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29/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12248

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 janvier 2001, 12248


Numéro 12248 du rôle Inscrit le 18 août 2000 Audience publique du 29 janvier 2001 Recours formé par Monsieur … HALILOVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 12248 du rôle, déposée le 18 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … HAL

ILOVIC, sans état, né le … à Rozaje (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeura...

Numéro 12248 du rôle Inscrit le 18 août 2000 Audience publique du 29 janvier 2001 Recours formé par Monsieur … HALILOVIC, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête, inscrite sous le numéro 12248 du rôle, déposée le 18 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Marc WALCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … HALILOVIC, sans état, né le … à Rozaje (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 31 mai 2000, ainsi que d’une décision confirmative du 31 juillet 2000, les deux portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique comme n’étant pas fondée;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er septembre 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2000 par Maître Marc WALCH pour compte de Monsieur … HALILOVIC;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Louis UNSEN et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 décembre 2000.

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Le 24 janvier 2000, Monsieur … HALILOVIC, sans état, né le … à Rozaje (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- …, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur HALILOVIC fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Monsieur HALILOVIC fut entendu en date du 22 février 2000 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande, une audition complémentaire ayant eu lieu en date du 28 février 2000.

Le ministre de la Justice informa Monsieur HALILOVIC, par lettre du 31 mai 2000, notifiée en date du 26 juin 2000, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants : « (…) Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté le Monténégro il y a environ un an, ensemble avec votre épouse et vos quatre enfants. Vous vous êtes installé avec votre famille à Sarajevo en Bosnie où vous dites avoir trouvé un travail comme chauffeur de camion. Vous affirmez par ailleurs avoir quitté seul Sarajevo le samedi avant votre arrivée au Luxembourg.

Votre épouse et vos quatre enfants sont restés en Bosnie parce que vous n'aviez pas assez d'argent pour les amener avec vous.

Vous avez déposé une demande en obtention du statut de réfugié le 25 janvier 2000.

Vous affirmez qu'à la fin de l'hiver 1999, après le commencement des bombardements, vous avez été convoqué pour la réserve. Vous ne vous êtes pas présenté et vous avez pris la fuite pour aller à Sarajevo. Vous indiquez que vous vous êtes soustrait à la réserve parce que vous auriez dû aller à la guerre au Kosovo. Vous ne voyez pas de motifs pour faire la guerre et tuer des gens et, par ailleurs, vous aviez peur d'être tué.

Lors de votre audition vous avez également affirmé que vous avez quitté le Monténégro à cause de la situation de la guerre. Vous indiquez par ailleurs ne pas être membre d'un parti politique, ni d'avoir d'opinion politique. Vous avez choisi le Luxembourg comme terre d'asile parce que vous avez entendu que le Luxembourg est un pays bien et que vous voulez bâtir un avenir ici pour votre famille. En aucun cas vous ne désirez retourner dans votre pays d'origine, près de la frontière du Kosovo, estimant que la situation là-bas est encore pire qu'avant la guerre.

Vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte de peines du chef d'insoumission n'est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur d'asile une crainte justifiée d'être persécuté dans son pays d'origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

Vous avez également basé votre demande en obtention du statut de réfugié politique sur des motifs d'ordre personnel sans citer un quelconque fait pouvant être considéré comme constituant une persécution ou une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève. Ainsi vous avez plus particulièrement déclaré ne pas avoir d'activités politiques qui pourraient entraîner des persécutions dans votre pays d'origine, mais que vous avez quitté votre pays à cause de la situation générale du pays. De tels motifs ne sauraient toutefois fonder une demande d'asile politique au sens de l'article 1er A §2 de la Convention de Genève.

2 Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Le recours gracieux introduit par le mandataire de Monsieur HALILOVIC en date du 17 juillet 2000 à l’égard de la décision ministérielle précitée fut rencontré par une décision confirmative du 31 juillet 2000.

A l’encontre de ces deux décisions ministérielles de rejet des 31 mai et 31 juillet 2000, Monsieur HALILOVIC a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation par requête déposée le 18 août 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, instaurant un recours au fond en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Le recours subsidiaire en annulation est dès lors irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre une appréciation erronée de sa situation spécifique qui serait telle qu’elle laisserait supposer une crainte légitime de persécution dans son pays d’origine pour l’un des motifs énoncés par la Convention de Genève. Il fait valoir d’abord ne pas avoir donné de suites à sa convocation pour la réserve à la fin de l’hiver 1999 et avoir préféré quitter son pays d’origine alors qu’il refuserait de servir un régime autoritaire dont il désapprouverait complètement la politique et qu’il ne voudrait pas être amené à brandir une arme contre des personnes « qui comme lui se voient contraintes de participer à une guerre totalement injustifiée ». Il soutient que son refus de servir sous les drapeaux de l’armée fédérale yougoslave entraînerait pour lui d’abord un « emprisonnement joint à une panoplie de mauvais traitements » et ensuite des poursuites en tant que déserteur par les autorités serbes pour enfin être traduit devant un tribunal militaire « qui ne manquera pas de le sanctionner gravement ».

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que le recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant 3 compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. Il appartient au demandeur d’asile d’établir avec la précision requise qu’il remplit les conditions prévues pour obtenir le statut de réfugié politique (Cour adm. 19 octobre 2000, Suljaj, n° 12179C du rôle, non encore publié).

Concernant le motif de l’insoumission invoqué par le demandeur, force est de constater que l’insoumission ne saurait, à elle seule, fonder une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A de la Convention de Genève.

En effet, au-delà du fait que le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit avoir déserté l’armée fédérale yougoslave pour des raisons de conscience valables de nature à justifier, en application de la Convention de Genève, la reconnaissance du statut de réfugié politique, il reste encore en défaut d’établir, au-delà de la situation politique exposée de manière générale, concrètement, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la réticence du gouvernement monténégrin de coopérer avec les autorités fédérales en ce qui concerne l’exécution des peines prononcées du chef d’insoumission et de la loi d’amnistie votée par le parlement du Monténégro visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale serbe, qu’une condamnation pour insoumission, le cas échéant encourue, serait effectivement exécutée à son encontre.

Il résulte des développements qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a refusé au demandeur la reconnaissance du statut de réfugié politique, de sorte que le recours sous analyse doit être rejeté comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS Le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 janvier 2001 par:

M. SCHOCKWEILER, vice-président, 4 Mme LENERT, premier juge, M. SCHROEDER, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

SCHMIT SCHOCKWEILER 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12248
Date de la décision : 29/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-29;12248 ?

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