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28/12/2000 | LUXEMBOURG | N°12527

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 décembre 2000, 12527


N° 12527 du rôle Inscrit le 30 novembre 2000 Audience publique du 28 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … MALOKU et son épouse, Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12527 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2000 par Maître Nicolas BANNASCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de Monsieur … MALOKU, né le …, et de son épouse, Madame …, née le …, tous les deux de ...

N° 12527 du rôle Inscrit le 30 novembre 2000 Audience publique du 28 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … MALOKU et son épouse, Madame … contre une décision du ministre de la Justice en matière de statut de réfugié politique

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12527 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2000 par Maître Nicolas BANNASCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … MALOKU, né le …, et de son épouse, Madame …, née le …, tous les deux de nationalité albanaise et demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice du 3 octobre 2000, notifiée le 31 octobre 2000, déclarant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique irrecevable au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2000 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge rapporteur en son rapport, Maître Yves ALTWIES, en remplacement de Maître Nicolas BANNASCH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Monsieur … MALOKU, né le …, et son épouse, Madame …, née le …, tous les deux de nationalité albanaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, introduisirent en date du 24 juin 1997 une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant dénommé ci-après “ la Convention de Genève ”.

Ils firent introduire un recours contentieux contre deux décisions du ministre de la Justice des 10 juin et 9 octobre 1998 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié politique par dépôt au greffe du tribunal administratif en date du 9 novembre 1998 d’une requête contenant principalement un recours en réformation et subsidiairement un recours en annulation, qui furent respectivement déclarés non justifié et irrecevable par un jugement du tribunal administratif du 14 juillet 1999, confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 30 novembre de la même année.

Par courrier de leur mandataire adressé au ministre de la Justice en date du 12 septembre 2000, réceptionné par ce dernier en date du 13 septembre 2000, les époux MALOKU-… formulèrent une nouvelle demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève, en invoquant des éléments nouveaux, constitués par des documents “ supplémentaires ”, qui seraient, d’après eux, de nature à établir qu’ils remplissent les conditions en vue de la reconnaissance du statut de réfugié politique et en soutenant que, contrairement aux conclusions retenues par les jugement et arrêt précités, leur séjour au Grand-Duché de Luxembourg ne serait pas motivé par un sentiment général d’insécurité dans leur pays d’origine et par des motifs purement économiques, mais par des persécutions et risques de persécution pour des motifs politiques, à la suite des “ convictions [exprimées] publiquement à l’occasion de plusieurs meetings ” par Monsieur MALOKU. A l’appui de cette demande, ils versent, d’une part, une pièce suivant laquelle Monsieur MALOKU aurait été condamné “ en absence ” à “ dix ans d’abolition de la liberté civile ” et, d’autre part, un courrier de Maître Enver MEMA avocat à Tirana (Albanie), contenant des renseignements sur le dossier répressif en sa possession quant à la situation de Monsieur MALOKU en Albanie.

Le ministre de la Justice informa les époux MALOKU-…, par lettre du 3 octobre 2000, notifiée le 31 octobre 2000, de ce qui suit : “ J’ai l’honneur de me référer à votre nouvelle demande en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 que vous avez présentée par l’intermédiaire de votre avocat en date du 12 septembre 2000.

Force est cependant de constater que vous ne faites pas état de nouveaux éléments d’après lesquels il existerait de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. En outre, les éléments que vous invoquez n’ont pas trait à des faits ou des situations qui se sont produits après la décision du 10 juin 1998.

Or, d’après l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, “ le ministre de la Justice considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève ”.

Par conséquent votre demande est irrecevable au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996. (…) ”.

Par un courrier du 29 novembre 2000, réceptionné le 30 novembre 2000, le mandataire des époux MALOKU-… introduisit un recours gracieux contre la décision ministérielle précitée du 3 octobre 2000.

Par requête du 30 novembre 2000, Monsieur … MALOKU et Madame … ont fait introduire un recours en annulation contre la décision ministérielle précitée du 3 octobre 2000.

