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22/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12223

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 22 janvier 2001, 12223


N° 12223 du rôle Inscrit le 10 août 2000 Audience publique du 22 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … TABACU, … (B) contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12223 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 août 2000 par Maît

re Jean-Marie ERPELDING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au ...

N° 12223 du rôle Inscrit le 10 août 2000 Audience publique du 22 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … TABACU, … (B) contre une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en matière d’homologation des titres et grades étrangers

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12223 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 10 août 2000 par Maître Jean-Marie ERPELDING, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur … TABACU, travailleur intérimaire, demeurant à B-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision de la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche du 30 décembre 1999 portant refus de l’homologation de son diplôme roumain de licencié en sciences juridiques lui délivré en date du 30 septembre 1998 par l’Université Chrétienne “ Dimitrie Cantemir ” de Bucarest ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 novembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2000 au nom du demandeur ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Jean-Louis UNSEN, en remplacement de Maître Jean-Marie ERPELDING et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 janvier 2001.

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Monsieur … TABACU, travailleur intérimaire, demeurant à B-…, s’adressa au ministère de l’Education nationale par courrier datant du 5 novembre 1998 pour solliciter l’homologation de son diplôme de licencié en sciences juridiques, spécialisation droit, lui délivré en date du 30 septembre 1998 par l’Université Chrétienne “ Dimitrie Cantemir ” de Bucarest. La commission d’homologation pour le droit, désignée conformément à l’article 13 du règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 pris en exécution de l’article 3 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres étrangers dans l’enseignement supérieur, et concernant la composition des commissions d’homologation, leurs attributions et la procédure à suivre, ci-après désignée par “ la commission ”, informa la ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle par courrier du 17 décembre 1998 de ce qu’avant tout autre progrès en cause, elle aimerait recevoir un avis d’un institut de droit comparé sur la question de savoir si le droit roumain correspond dans ses conceptions fondamentales aux principes généraux du droit luxembourgeois. Sur base d’un avis afférent émis le 14 décembre 1999 par le directeur de l’Institut de droit comparé de Paris auprès de l’Université Panthéon-

Assas Paris II, la commission émit en date du 22 décembre 1999 à l’unanimité l’avis qu’il y a lieu de refuser l’homologation sollicitée par Monsieur TABACU au motif que l’attestation fournie par l’Institut de droit comparé de Paris “ n’a pas permis d’établir, de l’avis de la commission d’homologation, que le droit roumain correspond dans ses conceptions fondamentales au système juridique luxembourgeois ”, étant donné “ que le droit roumain récent serait, d’après les informations obtenues, en partie d’inspiration suisse, américaine, française, que par ailleurs l’attestation ne se prononce pas sur les origines et les modifications ultérieures éventuelles du droit pénal roumain ”. Sur ce, la ministre de la Culture, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, entre-temps devenue compétente en la matière concernée, a décidé en date du 30 décembre 1999 de refuser l’homologation sollicitée en faisant sienne la motivation à la base de l’avis de la commission du 22 décembre 1999.

Par courrier recommandé expédié en date du 3 mars 2000, Monsieur TABACU a fait introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée datée du 30 décembre 1999, en versant à l’appui de ce recours un avis émis par le directeur de l’Institut de recherches juridiques de l’Académie roumaine du 22 février 2000, retenant en guise en conclusion que “ le système juridique roumain contemporain correspond, dans ses concepts et principes généraux, au système juridique français et forcément à celui luxembourgeois (sic), les éventuelles différences n’ayant qu’une incidence très limitée ”.

Le recours gracieux ainsi introduit ayant été soumis pour avis à la commission, celle-ci, lors de sa réunion du 26 mai 2000, confirma son avis négatif du 22 décembre 1999 au motif que “ la lettre du Directeur de l’Académie Roumaine se limite à mentionner que le code pénal napoléonien a été introduit en 1864 en Roumanie sans préciser par ailleurs les modifications intervenues dans ce droit au cours des 135 années écoulées et sans se prononcer sur le contenu actuel de ce droit par rapport aux conceptions fondamentales du droit pénal luxembourgeois ”.

