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10/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12195

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 10 janvier 2001, 12195


N° 12195 du rôle Inscrit le 3 août 2000 Audience publique du 10 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … KARIER, … contre des décisions du directeur de la Police et du ministre de l’Intérieur en matière de discipline

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12195 du rôle et déposée en date du 3 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, inscrit a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KARIER, fonctionnaire de la ca...

N° 12195 du rôle Inscrit le 3 août 2000 Audience publique du 10 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … KARIER, … contre des décisions du directeur de la Police et du ministre de l’Intérieur en matière de discipline

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12195 du rôle et déposée en date du 3 août 2000 au greffe du tribunal administratif par Maître Patrick WEINACHT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … KARIER, fonctionnaire de la carrière de l’inspecteur de police, demeurant à L-…, … tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1. de la décision du directeur de la Police du 24 novembre 1998 lui notifiée le 4 décembre suivant lui infligeant la peine disciplinaire de l’amende de 15% d’une mensualité brute de son traitement de base, 2. de la décision du ministre de l’Intérieur du 2 juin 2000 lui notifiée le 20 juillet suivant énonçant qu’en vertu des dispositions de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif le silence ministériel observé valait refus implicite de l’appel formé contre la décision directoriale précitée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 octobre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé “ mémoire en duplique ”, déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 novembre 2000 par Maître Patrick WEINACHT au nom de Monsieur … KARIER ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Patrick WEINACHT et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 janvier 2001.

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Considérant que par décision du directeur de la Police du 24 novembre 1998, lui notifiée le 4 décembre suivant, Monsieur … KARIER, fonctionnaire de la carrrière de l’inspecteur de police, demeurant à L-…, … s’est vu infliger la peine disciplinaire de l’amende de 15% d’une mensualité brute de son traitement de base pour ne pas avoir exécuté promptement et complètement les prescriptions et ordres de service, ainsi que pour ne pas avoir soumis l’intérêt personnel à l’intérêt du service du chef des faits y énoncés comme suit “ à l’occasion de l’établissement du bilan global des absences pour l’année 1997 le bureau du personnel du Commissariat Central a constaté que le commissaire … KARIER a bénéficié de 127,5 jours de repos au lieu de 118 jours de repos prévus pour l’année en question. Par ailleurs, il s’est avéré que l’intéressé s’est octroyé 29 heures supplémentaires indues ” ;

Que par courrier recommandé de son mandataire du 7 décembre 1998, Monsieur … KARIER a fait introduire un appel contre la prédite décision directoriale auprès du ministre de la Force publique ;

Qu’en date du 2 juin 2000, le ministre de l’Intérieur s’est adressé au directeur général de la Police grand-ducale relativement au recours de Monsieur … KARIER en matière disciplinaire ci-avant introduit dans les termes suivants :

“ Par décision du 24 novembre 1998, le Directeur de la Police prononça la peine disciplinaire d’une amende de 15% d’une mensualité brute du traitement de base à l’égard du commissaire de police … KARIER.

Monsieur KARIER fit appel le 7 décembre 1998 contre cette décision lui notifiée le 4 décembre 1998.

Au regard de la disposition formelle de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le silence de l’administration est à considérer comme constitutif d’une décision implicite de refus de faire droit au recours introduit par le demandeur.

En effet, l’article 4 (1) de la loi du 7 novembre 1996 précitée, en disposant que “ dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ”, envisage par le biais d’une règle générale, plus particulièrement l’hypothèse d’une décision implicite résultant du silence observé par l’administration à la suite d’une demande qui lui a été régulièrement adressée et traduit ainsi l’intention du législateur de limiter dans le temps l’insécurité juridique dans le chef des administrés confrontés au silence de l’administration.

– TA 9-12-99 (11.146, Brandenburger).

