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29/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12267

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 janvier 2001, 12267


N° 12267 du rôle Inscrit le 24 août 2000 Audience publique du 29 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … MATHAY, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de traitement

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12267 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 août 2000 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tablea

u de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MATHAY, professeur de doctrine...

N° 12267 du rôle Inscrit le 24 août 2000 Audience publique du 29 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … MATHAY, … contre une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative en matière de traitement

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12267 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 août 2000 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MATHAY, professeur de doctrine chrétienne, demeurant à L- …, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 26 mai 2000 limitant le versement de traitements dus rétroactivement à une période de cinq ans ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 octobre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2000 par Maître Edmond DAUPHIN au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées au dossier et plus particulièrement la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Edmond DAUPHIN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 janvier 2001.

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Monsieur … MATHAY, professeur de doctrine chrétienne, affecté au Lycée …, demeurant à L- … , entra en service le 15 septembre 19.. et obtint sa nomination au grade de traitement E05 par décision du 1er décembre 1976.

Par courrier du 9 novembre 1999 il s’adressa au ministre de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, ci-après appelé « le ministre de l’Education nationale », pour solliciter l’homologation de son diplôme de licence en théologie catholique de l’Université des Sciences Humaines de Strasbourg lui délivré en date du 21 septembre 1976, ainsi que son avancement au grade de rémunération E07 au motif que son diplôme de licencié en théologie sanctionnerait non pas trois, mais cinq années d’études, de sorte qu’au moment de sa nomination en date du 1er décembre 1976, il aurait été en droit d’accéder au grade E06 et qu’au moment de la promulgation de la loi du 22 juin 1989 portant modification de la loi modifiée du 10 mai 1968 portant réforme de l’enseignement, il aurait rempli toutes les conditions requises pour obtenir le grade E07 avec les privilèges y attachés. Il sollicita partant sa promotion au grade de rémunération E07 avec tous les avantages actuels et rétroactifs y attachés.

Par courrier datant du 9 mars 2000, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ci-après appelé « le ministre de la Fonction publique », sous la signature de son secrétaire d’Etat, auquel le dossier fut transmis, s’adressa au ministre de l’Education nationale comme suit :

« Suite à votre communication dans l’affaire sous rubrique, j’ai l’honneur de vous informer que le reclassement de Monsieur MATHAY se fera moyennant un arrêté à prendre par vos soins.

Dès réception de cet arrêté, les services de l’Administration du Personnel de l’Etat procéderont aux paiements des rémunérations dues en conséquence.

Je me permets d’ajouter qu’en raison de la prescription quinquennale des actions en paiement, que l’Etat peut opposer aux termes de l’article 2277 du Code Civil, le paiement rétroactif des suppléments de rémunération dus à l’intéressé ne se fera que pour les cinq années précédant sa demande, même si le reclassement de Monsieur MATHAY sera effectué à partir de la date de sa nomination ».

Monsieur MATHAY s’adressa alors par l’intermédiaire de son mandataire au ministre de la Fonction publique par courrier du 20 mars 2000, en faisant valoir que la conclusion concernant la prescription quinquennale tirée de l’article 2277 du code civil serait malfondée en droit, alors que le délai de prescription n’aurait jamais pu commencer à courir du fait qu’il aurait ignoré que la rémunération par lui touchée n’aurait pas été celle correspondant au grade E07, de sorte que faute d’avoir pu se savoir être créancier de l’Etat, il n’aurait pas pu agir en paiement.

Par arrêté datant du 28 mars 2000, le ministre de l’Education nationale décida que Monsieur MATHAY « pourra être reclassé au grade E7 » au motif qu’il « remplit toutes les conditions requises prévues à l’article 5 de la loi du 22 juin 1989 portant modification de la loi modifiée du 10 mai 1968 portant réforme de l’enseignement, titre VI : de l’enseignement secondaire pour être reclassé au grade E07 prévu à l’annexe A – Classification des fonctions – la rubrique IV. – Enseignement – de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat ».