Par requête déposée en date du 10 août 2000, Monsieur TABACU a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée de la ministre du 30 décembre 1999.

Aucun recours de pleine juridiction n’étant prévu en la matière, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, étant entendu que le délai de recours a été valablement interrompu par le recours gracieux du demandeur du 3 mars 2000 et que, faute d’une nouvelle décision intervenue dans les trois mois depuis la présentation dudit recours, un nouveau délai du recours contentieux a commencé à courir à partir de l’expiration du troisième mois, ceci conformément aux dispositions de l’article 13 (3) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir que la décision ministérielle déférée se baserait essentiellement sur une attestation établie par l’Institut de droit 2 comparé de Paris sans prendre en considération une autre pièce du dossier, à savoir l’attestation établie en date du 7 décembre 1999 par le directeur de l’Institut de recherches juridiques de l’Académie roumaine, dont il résulterait clairement que le droit roumain correspondrait dans ses principes généraux et conceptions fondamentales au droit français.

Il se réfère en outre aux précisions complémentaires fournies par ledit directeur dans un courrier subséquent datant du 22 février 2000 et versé à l’appui de son recours gracieux, pour soutenir que ce serait à tort que la décision déférée, en ce qu’elle relève que l’attestation de l’Institut de droit comparé de Paris ne se prononce pas sur les origines et modifications ultérieures éventuelles du droit pénal roumain, semblerait implicitement admettre que le droit pénal roumain actuel ne correspondrait pas dans ses conceptions fondamentales au droit pénal luxembourgeois. Le demandeur estime qu’une telle conclusion serait hâtive et ne résulterait pas de l’attestation invoquée à sa base, de sorte que la décision déférée devrait encourir l’annulation pour tenir comme établis des faits dont la réalité n’apparaîtrait pas de façon certaine des pièces du dossier, ainsi que pour ne pas avoir pris en considération à leur juste valeur tous les éléments de fait par ailleurs établis en cause.

Le délégué du Gouvernement relève d’abord que le document émanant du directeur de l’Institut de recherches juridiques de l’Académie roumaine versé au dossier par le demandeur dans le cadre de son recours gracieux fut transmis pour avis à la commission, mais que celle-ci est néanmoins arrivée à la conclusion que cette pièce ne serait pas de nature à établir que le droit roumain actuel correspond aux principes fondamentaux du droit luxembourgeois. Il fait valoir plus particulièrement que ni la lettre du directeur de l’Institut de droit comparé de Paris, ni les attestations fournies en cause par le demandeur n’apporteraient en l’espèce des réponses satisfaisantes à la question de la correspondance du droit roumain actuel, et plus particulièrement du droit pénal et du droit administratif, aux conceptions fondamentales du système juridique luxembourgeois. Or, dans la mesure où les deux matières en question sont des matières obligatoires auxquelles l’homologation est subordonnée, ce serait partant à bon droit que le ministre a refusé l’homologation sollicitée, ceci tant en date du 30 décembre 1999 que de manière implicite à travers son silence observé suite au recours gracieux introduit.

Dans son mémoire en réplique le demandeur insiste sur les termes clairs et précis de l’attestation par lui fournie datant du 22 février 2000 qui, en retenant en guise de conclusion que le système juridique roumain correspond dans ses concepts et principes généraux au système juridique français et forcément au système juridique luxembourgeois, aurait nécessairement établi que le droit roumain actuel globalement considéré et partant également le droit pénal et le droit administratif, correspondrait aux principes fondamentaux du droit luxembourgeois, de même qu’elle établirait par ailleurs que le code pénal français a été adopté en 1864 en Roumanie et que les quelques limitations dans son application et abrogations pendant la période communiste n’auraient pas eu pour effet d’ébranler les principes généraux acquis en la matière.

Aux termes de l’article 4 dernier alinéa du règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 fixant les critères d’homologation des titres et grades étrangers en droit “ le droit enseigné doit correspondre dans ses conceptions fondamentales aux principes généraux du système luxembourgeois ”.