Veuillez porter la présente à la connaissance du concerné ” ;

Que cette décision ministérielle a été notifiée à Monsieur KARIER en date du 20 juillet 2000 ;

Considérant que par requête déposée en date du 3 août 2000, Monsieur … KARIER a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des décisions directoriale du 24 novembre 1998 et ministérielle du 2 juin 2000 précitées ;

Considérant que le délégué du Gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation introduit en ordre principal dans la mesure où aucune disposition légale ou 2 réglementaire n’attribuerait aux juridictions de l’ordre administratif compétence pour connaître d’un recours de pleine juridiction en la matière, la peine infligée ne dépassant pas la compétence du chef de corps ;

Considérant que d’après l’article 25 II 3 de la loi du 16 avril 1979 ayant pour objet la discipline dans la Force publique, le droit d’appliquer aux militaires de la police une peine disciplinaire d’amende ne dépassant pas le cinquième d’une mensualité brute du traitement de base appartient au directeur de la Police ;

Qu’il est constant que la peine infligée à travers la décision directoriale déférée du 24 novembre 1998 correspondant à 15% d’une mensualité brute du traitement de base du demandeur rentre dans la prédite catégorie des peines et tombe dès lors sous la compétence du chef de corps ;

Que par voie de conséquence le recours au fond prévu par l’article 30 de la même loi du 16 avril 1979 ouvert contre les décisions portant sur une peine dépassant la compétence du chef de corps n’est point ouvert en l’espèce ;

Considérant que ni l’article 29 de la même loi instaurant la procédure d’appel ainsi désignée contre les décisions du chef de corps ayant prononcé une peine disciplinaire relevant de son domaine de compétence, ni aucune autre disposition légale ou réglementaire ne prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours en réformation introduit en ordre principal ;

Considérant que le délégué du Gouvernement oppose encore l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il est dirigé contre la communication ministérielle du 2 juin 2000 en ce que cette dernière ne s’analyserait point en une décision, mais constituerait une lettre d’information et d’explication au regard des dispositions de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif ;

Que d’après le représentant étatique le demandeur aurait dû quereller le silence observé par le ministre, son recours introduit n’ayant précisément pas pour objet de déférer la décision implicite de rejet en résultant ;

Considérant que suite à la demande expresse du tribunal à l’audience, le mandataire du demandeur a pris soin de préciser qu’à travers son recours il n’a pas entendu déférer la décision de refus implicite se dégageant du silence ministériel observé, malgré la formulation sybilline in limine de son mémoire en réplique, par ailleurs intitulé à tort “ mémoire en duplique ” du 10 novembre 2000, en renvoyant aux termes de la requête introductive d’instance dirigée, outre contre la décision directoriale déférée, uniquement contre la communication ministérielle du 2 juin 2000 prise en tant que telle et analysée comme décision faisant grief ;

Considérant qu’à la base, la discipline dans la force publique est régie par la loi du 16 avril 1979 y relative, s’inspirant largement de la loi modifiée du même jour ayant pour objet la fixation du statut général des fonctionnaires de l’Etat, désignée ci-après par “ le statut général ” ;

3 Que ce n’est que dans la mesure où elles n’y sont pas contraires que les dispositions du statut général en matière de discipline ont vocation à s’appliquer également à l’égard des membres d’un des corps de la force armée à titre résiduel et complémentaire ;

Considérant que quant à leur structure procédurale, les décisions disciplinaires relevant de la compétence du chef de corps suivent les exigences posées par l’article 29 de la loi du 16 avril 1979 précitée, applicable en l’espèce, encore que le règlement grand-ducal annoncé en son alinéa cinquième comme devant déterminer les modalités de la notification des peines et de la procédure d’appel n’eût point été pris au moment où ont été arrêtées les décisions déférées ;

Considérant que d’après l’alinéa 6 de l’article 29 en question, l’appel est adressé au membre du Gouvernement dont relève la Force publique dans la mesure où la décision disciplinaire attaquée émane du chef de corps ;

Que suivant l’alinéa 7 du même article le délai d’appel et l’appel ont un effet suspensif ;

Considérant qu’il est constant qu’en l’espèce l’appel introduit en date du 7 décembre 1998 contre la décision du directeur de la Police lui notifiée le 4 précédent a été formé auprès du ministre de la Force publique, compétent à l’époque sur base des dispositions de l’article 29 de la loi du 16 avril 1979 précitée, et dans le délai de trois mois y prescrit;

Considérant qu’il est patent que ni le ministre de la Force publique, ni aucun autre membre des Gouvernement successifs ayant dans ses attributions la force publique n’ont pris jusqu’à ce jour une décision formelle concernant le bien-fondé de l’appel en question ;