A la suite d’une lettre de rappel du 23 mai 2000 adressée par le mandataire de Monsieur MATHAY au ministre de la Fonction publique au sujet de son courrier prérelaté du 20 mars 2000, ledit ministre, par courrier du 26 mai 2000, prit position par rapport à la demande lui adressée en confirmant que les suppléments de rémunérations résultant du reclassement de Monsieur MATHAY ne seront payés que sur les cinq dernières années précédant la demande de l’intéressé, ceci en vertu de la prescription quinquennale prévue à l’article 2277 du code civil. Il refuta plus particulièrement l’argument avancé pour compte de Monsieur MATHAY tiré d’une impossibilité morale d’agir dans son chef en tant que créancier en faisant valoir que « les barèmes correspondant aux différents grades et fonctions des agents de l’Etat sont publiés et publics. Chaque intéressé, et en premier lieu l’intéressé lui-même, a dès lors la possibilité de les consulter pour vérifier si les rémunérations qui lui sont allouées correspondent à celles qui lui sont effectivement dues. En présence des fiches de rémunération reprenant en détail tous les éléments de la rémunération et communiquées mensuellement à tout agent de l’Etat, le fait de ne pas se rendre compte d’un classement non conforme relève plutôt d’une négligence de la part de l’intéressé. Monsieur MATHAY aurait 2 à tout moment eu la possibilité de consulter les barèmes prévus par la loi, que nul n’est d’ailleurs censé ignorer ».

A l’encontre de cette décision confirmative prérelatée du 26 mai 2000, Monsieur MATHAY a alors fait introduire un recours en annulation pour excès de pouvoir et violation de la loi par requête déposée en date du 24 août 2000.

Le délégué du Gouvernement conclut d’abord à l’irrecevabilité dudit recours en annulation au motif que seul un recours en réformation serait prévu en la matière.

Conformément à l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé « le statut général », « les contestations auxquelles donneront lieu les décisions relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat sont de la compétence du tribunal administratif statuant comme juge du fond (…) ».

Pour conclure à la non-applicabilité de cette disposition légale en l’espèce, le demandeur fait valoir dans son mémoire en réplique que le litige sous examen n’aurait pas pour objet la fixation de son traitement, que par ailleurs ce traitement ne ferait l’objet d’aucune contestation de sa part et que si originairement le litige aurait porté sur un problème de reclassement, la décision de reclassement du 28 mars 2000 prérelatée aurait mis fin à ce litige, de sorte que seule la décision de l’exécutif serait actuellement déférée au tribunal selon laquelle le reclassement, opéré rétroactivement à partir de la date de son engagement, ne lui accorderait le bénéfice des suppléments de traitement dus que pour les cinq années précédant sa demande d’admission au grade auquel il a droit de par l’effet de la loi.

S’il est certes vrai que le litige sous examen n’a pas directement trait à la fixation du traitement en principal et accessoires du demandeur, il n’en reste pas moins que la contestation à la base du recours trouve son origine dans une décision relative à la fixation de son traitement, en l’occurrence celle relative à son reclassement au grade E07 datant du 28 mars 2000, de manière à s’analyser en une contestation à laquelle a donné lieu une décision relative à la fixation du traitement au sens de l’article 26 prérelaté du statut général.

Si, dans une matière dans laquelle la loi a institué un recours en réformation, le demandeur conclut à la seule annulation de la décision déférée, le recours est néanmoins recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués et à condition d’observer les règles de procédure spéciales pouvant être prévues et les délais dans lesquels le recours doit être introduit (cf. trib. adm. 3 mars 1997, n° 9693 du rôle, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 1 et autres références y citées), de sorte qu’en l’espèce le recours en annulation est recevable dans la mesure des moyens de légalité invoqués pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que le droit au supplément de traitement à la suite de son reclassement au grade E07 décidé par arrêté ministériel du 28 mars 2000 aurait pris naissance à cette même date, c’est à dire au jour de son reclassement, de sorte que ce serait à partir du 28 mars 2000 seulement que la prescription extinctive de ses droits à des traitements échus et non encore versés aurait pu courir. Il relève plus particulièrement qu’avant cette date il n’aurait disposé d’aucune base légale pour réclamer son dû, étant donné que la créance que représente l’arriéré de traitements ne serait née que le 28 mars 2000, bien 3 que le droit au reclassement et le droit au supplément de traitement ont chacun été fixés rétroactivement au 1er décembre 1976.

Après avoir relevé que ce serait à tort qu’une prescription de cinq ans a été invoquée à l’encontre du demandeur étant donné que depuis sa modification par la loi du 24 mai 1989 l’article 2277 du code civil prévoirait en son alinéa 1er une prescription de trois ans en la matière, le délégué du Gouvernement rétorque, quant au principe même de la prescription, que l’article 2277 du code civil reposerait sur une présomption de négligence du créancier et que contrairement aux affirmations afférentes du demandeur, ce dernier ne se serait pas trouvé dans l’impossibilité morale d’agir en tant que créancier, étant donné que les barèmes correspondant aux différents grades et fonctions des agents de l’Etat sont publiés et publics et peuvent être consultés à tout moment par chaque intéressé. En l’espèce le fait pour le demandeur d’avoir attendu si longtemps démontrerait dès lors à suffisance qu’il n’aurait pas été assez diligent et qu’il aurait utilement pu réclamer avant. Le représentant étatique en déduit que le demandeur se heurterait en l’espèce manifestement à la prescription quinquennale, voire triennale, quant à sa demande de suppléments de traitement au-delà des cinq ans qui lui ont été versés.

