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13/12/2000 | LUXEMBOURG | N°12256

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 décembre 2000, 12256


N° 12256 du rôle Inscrit le 21 août 2000 Audience publique du 13 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … RENARD, B-… contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’exercice d’un métier

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12256 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 août 2000 par Maître Claude WASSENICH, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … RENARD, mécanicie...

N° 12256 du rôle Inscrit le 21 août 2000 Audience publique du 13 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … RENARD, B-… contre une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement en matière d’exercice d’un métier

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12256 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 août 2000 par Maître Claude WASSENICH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … RENARD, mécanicien, demeurant à B-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement du 23 mai 2000 portant refus de sa demande en autorisation d’exercice du métier de mécanicien d’autos et de motos ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 13 septembre 2000 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 11 octobre 2000 par Maître Claude WASSENICH au nom de Monsieur … RENARD ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Claude WASSENICH et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 novembre 2000 ;

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Considérant qu’en date du 23 septembre 1999 Monsieur … RENARD, mécanicien, demeurant à B-…, a introduit auprès du ministre des Classes moyennes, du Tourisme et du Logement, désigné ci-après par “ le ministre ”, une demande en autorisation d’exercer le métier de mécanicien d’autos et de motos ;

Qu’à l’appui de sa demande il a produit une attestation de l’Institut de Formation permanente pour les Classes moyennes et les petites et moyennes entreprises, désigné ci-

après par “ IFPME ”, direction territoriale de Namur, service du Luxembourg, suivant laquelle il a satisfait durant la session 1998 à chacune des épreuves de l’examen de chef d’entreprise, deuxième année de cours, dans la profession de garagiste-réparateur, ainsi qu’un certificat d’affiliation du Centre commun de la sécurité sociale suivant lequel il a été affilié en tant qu’ouvrier, puis employé privé auprès de deux employeurs successifs établis à Capellen depuis le 3 février 1992, de même qu’un certificat de travail de son employeur suivant lequel il est impliqué à la gestion technique de l’atelier de la société anonyme Service Automobile depuis le mois de janvier 1994 ;

Que la demande a été inscrite au ministère sous le numéro 67684 et traitée parmi les “ demandes de principe ” ;

Qu’en date du 25 octobre 1999 la commission spéciale, appelée ci-après “ la commission ”, prévue par l’article 2 (1) de la loi modifiée du 28 décembre 1988 réglementant l’accès aux professions d’artisan, de commerçant, d’industriel ainsi qu’à certaines professions libérales, ci-après désignée par “ la loi d’établissement ”, fit remarquer qu’avant tout autre progrès en cause il y avait lieu de fournir un avis du ministère de l’Education nationale ainsi qu’un extrait du casier belge ;

Que par courrier du même jour le ministre a transmis le dossier au ministère de l’Education nationale, de la Formation professionnelle et des Sports, service de la formation professionnelle, pour avis quant à la valeur du diplôme produit par Monsieur RENARD, tout en informant ce dernier de sa démarche ;

Qu’en date du 10 novembre 1999 le directeur de la Formation professionnelle a retourné le dossier au ministre avec l’information que l’attestation de réussite à l’examen de chef d’entreprise dans la profession garagiste-réparateur délivrée par l’IFPME n’était pas équivalente au brevet de maîtrise luxembourgeois ;

Qu’en date du 12 janvier 2000 la commission prit, à l’unanimité des membres présents, l’avis défavorable quant à la qualification professionnelle de Monsieur RENARD, au motif énoncé de “ défaut de conditions CE non remplies ” tout en réitérant sa demande de production du casier belge relativement à son honorabilité professionnelle;

Que le 19 janvier 2000 le ministre prit la décision libellée comme suit : “ Monsieur, Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre demande sous rubrique et plus particulièrement à l’avis du Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle (copie en annexe). Le dossier a fait entretemps l’objet de l’instruction administrative prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Le résultat m’amène à vous informer que l’exercice du métier de mécanicien d’autos et de motos, no 304-00 de la liste artisanale prévue au règlement grand-ducal du 19 février 1990, est soumis à la possession du brevet de maîtrise afférent ou de pièces justificatives équivalentes conformément aux dispositions de l’article 13, (2) de la loi d’établissement du 28 décembre 1988 et du règlement grand-ducal du 15 septembre 1989 déterminant les critères d’équivalence.

