actuellement réclamé tombe sous le champ d'application de l'article 121 de la loi communale qui prévoit qu'en cas de dépenses obligatoires intéressant plusieurs communes, elles y concourent proportionnellement. Elle a estimé que l'article 133 de la même loi, sur lequel le ministre de l'Intérieur s'est basé pour établir les deux mandats litigieux, ne permet à celui-ci d'établir de tels mandats que lorsqu'une commune refuse ou omet d'ordonnancer des dépenses que la loi met à sa charge, et non en cas de dépenses simplement obligatoires mais non prévues par la loi, le ministre n'étant pas le gardien de la légalité de ces dépenses et n'étant partant pas légalement autorisé d'établir à leur sujet des mandats de paiement.

Par jugement avant dire droit du 17 mai 1999, le tribunal administratif a retenu que la contribution de la commune au budget des recettes du syndicat est une dépense obligatoire;

que le syndicat en question étant créancier, à l'égard des communes membres, des contributions de celles-ci, la dépense afférente tombe dans le champ d'application de l'article 133 de la loi communale qui autorise le ministre de l'Intérieur à émettre un mandat de paiement en cas d'omission ou de refus de payer.

Répondant par ailleurs à l'argument du délégué du gouvernement tiré de ce qu'en date du 19 novembre 1997, le budget rectifié de 1997 du syndicat avait été voté par le comité du syndicat avec 8 voix pour, 2 voix contre et 2 abstentions, fait non contesté par la commune, le tribunal a estimé qu'un tel vote n'empêche pas, cependant, la commune, dans le cadre de son recours contentieux dirigé contre les mandats émis pour forcer la commune à se conformer au résultat de ce vote, de contester, par voie d'exception, la légalité des décisions prises par le comité du syndicat, une éventuelle illégalité de ces décisions entraînant, par voie de conséquence, celle des mandats. Il a refixé l'affaire à une audience ultérieure pour permettre aux parties de conclure quant à la légalité de la délibération du syndicat du 19 novembre 1997 et de verser les pièces nécessaires à l'appréciation de cette question.

Dans la suite, la commune a versé un mémoire supplémentaire et des pièces additionnelles, tandis que l'Etat et le syndicat n'ont plus pris position ni versé des pièces.

Le jugement à rendre sera malgré tout un jugement contradictoire, étant donné que le jugement avant dire droit n'a pas dessaisi le tribunal.

L'Etat et le syndicat se sont bornés à affirmer qu'en ordonnant que la dépense votée par ledit syndicat soit immédiatement payée face au refus du collège des bourgmestre et échevins de la commune de l'ordonnancer, le ministre de l'Intérieur a agi conformément aux prévisions de la loi communale et qu'il n'a donc pas outrepassé ses devoirs.

La légalité de la décision du ministre de l'Intérieur est cependant tributaire de la légalité de la décision dont il a entendu assurer la sanction, à savoir la délibération du comité du syndicat du 19 novembre 1997 ayant approuvé majoritairement le budget rectifié de 1997.

Or, la légalité de cette délibération ne se dégage pas du seul fait que celle-ci a été prise à la majorité. Au contraire, pour être à l'abri d'une contestation ultérieure par le biais d'une exception d'illégalité, la délibération doit, au-delà de son caractère immédiatement exécutoire 4 moyennant l'approbation ministérielle, être conforme à l'ensemble des dispositions légales et réglementaires s'imposant à l'action du syndicat, et, par conséquent, également des dispositions régissant l'engagement de dépenses par ledit syndicat.

La commune est partant en droit, même après le vote ayant approuvé les dépenses litigieuses et malgré le paiement de ces dépenses après l'établissement de mandats d'office de paiement, de contester devant le juge administratif la légalité des dépenses afférentes.

La commune invoque principalement l'inobservation, par le syndicat, des dispositions de la loi modifiée du 4 avril 1974 concernant le régime des marchés publics de travaux et de fournitures.

L'article II, 1° de ladite loi dispose que les marchés pour compte des communes – auxquelles sont assimilés les syndicats de communes – font l'objet de contrats à passer par adjudication publique.

Il est vrai que l'article II, 2° prévoit un certain nombre de dérogations à cette règle générale, mais aucune de ces dérogations ne se trouve vérifiée en l'espèce. En particulier, le montant total du ou des marchés supplémentaires ayant engendré les dépenses additionnelles dépassent les sommes maximales telles que déterminées par le règlement grand-ducal modifié du 10 janvier 1989 portant exécution du chapitre 2 de la loi précitée du 4 avril 1974. Le syndicat n'a par ailleurs pas constaté par une délibération motivée l'impossibilité de recourir à une adjudication publique, les conditions prévues à l'article II, 2°, sub 1) à 7) pour la validité d'une telle délibération, si elle avait été prise, ne se dégageant par ailleurs pas des pièces versées.

