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17/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12215a

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 janvier 2001, 12215a


N° 12215a du rôle Inscrit le 8 août 2000 Audience publique du 17 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … FISCHER, … contre deux décisions du ministre de la Santé en matière de changement de fonction

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Revu la requête inscrite sous le numéro 12215 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2000 par Maître Victor GILLEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des av

ocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … FISCHER, médecin chef de service au Laboratoire nat...

N° 12215a du rôle Inscrit le 8 août 2000 Audience publique du 17 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … FISCHER, … contre deux décisions du ministre de la Santé en matière de changement de fonction

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Revu la requête inscrite sous le numéro 12215 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2000 par Maître Victor GILLEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … FISCHER, médecin chef de service au Laboratoire national de Santé, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de la Santé portant la date du 1er décembre 1999 ainsi que de celle confirmative du 5 mai 2000 intervenue sur son recours gracieux du 23 décembre 1999, portant refus de nomination dans son chef au poste vacant de médecin chef de la division de cytologie clinique audit laboratoire ;

Vu le jugement du 6 décembre 2000 par lequel le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, tout en recevant le recours en annulation en la forme et, avant tout autre progrès en cause, tous droits des parties étant réservés, a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de prendre position, à travers un mémoire complémentaire à déposer sous peine de forclusion dans le mois de la notification du dit jugement, sur la question de la compétence de l’autorité administrative ayant pris les décisions déférées ;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 décembre 2000 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 janvier 2001 par Maître Victor GILLEN au nom de Monsieur … FISCHER ;

Revu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Victor GILLEN et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 janvier 2001.

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Considérant que Monsieur … FISCHER, médecin spécialiste en pathologie-cytologie, demeurant à L-…, a été engagé avec effet à partir du 1er juin 1998 en tant que médecin spécialiste en anatomie pathologique auprès du Laboratoire national de Santé, désigné ci-

après par « LNS », et y a été affecté à la division d’anatomie pathologique ;

Que par arrêté grand-ducal du 8 septembre 1998, Monsieur FISCHER a été nommé médecin chef de service au LNS, tout en restant affecté à la division d’anatomie pathologique dudit laboratoire ;

Que par courrier adressé en date du 25 mars 1999 au ministre de la Santé, Monsieur FISCHER s’est exprimé comme suit :

« Monsieur le Ministre, Comme convenu lors de notre entrevue de ce jour, je vous soumets par la présente ma candidature pour le poste de médecin chef de division de la division d’Anatomie/Cytologie pathologiques, poste vacant depuis deux ans et demi.

En vous remerciant d’avance, je vous prie d’agréer, … » ;

Que cette candidature fut réitérée, sinon amplifiée par courrier de son mandataire adressé au ministre de la Santé en date du 21 avril 1999 dont réception fut accusée par courrier ministériel du 27 suivant ;

Que par courrier adressé en date du 22 avril 1999 au directeur du LNS, le ministre de la Santé s’est exprimé comme suit :

« Monsieur le Directeur, Me référant au courrier du Dr. … FISCHER relatif à l’affaire sous rubrique, je voudrais vous informer qu’en vertu d’une décision de principe du Conseil de Gouvernement du 22.7.1977 le fonctionnaire de l’Etat ne peut obtenir une promotion dans sa carrière qu’après un délai d’attente d’une année à partir de sa première nomination. Le Dr. Fischer ayant été nommé médecin chef de service avec effet au 1.9.1998, aucune promotion ne peut donc avoir lieu avant le 1.9.1999.

Par ailleurs, je voudrais relever qu’actuellement le service d’anatomie pathologique du Laboratoire national de Santé est dirigé par un médecin chef de division fonctionnaire de l’Etat tandis que la division de cytologie clinique est gérée par un médecin chef de division faisant fonction ayant la qualité d’employé de l’Etat.

La désignation d’un nouveau chef de division au niveau du service de la cytologie clinique se fera au moment du départ définitif du titulaire actuel et sur proposition de la Direction du Laboratoire national de Santé.

Veuillez agréer, … » ;

Que Monsieur FISCHER s’est adressé au nouveau ministre de la Santé pour lui rappeler sa demande pendante par courrier de son mandataire du 8 septembre 1999, dont réception a été accusée par courrier ministériel du 17 suivant ;

Que le ministre de la Santé a adressé au mandataire de Monsieur FISCHER la prise de position suivante, étant entendu que par lettre sous-relatée du 5 mai 2000, le ministre admet que la date doit se lire comme étant le 1er octobre 1999 :

2 « Maître, Je reviens sur le dossier sous rubrique pour vous communiquer ma prise de position.