2 Le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours, tout en relevant le fait que les demandeurs ont introduit leur recours contentieux en date du 30 novembre 2000 sans attendre la réponse du ministre de la Justice à la suite de l’introduction de leur recours gracieux daté du 29 novembre 2000 et réceptionné par le ministère de la Justice en date du 30 novembre 2000.

Les demandeurs n’ont pas pris position par rapport à ce moyen d’irrecevabilité suggéré.

S’il est vrai que le silence gardé par l’administration pendant plus de trois mois suite à l’introduction d’un recours gracieux ouvre un nouveau délai de recours d’une durée de trois mois commençant à courir à l’expiration du délai de trois mois pendant lequel l’administration était appelée à répondre à la réclamation, il n’en demeure pas moins que le demandeur peut valablement introduire un recours contentieux avant l’écoulement du délai de six mois après l’introduction de la réclamation, l’introduction d’un recours gracieux ne faisant pas obstacle à l’introduction d’un recours contentieux dirigé contre la même décision.

Il suit de ce qui précède que le moyen d’irrecevabilité suggéré par le délégué du gouvernement est à rejeter.

En vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, applicable par renvoi de l’article 15, paragraphe (2) de la même loi, un recours en annulation peut être dirigé contre les décisions par lesquelles une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique a été déclarée irrecevable dans le mois à partir de la notification de la décision en question.

Le recours en annulation, ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs se basent sur des “ documents supplémentaires ”, qu’ils qualifient d’“ éléments nouveaux ” pour établir qu’ils rempliraient les conditions en vue de la reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève, en soutenant que ce serait à tort que le tribunal administratif et la Cour administrative, dans leurs décisions respectives, ont retenu que leur séjour au Grand-

Duché de Luxembourg serait motivé par un sentiment général d’insécurité dans leur pays d’origine ainsi que par des raisons économiques.

Ils estiment au contraire courir un risque de persécution dans leur pays d’origine, à savoir l’Albanie, à la suite de la participation de Monsieur MALOKU à des “ démonstrations et manifestations en faveur de la démocratie ”, à la suite desquelles une instruction aurait été ouverte contre lui au courant de l’année 1991, qui aurait été réouverte en 1997, après le changement du régime politique en Albanie, ce risque de persécution s’étant concrétisé par des menaces d’enlèvement à l’encontre de leur fils. Ils se basent dans ce contexte en premier lieu sur deux documents, dont l’un aurait été émis en date du 17 mai 1997 et dont il ressortirait que le procureur auprès du parquet du tribunal de premier degré de Tirana aurait relancé une mesure d’instruction à l’encontre de Monsieur MALOKU du chef “ d’organisation, association et participation dans les meetings et manifestations illégales, 3 prévues par la loi 262 du code pénal ” et dont l’autre constitue une pièce non datée, qui aurait été émise par le procureur près du tribunal de premier degré de Tirana suivant laquelle ce dernier aurait pris la décision “ de reprendre les investigations en chargeant l’accusé de l’acte pénal de l’organisation des manifestations illégales, prévus de l’article 262/1 du code pénal CP ”, tendant à ce qu’il “ soit poursuivi d’après les demandes de l’acte 141 du Code de la Procuration Pénal et avec sa capture par les forces de la police ”. Ce dernier document contient encore un passage suivant lequel le demandeur aurait été condamné à “ 10 ans d’abolition de la liberté civile, en l’absence, considérant que l’accusé ne se trouve pas en Albanie ”.

Les demandeurs se réfèrent en deuxième lieu à une lettre qui aurait été émise par l’avocat de Monsieur MALOKU, chargé de la défense de ses intérêts au cours du procès intenté contre lui à la suite de l’acte d’accusation qui aurait été établi à son encontre par le procureur auprès du tribunal de Tirana, à savoir Maître Enver MEMA qui, dans une lettre non datée, a exprimé l’opinion que le procès ainsi intenté contre Monsieur MALOKU serait motivé exclusivement par des raisons politiques, à la suite de la participation de Monsieur MALOKU à des manifestations au cours de l’année 1991.

