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08/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12290

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 janvier 2001, 12290


N° 12290 du rôle Inscrit le 31 août 2000 Audience publique du 8 janvier 2001

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Recours formé par Madame … SKRIJELJ, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12290 et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 août 2000 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, assisté de Maître Barbara RO

USSEAU, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Ma...

N° 12290 du rôle Inscrit le 31 août 2000 Audience publique du 8 janvier 2001

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Recours formé par Madame … SKRIJELJ, … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12290 et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 août 2000 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, assisté de Maître Barbara ROUSSEAU, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame … SKRIJELJ, née le … à Lagatore (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 5 juillet 2000, notifiée le 8 août 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 2000 au nom de la demanderesse ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Barbara ROUSSEAU, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 décembre 2000.

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Le 21 septembre 1998, Madame … SKRIJELJ, née le … à Lagatore (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Madame SKRIJELJ fut entendue le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1 Le 27 septembre 1999, Madame SKRIJELJ fut entendue par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 5 juillet 2000, notifiée le 8 août 2000, le ministre de la Justice informa Madame SKRIJELJ de ce que sa demande d’asile avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Il résulte de vos déclarations qu’en date du 15 septembre 1998 vous avez quitté votre domicile au Monténégro en bus en direction de Sarajevo, d’où vous êtes venue au Luxembourg à l’aide d’un passeur en traversant la Slovénie et l’Italie.

Vous demandez l’asile politique au Luxembourg en précisant que les conditions de vie régnant dans votre pays ne sont pas bonnes et qu’il est devenu difficile pour vous d’y vivre du fait que vos parents ont perdu leur travail. Vous ajoutez avoir quitté le Monténégro en raison de la guerre et ne pas vouloir y retourner du fait que la police a confisqué votre passeport et parce que vous craignez l’éclatement d’une guerre dans votre pays.

Vous relevez d’autre part avoir peur des mauvais traitements infligés généralement aux musulmans. A cet effet, vous précisez avoir subi vous-mêmes des mauvais traitements.

Ainsi, en septembre 1998, la police vous aurait arrêtée dans le bus et confisqué votre passeport. Elle vous aurait ensuite injuriée et menacée de viol.

Concernant votre peur générale à l’égard de la guerre et de la mauvaise situation régnant dans votre pays, il y a lieu de relever qu’une telle peur n’est pas de nature à justifier une persécution au sens de la Convention de Genève. En effet, la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution pour un des motifs énumérés par la Convention de Genève.

Concernant votre situation personnelle, il y a lieu de relever que les faits invoqués, même s’ils ont trait à des pratiques certainement condamnables, ne sont cependant pas d’une gravité telle qu’ils justifient une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie (…) ».

Par requête déposée en date du 31 août 2000, Madame SKRIJELJ a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 5 juillet 2000.

L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour statuer en tant que juge du fond en la matière. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, la demanderesse expose être originaire du Monténégro et de religion musulmane, qu’en tant que personne parlant le serbo-croate, qui est sa langue maternelle, elle serait menacée de poursuites en cas de retour dans son pays, qu’elle y aurait 2 déjà subi des traitements humiliants et aurait été victime de pratiques condamnables, qu’elle aurait été abusée verbalement et menacée de viol par la police serbe, qu’il serait certain que ces menaces se transforment en réalité en cas de retour dans son pays d’origine où les musulmans seraient discriminés et maltraités par la police serbe et les paramilitaires et que dans le chef d’une femme musulmane le risque de viol serait encore accru.

La demanderesse estime dès lors avoir établi des craintes justifiées de persécution en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou en raison de ses opinions politiques, conformément aux exigences de la Convention de Genève.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Madame SKRIJELJ et que le recours laisserait d’être fondé.

Dans son mémoire en réplique la demanderesse insiste sur le caractère précaire et dangereux de sa situation personnelle en relevant que les musulmans slaves seraient considérés par les autorités serbes comme conspirant avec les Albanais et en soutenant qu’en cas de retour au Monténégro elle s’exposerait au risque d’être violée et devrait en tout cas continuer une vie guidée par la peur.

L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève dispose que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est en principe pas conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Madame SKRIJELJ lors de son audition en date du 27 septembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que la demanderesse reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Les déclarations faites par la demanderesse, relatives notamment à ses craintes des autorités serbes en raison de sa religion musulmane, de son origine slave ainsi que de sa situation de femme, constituent en substance l’expression d’un sentiment général de peur, sans que la demanderesse n’ait établi un état de persécution vécu ou une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, étant relevé dans ce contexte que, lors de son audition, elle est restée très vague dans ses déclarations en ce qu’elle a relevé que sa peur serait liée à sa religion, que les musulmans n’auraient pas les mêmes droits que les autres citoyens et que les conditions de vie seraient mauvaises dans son pays, sans pour autant 3 avoir établi une raison personnelle suffisamment précise de nature à justifier dans son chef une crainte de persécution dans son pays d’origine du fait de sa religion musulmane ou pour un des autres motifs visés par la Convention de Genève. - Dans ce contexte, il convient de relever que les insultes ou menaces verbales proférées à son encontre, certes perçues à raison comme inquiétantes dans le chef d’une jeune femme, ne constituent pas pour autant des actes d’une gravité suffisante pour caractériser une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève dans le chef de la demanderesse.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 janvier 2001 par :

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Campill 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12290
Date de la décision : 08/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-08;12290 ?

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