L’article 3 de la loi du 21 novembre 1980 portant réorganisation de l’Institut d’hygiène et de santé publique et changeant sa dénomination en Laboratoire national de santé dispose que le Laboratoire national est subdivisé en huit divisions. Cinq divisions à savoir  La division d’anatomie pathologique ;

 La division de bactériologie et de parasitologie ;

 La division de cytologie clinique ;

 La division d’hématologie et  La division de virologie, immunologie et cytogénétique sont dirigées par un médecin-chef de division tandis que les trois unités restantes relèvent de la compétence d’un ingénieur-chef de division. Cette organisation se trouve d’ailleurs confirmée par les fonctions qui sont reprises à l’article 5 de cette même loi qui prévoit cinq médecins-chef de division et trois ingénieurs-chef de division.

Le poste vacant brigué par votre partie existe au niveau de la division de cytologie clinique. Or, il ressort de la correspondance que je vous adresse en annexe que le Dr. … Fischer fut engagé pour renforcer l’effectif de la division d’anatomie pathologique et qu’il fait donc partie de cette division qui est dirigée par un médecin-chef de division qui est toujours en fonction.

L’organisation et la structure des services du Laboratoire national de santé se trouvent donc réglées par la loi précitée et je ne suis pas autorisé à y déroger en attribuant à votre partie une fonction dans une division dont il ne fait pas partie.

Un recours contre la présente décision peut être exercé dans un délai de trois mois à partir de la réception de la présente auprès du tribunal administratif. La requête doit être présentée par un avocat inscrit sur la liste visée sous 1. de l’article 8 paragraphe (3) de la loi sur la profession d’avocat.

Veuillez agréer, … » ;

Que sur recours gracieux de Monsieur FISCHER introduit par courrier de son mandataire du 23 décembre 1999, une entrevue avec le ministre a eu lieu en date du 7 février 2000 au cours de laquelle ce dernier a confirmé ses prises de position antérieures ;

Que par décision du 5 mai 2000, adressée au mandataire de Monsieur FISCHER, le ministre a statué sur le recours gracieux lui soumis comme suit :

« Maître, Par votre courrier du 21 mars 2000, vous m’avez fait parvenir différents certificats attestant les compétences et le zèle au travail du Dr. … Fischer au cours de sa formation de médecin-spécialiste en anatomie pathologique au Luxembourg.

3 Dans ma lettre datée au 1er septembre 1999, mais expédiée le 1.10.1999 et lors de notre entrevue du 7 février 2000, j’avais invoqué que ce sont des problèmes d’organisation interne du Laboratoire national de Santé qui m’empêchent de nommer votre client à la fonction de médecin chef de division de la cytologie clinique. La qualification professionnelle du Dr. … Fischer n’a donc été mise en doute à aucun moment.

Concernant l’organisation future du Laboratoire national de Santé, les services de mon département viennent d’entamer les travaux préparatoires en vue d’une modification de la loi-cadre existante qui date depuis novembre 1980. Le nouveau projet tiendra notamment compte des recommandations et propositions qui se dégageront d’un audit administratif que j’envisage de réaliser au niveau des différentes structures existantes.

En attendant, je maintiendrai la décision de refus avec les motifs énoncés dans ma correspondance du 1.9.1999 et confirmés lors de l’entrevue du 7.2.2000.

Un recours contre la présente décision peut être exercé dans un délai de trois mois à partir de la réception de la présente au tribunal administratif. La requête doit être présentée par un avocat inscrit sur la liste visée sous 1. de l’article 8 paragraphe (3) de la loi sur la profession d’avocat.

Veuillez agréer, .. » ;

Considérant que par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 août 2000, Monsieur … FISCHER a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions ministérielles prérelatées datées des 1er septembre 1999 et 5 mai 2000 ;

Considérant que par jugement du 6 décembre 2000, le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation, tout en déclarant le recours en annulation recevable et, au fond, avant tout autre progrès en cause tous droits des parties étant réservés, a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de prendre position, à travers un mémoire complémentaire à déposer sous peine de forclusion dans le mois de la notification du dit jugement, sur la question de la compétence de l’autorité administrative ayant pris les décisions déférées ;

Considérant que dans son mémoire complémentaire, le délégué du Gouvernement estime que l’article 35 de la Constitution, suivant lequel le Grand-Duc nomme aux emplois civils et militaires, est d’interprétation stricte, de sorte qu’on ne saurait exiger qu’un refus de nomination à un poste vacant soit soumis pour décision au chef de l’Etat ;