Il est de principe qu’un délai de prescription ne saurait courir qu’à partir du moment où l’action peut être exercée par le créancier (Jurisclasseur civil, sub. articles 2260 à 2264, Prescription trentenaire, n° 85), et que la prescription extinctive implique plus particulièrement l’inaction du titulaire du droit pendant un certain temps.

En l’espèce, il est constant que le droit au reclassement rétroactif du demandeur et l’adaptation corrélative de son traitement par lui revendiqués en date du 9 novembre 1999, trouvent leur source directement dans la loi.

La décision de reclassement du 28 mars 2000 n’a partant pas été créatrice de ces droits dans le chef du demandeur, mais en a simplement opéré la reconnaissance, les droits en question ayant existé déjà par l’effet de la loi, même si le demandeur ne s’en était jusque-là pas encore prévalu.

Or, personne n’étant censé ignorer la loi, l’argument du demandeur tendant à faire valoir une impossibilité morale d’agir dans son chef ne saurait être retenu en l’espèce, le demandeur restant en défaut d’établir, voire d’alléguer, au-delà de sa confiance légitime dans les décisions intervenues au mépris de ses droits, une impossibilité dans son chef de s’assurer de la légalité de son classement initial intervenu à travers sa première nomination en date du 1er décembre 1976.

Le demandeur défend encore l’idée que le traitement dû au fonctionnaire est fondé sur une loi d’ordre public et non sur une simple convention entre parties, pour soutenir que l’Etat ne pourrait donc contourner cette loi en tirant avantage d’une disposition du droit civil, qui, elle, ne serait pas d’ordre public, et dont l’application ou la non application relèveraient de son bon vouloir. A l’appui de cet argument il fait valoir plus particulièrement qu’en invoquant une prescription de cinq ans alors qu’actuellement l’article 2277 du code civil prévoit une prescription de trois ans pour les actions en paiement des salaires, l’Etat démontrerait qu’il ne considère pas cette disposition comme d’ordre public et qu’il se réserve le droit d’agir en la matière selon son bon vouloir. Il relève par ailleurs que la question de la prescription de la rémunération ne se poserait pas en l’espèce pour avoir pris fin au moment où le reclassement au grade E07 lui a été accordé, étant donné qu’à son sens ce serait seule l’action en obtention 4 du reclassement qui aurait pu se prescrire, mais qu’en cette matière la prescription serait de trente ans.

La prescription extinctive sanctionne l’inaction prolongée du titulaire d’un droit et non l’obligation - qu’il n’a pas - d’exercer ce droit avec la conséquence que le titulaire du droit présent ne peut plus s’en prévaloir, ceci abstraction faite de la possibilité pour le débiteur d’exécuter quand même l’obligation prescrite, voire d’allonger, serait-ce même par erreur, le délai légal de la prescription. Aussi la renonciation à la prescription, lorsqu’elle est possible, constitue-t-elle toujours un acte unilatéral qu’il appartient au seul renonçant de poser sans que le créancier puisse l’y contraindre.

S’il est certes vrai que les règles sur la prescription inscrites à l’article 2277 du code civil ne s’appliquent pas au droit à un reclassement dans son principe, il ne saurait cependant en être de même du droit au paiement des arriérés de rémunération s’en dégageant, étant donné que ces deux droits, tout en étant étroitement liés, ne se confondent pas pour autant et sont soumis, pour le moins en partie, à des dispositions légales distinctes.

Ainsi il découle du libellé de l’article 2277 du code civil qu’une créance de rémunération, qu’elle soit spécifiquement due aux salariés au sens de son alinéa 1er ou simplement payable par année ou à des termes périodiques plus courts au sens de son alinéa 5, est soumise à un délai de prescription, ceci indépendamment de la nature de l’obligation à sa base, le texte de l’article 2277 code civil ayant vocation générale à s’appliquer et ne distinguant pas à cet égard.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours, en ce qu’il tend à la non-application en l’espèce des règles de prescriptions inscrites à l’article 2277 du code civil, laisse d’être fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 janvier 2001 par :

M. Schockweiler, vice-président Mme. Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12267
Date de la décision : 29/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-29;12267 ?

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