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17/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12314

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 janvier 2001, 12314


N° 12314 du rôle Inscrit le 8 septembre 2000 Audience publique du 17 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … SABOTIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12314 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2000 par Maître François JACQUES, avocat à la Cour, assisté de Maître

Bob PIRON, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d...

N° 12314 du rôle Inscrit le 8 septembre 2000 Audience publique du 17 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … SABOTIC, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12314 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2000 par Maître François JACQUES, avocat à la Cour, assisté de Maître Bob PIRON, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SABOTIC, né le … à Niksic (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 25 juillet 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 septembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 2000 au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Bob PIRON et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 janvier 2001.

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Le 9 mars 1999, Monsieur … SABOTIC, né le … à Niksic (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé “ la Convention de Genève ”.

Monsieur SABOTIC fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

1 Le 10 août 1999, Monsieur SABOTIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 25 juillet 2000, notifiée le 11 août 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur SABOTIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: “ (…) Vous exposez avoir fait votre service militaire en 1996/97 au Monténégro.

Vous auriez reçu deux convocations pour faire la réserve. Vous auriez accepté la première convocation fin décembre 1998 et vous auriez refusé la deuxième en avril ou en mai 2000.

Vous déclarez ne pas avoir d’intérêt à faire la guerre au Kosovo.

Vous ignorez quelles sanctions pourraient vous attendre en raison de votre refus de faire la réserve.

Vous expliquez avoir été membre du parti libéral du Monténégro (LSCG). Vous n’avez pas eu de problèmes à cause de votre adhésion à ce parti.

Vous déclarez vouloir retourner en Yougoslavie quand la situation se sera calmée.

L’unique raison de votre fuite aurait été la guerre au Kosovo.

Force est de constater que le conflit armé au Kosovo s’est terminé en mai 1999.

En outre, la crainte d’une condamnation pénale pour le fait de ne pas avoir accompli ses obligations militaires n’est pas suffisante pour établir une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

De même l’insoumission ne constitue pas, à elle seule, un motif valable pour obtenir le statut de réfugié.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. ” L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le demandeur expose être originaire du Monténégro et de confession musulmane, et explique que le non-accomplissement de ses obligations militaires aurait été 2 exclusivement motivé par son refus de participer à une guerre guidée par des tendances anti-

minoritaires. Concernant plus particulièrement son appartenance au parti libéral du Monténégro (LSCG), il expose encore que ledit engagement politique traduirait clairement sa volonté de s’opposer aux hostilités rencontrées par les minorités ethniques en Yougoslavie. Le demandeur estime dès lors qu’en raison des faits que la situation d’après-guerre demeurerait encore très instable et qu’il avait à l’époque, de par son attitude, clairement affiché ses opinions politiques, il risquerait actuellement de faire l’objet de représailles graves lors d’un retour dans son pays d’origine, de sorte que, contrairement à ce qui a été décidé par le ministre, il aurait établi de manière crédible un risque de persécution en raison de ses opinions politiques dans son chef et serait dès lors en droit de se voir reconnaître le statut de réfugié politique.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur SABOTIC et que le recours laisserait d’être fondé.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste que les faits à la base de sa demande seraient établis à suffisance de droit, de sorte que les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié politique seraient remplies dans son chef.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme “ réfugié ” s’applique à toute personne qui “ craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ”.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est en principe pas conditionnée par la seule situation générale du pays d’origine, mais par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de ses déclarations.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur SABOTIC lors de son audition en date du 10 août 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés en cours de procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit l’existence dans son chef d’une crainte actuelle et justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant en effet le motif de l’insoumission, force est de constater qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine au sens de la Convention de Genève, le demandeur restant en défaut d’établir à suffisance de droit que des traitements discriminatoires peuvent actuellement lui être infligés dans le cadre de son service militaire. Par ailleurs, au vu de l’évolution de la situation actuelle 3 en Yougoslavie et plus particulièrement de la réticence du gouvernement monténégrin de coopérer avec les autorités fédérales en ce qui concerne l’exécution des peines prononcées du chef d’insoumission ou désertion et de la loi d’amnistie votée par le parlement du Monténégro visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale, il reste encore en défaut d’établir qu’une condamnation pour insoumission le cas échéant encourue serait effectivement exécutée à son encontre.

Concernant les activités politiques de Monsieur SABOTIC au parti libéral LSCG, force est encore de constater que si les activités dans un parti d’opposition peuvent le cas échéant justifier des craintes de persécution au sens de la Convention de Genève, il n’en reste pas moins que la simple qualité de membre à elle seule est insuffisante à cet égard. En l’espèce, le demandeur, lors de son audition, a déclaré ne pas avoir eu de problèmes à cause de son adhésion audit parti. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que le demandeur reste en défaut de faire valoir un état de persécution ou une crainte qui seraient tels que la vie, lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine en raison de son appartenance audit parti politique.

Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 janvier 2001 par:

M. Ravarani, président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12314
Date de la décision : 17/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-17;12314 ?

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