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08/01/2001 | LUXEMBOURG | N°12263

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 janvier 2001, 12263


N° 12263 du rôle Inscrit le 23 août 2000 Audience publique du 8 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … SIJARIC, Vianden contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12263 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 août 2000 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’

Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SIJARIC, né le … à Bijelo Polje (Monténégro)...

N° 12263 du rôle Inscrit le 23 août 2000 Audience publique du 8 janvier 2001

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Recours formé par Monsieur … SIJARIC, Vianden contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12263 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 août 2000 par Maître Gilbert REUTER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SIJARIC, né le … à Bijelo Polje (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 21 juin 2000, notifiée le 31 juillet 2000, par laquelle il n’a pas été fait droit à sa demande en reconnaissance du statut de réfugié politique ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 2000 au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Gilbert REUTER et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 décembre 2000.

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Le 30 novembre 1998, Monsieur … SIJARIC, né le … à Bijelo Polje (Monténégro), de nationalité yougoslave, demeurant actuellement à L-…, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Monsieur SIJARIC fut entendu le même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la gendarmerie grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, ainsi que sur son identité.

1 Le 1er septembre 1999, Monsieur SIJARIC fut entendu par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Par décision du 21 juin 2000, notifiée le 31 juillet 2000, le ministre de la Justice informa Monsieur SIJARIC de ce que sa demande avait été rejetée. Ladite décision est motivée comme suit: « (…) Vous déclarez avoir quitté votre pays en raison de la guerre et parce que vous n’avez pas voulu accomplir votre service militaire. A cet effet, vous précisez ne pas avoir fait le service militaire, mais avoir reçu une convocation en août 1998. D’après le contenu de cette convocation vous auriez dû commencer votre service militaire en date du 23 septembre 1998. Or, n’ayant pas envie d’être envoyé au Kosovo et de vous battre contre « votre peuple », vous avez décidé d’aller à Sarajevo, où vous avez séjourné jusqu’en novembre 1998. Vous précisez qu’en cas de retour dans votre pays vous craignez une peine de prison en raison de votre insoumission.

Vous relevez de plus avoir peur de l’armée, peur étant liée à votre confession musulmane.

Tout en affirmant avoir été membre du parti DPS de M. BULATOVIC, vous exposez cependant ne pas avoir eu de problèmes à cause de cette adhésion. Vous déclarez en outre ne pas avoir subi de mauvais traitements.

Concernant votre premier motif, à savoir la crainte d’une éventuelle sanction pénale en raison de l’insoumission, il y a lieu de relever que même s’il ne saurait être exclu que vous risquez des poursuites pénales en raison de votre refus d’accomplir votre service militaire, ces poursuites pénales ne peuvent pas être considérées en tant que telles comme une persécution au sens de la Convention de Genève.

Quant au refus de vous battre contre « votre peuple », il faut noter que même si le statut de protection de la Convention de Genève peut bénéficier à l’insoumis qui refuse de faire son service militaire qui l’amènerait à participer à des actions militaires contraires à ses convictions politiques, religieuses ou morales ou à des raisons de conscience valables, que ce soit au moment de l’insoumission ou au moment du retour dans l’Etat d’origine, il n’en reste pas moins au regard de la paix qui règne actuellement dans votre région, vous ne serez pas contraint à des actions militaires auxquelles vous pourriez vous soustraire pour des raisons de conscience valables.

Par ailleurs, le fait d’avoir invoqué une peur générale à l’égard de la guerre et de l’armée n’est pas de nature à justifier une persécution au sens de la Convention de Genève.

En effet, la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution pour un des motifs énumérés par la Convention de Genève.

Ainsi une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est pas établie.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure 2 relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. » L’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile; 2) d’un régime de protection temporaire prévoyant un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit. Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. – Le recours subsidiaire en annulation est par voie de conséquence irrecevable.

Au fond, le demandeur expose être originaire du Monténégro et de confession musulmane, ainsi que d’avoir fui son pays d’origine pour ne pas être enrôlé dans l’armée, risquer sa vie au front et tuer des ressortissants de son peuple. Il expose qu’il a reçu une convocation en août 1998 et n’aurait pas voulu participer à la guerre du Kosovo, que par ailleurs en raison de sa religion musulmane et de son appartenance au parti DPS il ne pourrait pas retourner dans son pays d’origine car il risquerait d’être poursuivi en tant que déserteur, ainsi que d’être victime d’agressions physiques et psychiques en raison de son origine et de son appartenance religieuse et politique.

Le représentant étatique soutient que le ministre de la Justice aurait fait une saine appréciation de la situation de Monsieur SIJARIC et que le recours laisserait d’être fondé.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste que les faits à la base de sa demande seraient établis à suffisance de droit, de sorte que les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié politique seraient remplies dans son chef.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est en principe pas conditionnée par la seule situation générale du pays d’origine, mais par la situation particulière des demandeurs d’asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour leur personne.

Dans le cadre de l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, l’examen fait par le tribunal ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il apprécie également la valeur des éléments de preuve et la crédibilité de ses déclarations.

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par Monsieur SIJARIC lors de son audition en date du 1er septembre 1999, telles que celles-ci ont été relatées dans le compte rendu figurant au dossier, ensemble les arguments apportés en cours de procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit l’existence dans son chef d’une crainte actuelle et justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain 3 groupe social ou de ses convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Concernant en effet le motif de l’insoumission, force est de constater qu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur, une crainte justifiée d’être persécuté dans son pays d’origine au sens de la Convention de Genève, le demandeur restant en défaut d’établir à suffisance de droit que des traitements discriminatoires peuvent actuellement lui être infligés dans le cadre de son service militaire. Par ailleurs, au vu de l’évolution de la situation actuelle en Yougoslavie et plus particulièrement de la réticence du gouvernement monténégrin de coopérer avec les autorités fédérales en ce qui concerne l’exécution des peines prononcées du chef d’insoumission ou désertion et de la loi d’amnistie votée par le parlement du Monténégro visant les déserteurs et insoumis de l’armée fédérale, il reste encore en défaut d’établir qu’une condamnation pour insoumission le cas échéant encourue serait effectivement exécutée à son encontre.

Concernant les activités politiques de Monsieur SIJARIC au parti DPS, force est encore de constater que si les activités dans un parti d’opposition peuvent justifier des craintes de persécution au sens de la Convention de Genève, il n’en reste pas moins que la simple qualité de membre à elle seule est insuffisante à cet égard. En l’espèce, il y a lieu de constater que le demandeur, lors de son audition, a déclaré ne pas avoir eu de problèmes à cause de son adhésion audit parti, ainsi que de ne pas y avoir joué de rôle actif. - Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que le demandeur reste en défaut de faire valoir un état de persécution ou une crainte qui seraient tels que la vie, lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine en raison de son appartenance audit parti politique.

Il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement;

reçoit le recours en réformation en la forme;

au fond le déclare non justifié et en déboute;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 janvier 2001 par:

M. Campill, premier juge Mme Lenert, premier juge 4 M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Campill 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12263
Date de la décision : 08/01/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2001-01-08;12263 ?

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