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11/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12600

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 11 janvier 2001, 12600


N° 12600 du rôle Inscrit le 13 décembre 2000 Audience publique du 11 janvier 2001

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Recours formé par Madame … PJETRI, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12600 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2000 par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … PJETRI, née le … à Lushnje (Albanie), de

nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du minis...

N° 12600 du rôle Inscrit le 13 décembre 2000 Audience publique du 11 janvier 2001

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Recours formé par Madame … PJETRI, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12600 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2000 par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … PJETRI, née le … à Lushnje (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 13 septembre 2000, notifiée le 14 novembre 2000, par laquelle ledit ministre a déclaré manifestement infondée une demande en obtention du statut de réfugié politique introduite par la demanderesse;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2000;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Yves ALTWIES, en remplacement de Maître Eyal GRUMBERG, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.

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Madame … PJETRI, née le … à Lushnje (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, introduisit en date du 15 mai 2000 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Elle fut entendue en date du 15 mai 2000 par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg ainsi qu’en date du 30 mai 2000 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre de la Justice informa Madame PJETRI, par lettre du 13 septembre 2000, notifiée en date du 14 novembre 2000, que sa demande avait été rejetée aux motifs suivants :

« (…) Il résulte de vos déclarations que vous êtes arrivée au Luxembourg le 15 mai 2000 vers 8.30 heures.

Vous exposez avoir été simple membre du parti démocratique depuis 1994. Vous auriez participé à beaucoup de meetings du parti et vous auriez fait de la propagande pour un des candidats du parti lors des élections législatives de 1997.

Vous décrivez les problèmes que vous et votre fils auriez eus à cause de vos activités politiques.

Vous déclarez ne jamais avoir eu de passeport.

Le rapport du Service de Police Judiciaire du 20 juin 2000 fait cependant état de l’existence de votre passeport. Selon des renseignements de l’ambassade allemande vous auriez fait une demande en obtention d’un visa Schengen.

Vous avez confirmé lors de votre audition par le Service de Police judiciaire que vous avez un passeport. Malgré plusieurs invitations vous avez refusé de présenter ce passeport.

De surcroît, il résulte d’une lettre du parti démocratique de Lushnje datant du 21 juin 2000 que vous n’avez pas eu d’activités politiques.

Force est de constater que vous avez fait de fausses déclarations et ceci afin d’obtenir le statut de réfugié.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme manifestement infondée au sens de l’article 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par requête du 13 décembre 2000, Madame PJETRI a introduit un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 13 septembre 2000.

L’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit expressément qu’en matière de demandes d’asile déclarées manifestement infondées au sens de l’article 9 de la même loi, seul un recours en annulation est ouvert devant les juridictions administratives.

Le recours en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse soutient que ce serait à tort que le ministre de la Justice a déclaré sa demande manifestement infondée. Elle estime que les motifs invoqués lors de son audition en date du 30 mai 2000, à savoir son appartenance au parti politique démocratique depuis 1994, le fait d’avoir fait de la « propagande pour le candidat Myslim MURRIZI », sa participation à des manifestations et les craintes de persécution y 2 afférentes justifieraient la reconnaissance du statut de réfugié politique. Elle estime encore qu’une attestation datant du 5 juin 2000 émanant du parti démocratique confirmerait ses allégations quant à son passé politique.

Elle insiste encore sur le fait que si elle a indiqué ne pas posséder de passeport et s’il est vrai qu’elle « a présenté en 1998 une demande en obtention d’un visa mais pas personnellement et par un tiers [sic] », elle ne serait cependant « actuellement pas en possession d’un passeport, [de sorte qu’] elle ne peut pas le produire », pour conclure que le ministre se serait trompé en retenant une fausse déclaration dans ce contexte.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de la demanderesse.

Aux termes de l’article 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile peut être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle ne répond à aucun des critères de fond définis par la Convention de Genève et le Protocole de New-York, si la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté dans son propre pays est manifestement dénuée de tout fondement (…) ».

En vertu de l’article 3, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi précitée du 3 avril 1996 « une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’un demandeur n’invoque pas de crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques comme motif de sa demande ».

Il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile invoque un ou des motifs tombant sous le champ d’application de la Convention de Genève, il faut encore que les faits invoqués à la base de ces motifs ne soient pas manifestement incrédibles ou, eu égard aux pièces et renseignements fournis, manifestement dénués de fondement. Ainsi, il ne suffit pas d’invoquer une crainte de persécution pour un des motifs prévus par la Convention de Genève, il faut encore que le demandeur d’asile soumette aux autorités compétentes des éléments suffisamment précis permettant à celles-ci d’apprécier la réalité de cette crainte. L’absence de production de tels éléments a pour conséquence que la demande d’asile doit être déclarée manifestement infondée.

Le tribunal doit partant examiner, sur base de l’ensemble des pièces du dossier et des renseignements qui lui ont été fournis, si les faits peuvent être qualifiés de manifestement incrédibles ou manifestement dénués de fondement.

En l’espèce, force est de constater qu’il se dégage du rapport dressé lors de son audition du 30 mai 2000, que la demanderesse a affirmé ne jamais avoir été en possession d’un passeport et que cette affirmation se trouve en contradiction flagrante avec les constations faites par la police grand-ducale et consignées dans un rapport du 20 juin 2000, relativement à l’existence d’un passeport. Il ressort en effet dudit rapport du service de police judiciaire qu’un dénommé HALIMI a sollicité le 4 octobre 1999 un visa en faveur de la demanderesse et de son fils, que le bureau des passeports de Luxembourg « a transmis une copie du passeport de PJETRI. Elle est titulaire du passeport albanais, numéro 2699000, émis le 30.09.1995 et valable jusqu’au 30.09.2000. En date du 16.08.1999 elle a fait une 3 demande en obtention d’un visa auprès de l’Ambassade d’Allemagne à Tirana. ( Selon les autorités allemandes, Pjetri devrait être en possession d’un visa-schengen, de l’Ambassade d’Allemagne de Tirana) ».

En outre, les prétendues activités politiques et l’attestation émanant du parti démocratique datant du 5 juin 2000 produite par la demanderesse, sont contredites de façon éclatante par une deuxième attestation adressée par le parti démocratique, section de Lushnje, au gouvernement luxembourgeois. En effet, il se dégage notamment de la traduction dudit document « qu’il vous a été envoyé un certificat d’une contenance falsifiée (document falsifié) et qu’il ne correspond pas aux activités politiques de Mme. … Pjetri », laquelle « est descendante d’une famille communiste et (…) n’a pas quitté l’Albanie pour des motifs politiques, mais par son propre grès [sic]».

Il se dégage des considérations qui précèdent que, même abstraction faite de la lettre du 21 juin 2000 parvenue au bureau d’accueil pour les réfugiés, qui semble provenir d’une ancienne amie de la demanderesse et qui met également en doute le caractère véridique des allégations de la demanderesse, le ministre de la Justice a valablement pu estimer que les contradictions et fausses déclarations ci-avant relevées sont de nature à annihiler la crédibilité des déclarations de la demanderesse relativement à ses risques de persécutions et qu’il a pu conclure des éléments d’appréciation qui étaient en sa possession que la demanderesse n’a manifestement pas établi des raisons personnelles suffisantes de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève dans son pays de provenance, à savoir l’Albanie.

Il s’ensuit que le recours formé par la demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en annulation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Campill, premier juge Mme. Lenert, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 11 janvier 2001, par M. Campill, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Campill 4


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12600
Date de la décision : 11/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-11;12600 ?

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