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08/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12285

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 janvier 2001, 12285


N° 12285 du rôle Inscrit le 30 août 2000 Audience publique du 8 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … LEPURI, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12285 et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 août 2000 par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre

des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … LEPURI, né le … à Tirana (Albanie), de nationalité ...

N° 12285 du rôle Inscrit le 30 août 2000 Audience publique du 8 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … LEPURI, … contre deux décisions du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro du rôle 12285 et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 août 2000 par Maître Luc SCHANEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … LEPURI, né le … à Tirana (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L- …, tendant à la réformation d’une décision du ministre de la Justice du 2 juin 2000, notifiée le 26 juin 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique, ainsi que contre une décision confirmative sur recours gracieux du même ministre du 31 juillet 2000 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 septembre 2000;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 2000 au nom du demandeur;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Stéphanie JACQUET, en remplacement de Maître Luc SCHANEN, et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 décembre 2000.

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Le 22 décembre 1998, Monsieur … LEPURI, né le … à Tirana (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour Monsieur LEPURI fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1 Le 27 avril 2000 Monsieur LEPURI fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 2 juin 2000, notifiée le 26 juin 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur LEPURI de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « Il résulte de vos déclarations que vous avez quitté l’Albanie le 18 décembre 1998. Vous êtes arrivé au Luxembourg le 21 décembre 1998 vers 16.00 heures.

Vous exposez avoir été membre du parti démocratique depuis 1996. Vous auriez participé en première ligne dans toutes les manifestations du parti démocratique. Votre famille aurait été une famille persécutée sous l’ancien régime communiste.

Vous expliquez avoir reçu deux lettres de menace anonymes.

Vous indiquez avoir été recherché par la police en 1997, en raison de votre participation à des manifestations. Vous lui auriez échappé en allant habiter pendant un certain temps chez votre oncle à Durres.

Vous déclarez avoir peur de retourner en Albanie, étant donné que vous avez demandé l’asile politique au Luxembourg.

Force est de constater que la vie politique s’est stabilisée dans toute l’Albanie, qu’il y a notamment eu un rapprochement entre le parti démocratique et le parti socialiste au courant de l’année 1999. Une persécution systématique de membres de l’opposition de la part du régime actuellement en place est à exclure.

En outre, il ressort de vos déclarations que vous avez eu une possibilité de fuite interne, en allant habiter chez votre oncle à Durres.

Par conséquent vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution pour une des raisons invoquées par la Convention de Genève.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. (…) ».

Par courrier de son mandataire datant du 24 juillet 2000, Monsieur LEPURI fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée. Ledit recours s’étant soldé par une décision confirmative du ministre datant du 31 juillet 2000, Monsieur LEPURI a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions ministérielles précitées des 2 juin et 31 juillet 2000 par requête déposée en date du 30 août 2000.

Etant donné que l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises.

2 Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Au fond, le demandeur expose être originaire d’Albanie et avoir fait l’objet de persécutions, sinon de pressions et menaces ayant engendré des fuites continuelles dans son chef de nature à rendre sa vie insécure dans son pays d’origine, que les membres de sa famille auraient été adhérents, sans exception et depuis tout temps, du parti démocratique et se seraient toujours rebellés contre le régime politique en place, ce qui les aurait amené à subir de nombreuses persécutions, que lui-même craindrait aujourd’hui pour sa vie, sinon une longue et sévère peine d’emprisonnement pour insurrection contre le régime socialiste en place pour avoir participé de manière active et continue dès l’année 1996 à toutes les manifestations organisées par le parti démocratique contre le régime en place, qu’il aurait fait l’objet de pressions, de menaces de mort et qu’il aurait été recherché par la police pour subir une peine d’emprisonnement. Il relève qu’en tant que titulaire d’une carte de membre de l’« Association Anti-Communiste » la police pourrait très facilement retrouver sa trace, que les recherches policières seraient menées avec une extrême rigueur et que des policiers se seraient très vite présentés, à plusieurs reprises, à son domicile où, par chance, il ne se serait pas trouvé. Dans la mesure où ces pressions auraient continué de peser contre lui et contre sa famille, toute la famille aurait quitté le pays pour se réfugier dans des pays démocratiques.

Le demandeur reproche aux décisions ministérielles déférées d’être basées sur un examen superficiel et insuffisant des faits, ainsi que de ne pas avoir pris en considération ses craintes réelles de persécution résultant de son adhésion au parti démocratique.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur LEPURI et que son recours laisserait d’être fondé.

Dans son mémoire en réplique le demandeur insiste sur le rôle actif qu’il aurait joué au sein du parti démocratique ainsi que sur le lien de causalité existant entre ce rôle actif et les lettres de menaces anonymes par lui reçues et sa recherche par la police.

Il convient en premier lieu d’examiner le moyen invoqué par le demandeur consistant à soutenir que les décisions ministérielles déférées seraient entachées d’illégalité pour défaut de motivation suffisante.

Force est de constater que ledit moyen laisse d’être fondé, étant donné qu’il ressort du libellé prérelaté de la décision initiale du 2 juin 2000 que le ministre de la Justice a indiqué de manière détaillée et circonstanciée les motifs en droit et en fait, sur lesquels il s’est basé pour justifier sa décision de refus, motifs qui ont ainsi été portés, à suffisance de droit, à la connaissance du demandeur. – Par ailleurs le fait pour la décision du 31 juillet 2000 de confirmer purement et simplement la décision initiale, implique que cette deuxième décision se base sur les mêmes dispositions légales et réglementaires, ainsi que les mêmes motifs en fait que ceux sur lesquels s’est basée la décision initiale.

L’existence de motifs ayant été vérifiée, il s’agit d’analyser la justification au fond des deux décisions de refus d’accorder le statut de réfugié politique.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait 3 de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est en principe pas conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne. - Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, Engel, n° 9699, Pas. adm. 1/2000, V° Recours en réformation, n° 9).

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur LEPURI lors de son audition en date du 27 avril 2000, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, si les activités dans un parti d’opposition peuvent justifier de telles craintes, la simple qualité de membre à elle seule étant insuffisante, il y a lieu de constater que le demandeur, lors de son audition, a expressément affirmé avoir été simple membre du parti démocratique ainsi que d’avoir seulement participé à des manifestations surtout dans le cadre des élections, mais ne jamais avoir distribué des affiches. – Dans ces conditions il y a dès lors lieu de retenir que le demandeur reste en défaut de faire état d’un état de persécution vécu ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine, en raison de son appartenance audit parti politique.

Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais.

4 Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 janvier 2001 par :

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Legille, greffier.

s. Schmit s. Campill 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12285
Date de la décision : 08/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-08;12285 ?

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