Considérant qu’à travers la communication déférée prérelatée du 2 juin 2000, le ministre de l’Intérieur se borne à renvoyer aux dispositions de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée pour souligner que le silence jusque lors observé par l’autorité compétente vaudrait rejet implicite de l’appel introduit pour compte de Monsieur KARIER le 7 décembre 1998 ;

Considérant que l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 dispose que “ dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif ” ;

Considérant que de façon générale et avant toute analyse de l’applicabilité ratione materiae des dispositions de l’article 4 (1) prérelaté, il convient de délimiter le cercle des personnes ayant qualité pour invoquer utilement dans leur chef le bénéfice de la fiction juridique de la cristallisation d’une décision implicite de refus opérée à travers elles ;

Considérant qu’il résulte du libellé même de l’article 4 (1) prérelaté et plus particulièrement du bout de phrase énonçant que “ les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée ” que les personnes ayant qualité pour invoquer la fiction juridique instaurée à travers ledit article se trouvent être clairement délimitées comme étant les parties intéressées, ayant par hypothèse posé une demande, à l’exclusion notamment de l’autorité administrative appelée à statuer, étant entendu que pour leurs bénéficiaires ainsi 4 délimités pareille invocation ne constitue qu’une simple faculté en vue d’abréger le temps d’attente au-delà des trois mois à partir de leur demande, à moins qu’ils ne préfèrent laisser couler le temps jusqu’à ce que l’administration ait pris position à travers une décision explicite ;

Considérant que cette analyse s’impose à plus forte raison en l’espèce, où d’après les dispositions spécifiques de l’alinéa 7 de l’article 29 de la loi du 16 avril 1979 précitée l’appel a un effet suspensif ;

Considérant que c’est dès lors à tort que le ministre a entendu faire fruit dans son propre chef de la fiction juridique en question, en dégageant de son propre silence, voire de celui de son prédécesseur, une décision implicite de refus, cette faculté étant réservée au seul administré ayant introduit une demande ;

Considérant que même si la communication ministérielle déférée ne constitue pas une décision statuant sur l’appel interjeté, il n’en reste pas moins qu’elle comporte un élément décisionnel en ce qu’elle a entendu établir un point d’aboutissement à la procédure de l’appel introduit à travers la décision de refus implicite par elle dégagée par invocation de l’article 4 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée ;

Considérant qu’en tant que dirigé contre la décision ministérielle déférée ainsi délimitée le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant qu’à défaut de décision intervenue sur appel et en l’absence d’invocation dans son chef par la partie demanderesse des dispositions de l’article 4 (1) sous revue suivant la simple faculté lui ouverte à travers elles de s’emparer d’une décision de refus implicite, reposant sur une fiction légale, force est de constater que le recours est prématuré, partant irrecevable, en tant que dirigé contre la décision directoriale déférée, étant donné que l’appel, ainsi désigné, interjeté à son encontre n’a point encore été vidé ;

Considérant qu’au fond il se dégage directement des développements qui précèdent que la partie demanderesse, qui aurait eu qualité pour invoquer les dispositions de l’article 4 (1) de ladite loi modifiée du 7 novembre 1996 n’en a cependant pas entendu faire fruit, ainsi qu’elle l’a encore fait confirmer de façon expresse à l’audience par son mandataire, préférant attendre jusqu’à ce que le ministre ait effectivement vidé son appel à travers une décision explicite, tout en dirigeant son recours contre la décision ministérielle intervenue pour avoir méconnu la portée de ladite disposition légale ;

Considérant qu’il découle encore des développements qui précèdent que le recours est fondé, étant donné que le ministre, autorité compétente pour prendre la décision en attente, n’a pas qualité pour s’emparer dans son chef de la faculté ouverte par ledit article 4 (1), contrairement à ce qui est retenu par la décision ministérielle déférée, laquelle encourt dès lors l’annulation pour violation de la loi ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

5 déclare le recours en annulation recevable en tant que dirigé contre la décision ministérielle déférée ;

le déclare irrecevable pour le surplus ;

au fond, annule la décision ministérielle déférée et renvoie l’affaire devant le ministre de l’Intérieur ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 10 janvier 2001 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Delaporte 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12195
Date de la décision : 10/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-10;12195 ?

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