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08/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12291

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 janvier 2001, 12291


N° 12291 du rôle Inscrit le 31 août 2000 Audience publique du 8 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … MALICEVIC et Madame … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12291 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 août 2000 par Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour,

assisté de Maître Candice WISER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats ...

N° 12291 du rôle Inscrit le 31 août 2000 Audience publique du 8 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … MALICEVIC et Madame … et consorts, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12291 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 août 2000 par Maître Fabio TREVISAN, avocat à la Cour, assisté de Maître Candice WISER, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des consorts … MALICEVIC, né le …à Sjenica (Serbie), et …, née le … à Sjenica (Serbie), agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …et…, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L- …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 8 mai 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique et d’une décision confirmative sur recours gracieux prise par ledit ministre le 31 juillet 2000;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2000 au nom des demandeurs ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Candice WISER et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 décembre 2000.

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En date respectivement des 14 juillet 1999 et 21 décembre 1999, les consorts … MALICEVIC, né le …à Sjenica (Serbie), et …, née le …à Sjenica (Serbie), agissant tant en leur nom personnel qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs …et…, tous de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisirent auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New 1 York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur MALICEVIC et Madame …furent entendus en date respectivement des 14 juillet 1999 et 21 décembre 1999 par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date des 15 juillet 1999 et 4 janvier 2000, ils furent entendus chacun par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de leurs demandes d’asile respectives.

Par décision du 8 mai 2000, notifiée le 30 mai 2000, le ministre de la Justice informa les consorts MALICEVIC-… de ce que leur demande d’asile avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations, que vous, Madame, vous avez quitté avec vos enfants la Serbie fin juin, début juillet 1999 en direction de la Hongrie d’où vous avez rejoint le Luxembourg à bord d’un poids lourd. Vous, Monsieur, vous avez quitté la Serbie le 17 décembre 1999 pour rejoindre votre concubine au Luxembourg le 21 décembre 1999 après avoir traversé la Hongrie, l’Autriche et l’Allemagne.

Vous avez exposé tous les deux que vous avez quitté la Serbie à cause du climat de nationalisme qui y règne en général et des humiliations et mauvais traitements réservés aux musulmans de la part des Serbes en particulier.

Vous, Monsieur, vous déclarez par ailleurs qu’au moment où vous avez quitté votre pays, vous ne l’avez pas quitté parce que vous ne vous êtes pas présenté pour faire la réserve, mais qu’en raison de la situation politique instable dans la région vous craindriez qu’une nouvelle guerre n’éclate et que tous les réservistes seraient à ce moment de nouveau convoqués.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile, qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de l’article 1er, A, §2 de la Convention de Genève.

Or, tous les deux vous n’avez pas fait valoir de raisons personnelles de nature à justifier, dans votre chef, la crainte d’être persécutés pour une des raisons énoncées dans la disposition précitée de la Convention de Genève.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie. (…) ».

Par lettre datant du 28 juillet 2000, les consorts MALICEVIC-… introduisirent, par l’intermédiaire de leur mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 8 mai 2000.

2 Par décision du 31 juillet 2000, le ministre de la Justice confirma sa décision négative antérieure.

Par requête déposée en date du 31 août 2000, les consorts MALICEVIC-… ont fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions précitées du ministre de la Justice des 8 mai et 31 juillet 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent qu’ils sont originaires de Serbie et plus particulièrement de la région du Sandzak, qu’ils sont de religion musulmane, que dans leur pays d’origine régnerait un climat de nationalisme général et que les musulmans y subiraient de mauvais traitements et seraient persécutés de la part des Serbes. Ils estiment que la situation en Serbie serait dangereuse pour la minorité musulmane et concernant leur situation personnelle, ils exposent que Monsieur MALICEVIC aurait fait l’objet d’une condamnation datant du 23 novembre 1999 à une peine d’emprisonnement de quatre ans et six mois pour ne pas avoir fait suite à l’appel sous les drapeaux le 21 mars 1999, et ils soutiennent que cette peine serait manifestement disproportionnée par rapport à la gravité de l’infraction à sa base. Pour relever le danger auquel serait exposé Monsieur MALICEVIC en cas de retour dans sa région d’origine, ils signalent encore que son père, qui résiderait toujours dans la région du Sandzak, ferait régulièrement l’objet de visites policières ainsi que de menaces continues depuis la fuite de son fils. Ils estiment que dans ces conditions, en cas de retour en Yougoslavie et plus particulièrement dans la région du Sandzak, ils s’exposeraient à des représailles certaines étant donné que la police militaire recherchait activement Monsieur MALICEVIC pour avoir encouru une condamnation pour cause d’insoumission.

Les demandeurs estiment ainsi avoir établi des craintes actuelles, sérieuses et fondées de persécution, de manière à remplir les conditions de reconnaissance du statut de réfugié politique.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours laisserait d’être fondé.

Dans leur mémoire en réplique les demandeurs insistent que la peine d’emprisonnement prononcée à l’encontre de Monsieur MALICEVIC serait particulièrement sévère et ils relèvent qu’il y aurait lieu de croire qu’elle aurait été prononcée à son égard en raison de son appartenance religieuse.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève dispose que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

3 La reconnaissance du statut de réfugié n’est en principe pas conditionnée par la seule situation générale du pays d’origine, mais par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur MALICEVIC et Madame … lors de leurs auditions respectives en date des 15 juillet 1999 et 4 janvier 2000, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes rendus figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leur convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, les deux décisions ministérielles de refus sont légalement justifiées par le fait que, d’une part, l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, étant donné qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef des demandeurs d’asile, une crainte justifiée d’être persécutés dans leur pays d’origine du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, paragraphe 2 de la section A, de la Convention de Genève et que, d’autre part, il ne ressort des éléments du dossier ni que Monsieur MALICEVIC risquait ou risque de devoir participer à des actions militaires contraires à des raisons de conscience valables, ni que des traitements discriminatoires, en raison de sa religion musulmane, risquaient ou risquent de lui être infligés, ni encore que la condamnation par lui encourue en raison de son insoumission serait effectivement disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que cette condamnation aurait été prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Pour le surplus, les demandeurs n’ont exprimé qu’une crainte - non autrement spécifiée - à l’égard des Serbes en raison de leur religion musulmane, s’analysant en substance en un sentiment général de peur, sans établir un état de persécution vécu ou une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays d’origine, étant relevé dans ce contexte, que lors de leurs auditions, ils sont restés très vagues dans leurs déclarations, que Monsieur MALICEVIC a précisé ne pas avoir été persécuté personnellement, qu’il se réfère avant tout à la situation générale en Serbie et que les deux époux restent en défaut d’établir une raison personnelle suffisamment précise de nature à justifier dans leur chef une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

4 au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 janvier 2001 par:

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Campill 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12291
Date de la décision : 08/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-08;12291 ?

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