S'il est vrai, en outre, que l'article 9 du règlement grand-ducal précité du 10 janvier 1989 envisage des dérogations importantes ultérieures au projet approuvé, et que ces dérogations doivent faire l'objet de l'allocation d'un crédit budgétaire supplémentaire à approuver respectivement par le conseil communal ou le comité du syndicat, la décision d'approbation devant pour le surplus faire l'objet d'une approbation par l'autorité supérieure, la disposition en question ne concerne que la décision d'engager une dépense supplémentaire, mais ne permet en aucune manière de déroger à l'obligation légale de passer par une adjudication publique dès lors que l'importance de la dépense l'exige.

En l'espèce, au vu des pièces versées et en l'absence d'explications livrées par l'Etat ou le syndicat, le tribunal ne se trouve pas en présence d'éléments lui permettant de conclure à une dispense de passer par l'adjudication publique des dépenses supplémentaires qui font l'objet du présent litige.

Dans ce contexte, il importe de relever qu'il se dégage du rapport de vérification du compte de l'exercice 1996 du syndicat, établi le 11 juin 1997 par le service de contrôle de la comptabilité des communes près le ministère de l'Intérieur, qu'à part une dépense de z,- francs représentant les intérêts sur une ligne de crédit dûment votée et approuvée, aucune autre dépense n'a dispensé le syndicat de procéder à des adjudications publiques. C'est ainsi qu'il ne se dégage pas des pièces en quoi le syndicat aurait pu renoncer à une adjudication publique concernant des "frais d'acquisition", non autrement spécifiés, de t,- francs, le service de contrôle se bornant à relever que la dépense afférente avait été préalablement approuvée par le comité du syndicat et l'autorité supérieure. – Concernant une dépense de u,- francs concernant des honoraires pour travaux de planification, le service de contrôle relève lui-même qu'il s'agit 5 de frais à charge du ministère de l'Aménagement du territoire. – Une dépense de p,- francs pour frais d'"exposition parc", n'est pas autrement expliquée, sauf que le service de contrôle relève qu'un devis supplémentaire aurait dû être voté, de sorte que suivant les propres conclusions du service en question, la dépense n'a pas été régulièrement engagée. – Le service de contrôle qualifie d'imprévue la dépense de q,- francs engagée par le syndicat pour la construction d'une cafétéria par la commune d'Esch-sur-Sûre. Une telle dépense ne saurait cependant être qualifiée d'imprévue au sens de la loi du 4 avril 1974, précitée, dans ce sens qu'elle aurait dispensé le syndicat de passer par une adjudication publique. De toute manière, une délibération afférente, telle qu'exigée par l'article II, 2°, e), 7) de la loi en question, fait défaut. – Il en est de même de la dépense de l,- francs relative à la construction de murs de soutènement, ainsi que de celles de k,- et m,- francs relatives à la lutte contre les inondations.

– Le service de contrôle retient finalement "un dépassement de devis non justifié de +/- n,-

francs", qui s'ajoute aux irrégularités ci-avant retenues.

En l'état des informations mises à la disposition du tribunal, celui-ci vient à la conclusion qu'à l'exception de la proportion dans laquelle la commune de Rambrouch doit supporter la dépense de z,- francs, l'ensemble des dépenses faisant l'objet des deux factures établies le 21 janvier 1997 par le syndicat à charge de ladite commune l'ont été à défaut de base légale. Les deux mandats d'office établis à sa charge le ministre de l'Intérieur le 6 avril 1998 sont partant illégaux dans la même mesure.

En vertu de l'article 121 de la loi communale, qui institue en la matière un recours au fond, mais en considération du fait que les pièces versées ne mettent pas le tribunal en mesure de déterminer la proportion dans laquelle la dépense légalement engagée est à charge de la commune de Rambrouch, il y a lieu, dans le cadre du recours en réformation, d'annuler les deux mandats d'office en question et de renvoyer l'affaire devant le ministre de l'Intérieur aux fins de déterminer le montant dû par ladite commune en application des principes retenus dans le présent jugement.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, vidant le jugement avant dire droit du 17 mai 1999, déclare le recours en réformation fondé, dans le cadre de ce recours, annule les deux mandats d'office de paiement de respectivement a,- et b,- francs établis le 6 avril 1998 par le ministre de l'Intérieur à charge de l'administration communale de Rambrouch, renvoie l'affaire devant ledit ministre, condamne l'Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 31 janvier 2001 par:

M. Ravarani, président, M. Campill, premier juge, M. Schroeder, juge, 6 en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 10745
Date de la décision : 31/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-31;10745 ?

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