3 Il incombe dès lors aux autorités luxembourgeoises de vérifier que le diplôme étranger présenté à l’homologation répond aux exigences du règlement grand-ducal précité. A cet égard, les éléments du droit roumain à apprécier constituent des faits qu’il incombe en principe au demandeur d’établir à l’appui de sa demande.

Pour retenir en l’espèce que l’enseignement sanctionné par le diplôme roumain présenté à l’homologation ne correspond pas dans ses conceptions fondamentales aux principes généraux du système juridique luxembourgeois, la ministre, en l’absence d’informations détaillées et précises afférentes lui soumises par le demandeur, s’est basée sur l’avis de la commission, ainsi que sur une attestation fournie à sa demande par l’Institut de droit comparé de Paris.

Il se dégage des pièces versées au dossier que le directeur de l’Institut de droit comparé de Paris, dans son avis du 14 décembre 1999, plutôt que de présenter comme acquise la correspondance requise dans les matières pertinentes que sont conformément aux dispositions de l’article 4, alinéa 2, du règlement grand-ducal modifié du 18 décembre 1970 précité le droit civil, le droit commercial, le droit pénal, le droit international privé ou public et le droit administratif, tend à mettre en évidence des divergences de nature à révéler une absence de correspondance afférente au moins partielle aux principes généraux du système juridique luxembourgeois.

En effet, il se dégage de l’avis en question qu’un code de la famille d’inspiration soviétique a abrogé les textes respectifs du code civil napoléonien, que parties du code de commerce, initialement repris de son homologue italien, furent abrogées et remplacées respectivement en 1934 par des dispositions d’inspiration suisse, et, plus récemment, par des dispositions sous l’influence du droit américain.

Au-delà des divergences ainsi révélées, les termes de cet avis ne sont par ailleurs pas non plus suffisamment précis pour dégager positivement des traits communs entre les deux systèmes juridiques sous examen, étant donné que concernant le droit public, il y est simplement indiqué qu’après l’abolition du communisme, des transformations profondes ont eu lieu dans le but de lui imprimer les traits et la conception des législations de l’Europe occidentale y compris la France, sans fournir pour autant la moindre précision quant au degré d’assimilation effectivement atteint, voire encore aux branches du droit public y concrètement visées.

S’il est certes vrai que la ministre disposait, au moment où elle a statué, à côté dudit avis du 14 décembre 1999, également d’une attestation fournie par le demandeur et émanant du directeur de l’Institut de recherches juridiques de l’Académie roumaine affirmant que “ le droit roumain correspond dans ses principes généraux et ses structures au droit français. Cette similitude s’explique parmi les autres par le fait que beaucoup de juristes roumains ont étudié en France et que la Roumanie est connue, depuis longtemps, comme pays francophone ”, force est cependant de constater que ledit document ne fournit pas le moindre élément concret à la base de l’affirmation qu’il porte, de sorte que face aux imprécisions et divergences inhérentes à l’attestation prévisée du 14 décembre 1999 rendant impossible l’établissement d’une correspondance dans les conceptions fondamentales entre les principes généraux des systèmes juridiques roumain et luxembourgeois, la ministre a valablement pu refuser l’homologation sollicitée sur base des éléments d’information à sa disposition et au motif par lui retenu.

4 C’est encore à juste titre que le délégué du Gouvernement, à l’instar de la commission dans son avis du 26 mai 2000, soutient que cette appréciation ne saurait être énervée par les explications supplémentaires fournies en cause par le demandeur à travers l’avis complémentaire du directeur de l’Institut de recherches juridiques de l’Académie roumaine du 22 février 2000, étant donné que cet écrit n’apporte pas d’avantage de précisions sur les conceptions fondamentales actuelles des différentes branches du droit roumain concernées.

Aucun autre moyen de nature à énerver la légalité de l’arrêté ministériel déféré tel que confirmé implicitement par le silence et complété quant à sa motivation en cours d’instance contentieuse par le délégué du Gouvernement n’ayant été fourni en cause, il y a lieu de retenir sur base des considérations qui précèdent que le recours en annulation n’est pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne la partie demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 22 janvier 2001 par :

M. Schockweiler, vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12223
Date de la décision : 22/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-22;12223 ?

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