A titre subsidiaire, ils estiment encore avoir droit à la reconnaissance du statut de réfugié politique, au motif que leur fils … MALOKU, de l’avis de son médecin traitant au Luxembourg, ne devrait pas être déraciné “ de son entourage ”, au motif qu’il aurait pu apprendre la langue luxembourgeoise et qu’il souffrirait d’une tumeur à la main.

En vertu de l’article 15 paragraphe (1) de la loi précitée du 3 avril 1996 “ le ministre de la Justice considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits ou des situations qui se sont produits après une décision négative prise au titre des articles 10 et 11 qui précèdent [de la loi précitée du 3 avril 1996]”.

En l’espèce, c’est à bon droit que le délégué du gouvernement soutient que les deux éléments produits par les demandeurs à l’appui non seulement de leur nouvelle demande du 12 septembre 2000, mais également de leur requête introductive d’instance déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2000, ne constituent pas des éléments nouveaux, dans la mesure où ils n’ont pas trait à des faits ou des situations qui se sont produits après les décisions ministérielles précitées des 10 juin et 9 octobre 1998 et les décisions du tribunal administratif du 14 juillet 1999 et de la Cour administrative du 30 novembre 1999 rejetant respectivement leur demande tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié politique et les recours contentieux y afférents. En effet, tant les prétendus ordres de poursuivre l’instruction à charge de Monsieur MALOKU et la prétendue décision du procureur près le tribunal de premier degré de Tirana par laquelle Monsieur MALOKU aurait été condamné à 10 ans “ d’abolition de la liberté civile ” que la lettre précitée, non datée, de l’avocat de Monsieur MALOKU, se réfèrent à des faits qui ont non seulement fait l’objet des décisions ministérielles précitées des 10 juin et 9 octobre 1998, mais également des jugement et arrêt des juridictions administratives des 14 juillet et 30 novembre 1999. En effet, ces prétendus nouveaux éléments portent exclusivement sur la participation de Monsieur MALOKU à des manifestations et réunions ayant eu lieu au cours de l’année 1991, et ils visent partant des 4 faits antérieurs aux décisions ministérielles de refus précitées, qui avaient pris position par rapport à cette prétendue activité politique de Monsieur MALOKU.

Il s’ensuit qu’à défaut d’avoir été en possession d’éléments nouveaux au sens de l’article 15, paragraphe (1) de la loi précitée du 3 avril 1996, le ministre de la Justice a, à bon droit, pu déclarer irrecevable la demande introduite auprès de lui par les demandeurs en date du 12 septembre 2000 en vue de la reconnaissance du statut de réfugié politique.

En ce qui concerne les considérations tirées de la situation personnelle du fils des demandeurs, en ce que celui-ci serait bien intégré au Luxembourg et qu’il y subirait un traitement médical, il échet de constater que ces faits, à les supposer établis, ne sont de nature ni à constituer des éléments nouveaux au sens de l’article 15, paragraphe (1) précité, ni même de constituer un motif tel que prévu par la Convention de Genève en vue de la reconnaissance du statut de réfugié politique.

Enfin, en ce qui concerne les prétendues menaces d’enlèvement de leur fils, il échet de constater que cette affirmation reste à l’état de simple allégation de la part des demandeurs, sans que ceux-ci ne fournissent aucune précision quant au contexte et à la date de ces faits et sans qu’ils ne documentent d’une quelconque manière la réalité de ces menaces, et partant ces faits ne sont pas à qualifier d’éléments nouveaux au sens de l’article 15, paragraphe (1) précité.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en annulation est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, vice-président M. Campill, premier juge Mme. Lamesch, juge et lu à l’audience publique du 28 décembre 2000 par le vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 12527
Date de la décision : 28/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-28;12527 ?

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