Que le Gouvernement, en soumettant au Grand-Duc une proposition de nomination d’une personne à un poste déterminé proposerait en même temps, de manière implicite, le rejet des autres candidats dans l’hypothèse où il y en aurait, et le Grand-Duc, en entérinant cette proposition, rejetterait implicitement ces candidatures ;

Qu’il ne serait dès lors pas nécessaire de prendre en plus de l’arrêté de nomination un ou des arrêté(s) de refus de nomination ;

4 Que par ailleurs, si un arrêté de nomination devait prendre la forme solennelle d’un arrêté grand-ducal pour souligner l’importance de cette décision que la Constitution réserve au chef de l’Etat, il n’en serait plus ainsi si le poste à pourvoir n’est pas pourvu d’un titulaire, ce qui justement serait le cas en l’espèce ;

Que dans la mesure où le poste en question n’a pas été attribué à une autre personne, le refus, même s’il est interprété par le demandeur comme un refus de nomination, ne serait en fait qu’une décision de laisser momentanément le poste sans titulaire, laquelle relèverait de la compétence ministérielle ;

Considérant que dans son mémoire complémentaire la partie demanderesse fait valoir que dans la mesure où le médecin chef de division faisant fonction ayant occupé le poste par lui brigué serait actuellement parti, le ministre devrait procéder à sa nomination au poste ainsi laissé vacant ;

Que si le ministre ne pouvait pas procéder lui-même directement à la nomination, il ne pourrait pas non plus la refuser, les deux décisions procédant du même pouvoir qui résiderait dans les mains du Grand-Duc, de sorte que le ministre aurait été incompétent pour refuser la nomination en question pour des motifs par ailleurs non conformes à la loi ;

Considérant que l’article 35 de la Constitution dispose en son alinéa premier que « le Grand-Duc nomme aux emplois civils et militaires, conformément à la loi, et sauf les exceptions établies par elle » ;

Considérant qu’à défaut d’exception afférente établie par la loi, la nomination à la fonction de médecin chef de division du LNS relève du champ de compétence du chef de l’Etat ;

Considérant que s’il est vrai que l’article 35 de la Constitution n’énonce que la seule nomination aux emplois civils et militaires y désignés, il n’en reste pas moins, ainsi que le relève à juste titre le représentant étatique, qu’en cas de plusieurs candidatures, la nomination d’un des candidats entraîne implicitement mais nécessairement, refus de nomination des autres candidats non retenus, sans qu’il ne faille procéder à élaboration d’arrêtés de refus de nomination spécifiques à cet escient ;

Que dès lors le refus de nomination, implicite il est vrai, émane directement du Grand-

Duc, autorité de nomination compétente aux termes de l’article 35 de la Constitution ;

Considérant qu’en présence d’un seul candidat briguant un poste vacant afférent le fait de vouloir relaisser la compétence pour prononcer un refus de nomination à une autorité autre que le Grand-Duc reviendrait à empiéter sur un pouvoir propre au chef d’Etat, étant donné que le pouvoir de procéder à une nomination implique nécessairement celui de ne pas y procéder, qu’il y ait une ou plusieurs candidatures présentées ;

Considérant qu’en retenant à travers la décision déférée datée du 1er septembre 1999, expédiée le 1er octobre 1999, que « le poste vacant brigué par votre partie existe au niveau de la division de cytologie clinique. Or, .. le Dr. … FISCHER fut engagé pour renforcer l’effectif de division d’anatomie-pathologie et (qu’)il fait donc partie de cette division qui est dirigée par un médecin chef de division qui est toujours en fonction.

5 L’organisation et la structure des services du laboratoire national de Santé se trouvent donc réglées par la loi précitée et je ne suis pas autorisé à y déroger en attribuant à votre partie une fonction dans une division dont il ne fait pas partie », le ministre s’est par voie de conséquence attribué une compétence qui ne lui appartenait pas, en procédant de la sorte à un refus de nomination pour un poste brigué, par lui qualifié de vacant, de sorte que sa dite décision, ensemble celle confirmative du 5 mai 2000, encourent l’annulation en raison de l’incompétence de l’autorité ayant statué, au vu des développements qui précèdent et au-delà du caractère non pertinent du motif prérelaté au regard des dispositions de l’article 8 alinéa 1er de la loi précitée du 21 novembre 1980, telles qu’analysées dans le jugement prédit du 6 décembre 2000 ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

vidant le jugement du 6 décembre 2000 ;

déclare le recours en annulation fondé ;

partant annule les décisions ministérielles déférées ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 janvier 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12215a
Date de la décision : 17/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-17;12215a ?

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