Cette preuve peut être rapportée également par la production d’une attestation CE conformément à la directive 64/427/CEE du 7 juillet 1964 (industrie et artisanat), à délivrer par le Ministère des Classes Moyennes ou par celui des Affaires Economiques.

2 Etant donné que vous n’avez pas produit ces preuves, je suis au regret de ne pouvoir réserver une suite à votre requête dans l’état actuel du dossier.

Pour vérifier l’accomplissement des conditions d’honorabilité professionnelle, vous voudrez me produire un extrait du casier judiciaire du pays de provenance et une déclaration de non-faillite professionnelle sous serment devant notaire, illimitée dans le temps et l’espace.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d’avocat-avoué endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif. ” Que par courrier de son mandataire du 29 février 2000 Monsieur RENARD fit introduire contre cette décision un recours gracieux en s’appuyant essentiellement sur les dispositions de la directive 1999/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 juin 1999 instituant un mécanisme de reconnaissance des diplômes pour les activités professionnelles et complétant le système général de reconnaissance des diplômes pour les activités professionnelles couvertes par les directives de libéralisation et portant mesures transitoires, dont plus particulièrement son article 3, d’après lequel il aurait appartenu au ministre de demander d’abord à son homologue de l’Education nationale d’appliquer les dispositions de ladite directive et de vérifier à sa lumière la conformité du diplôme par lui produit aux exigences posées par la loi concernant l’exercice du métier principal concerné et en cas de non-conformité constatée, lui donner le choix entre un stage d’adaptation et une épreuve d’aptitude afin de parfaire sa qualification professionnelle ;

Que lors de sa réunion du 27 mars 2000 la commission proposa au ministre de recueillir un nouvel avis du ministre de l’Education nationale et réitéra sa demande en production d’un casier belge ;

Que par courrier du 28 mars 2000 le ministre transmit à nouveau le dossier au ministère de l’Education nationale, de la Formation nationale et des Sports, service de la Formation professionnelle, avec prière de nouvel avis quant à la nature, la valeur et aux différences substantielles par rapport au brevet de maîtrise luxembourgeois concernant le diplôme produit par Monsieur RENARD, tout en informant le mandataire de ce dernier de sa démarche ;

Que par courrier du 13 avril 2000 le directeur de la Formation professionnelle retransmit le dossier au ministre avec information que l’attestation de réussite à l’examen de chef d’entreprise dans la profession de garagiste-réparateur délivrée par l’IFPME à Monsieur RENARD n’était pas assimilable au brevet de maîtrise national, de sorte que l’intéressé devrait se soumettre, en vue de l’obtention dudit brevet, aux modules A, D et E des cours préparatoires au brevet de maîtrise, ainsi qu’à l’épreuve de la pratique ;

Que dans son avis du 22 mai 2000 la commission renvoya simplement à l’avis précité du directeur de la Formation professionnelle du 13 avril 2000 ;

Qu’en date du 23 mai 2000 le ministre prit la décision suivante sur réexamen du dossier : “ Maître, 3 Par la présente, j’ai l’honneur de me référer à votre requête sous rubrique et plus particulièrement à votre lettre du 29 février 2000, laquelle a retenu toute mon attention.

Le dossier a fait entretemps l’objet d’un réexamen de la part de la commission prévue à l’article 2 de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, modifiée le 4 novembre 1997.

Le résultat m’amène à vous informer que selon l’avis du Ministère de l’Education Nationale, de la Formation Professionnelle et des Sports, Service de la Formation Professionnelle (copie en annexe), Monsieur RENARD est tenu de se présenter aux épreuves du droit de travail et de l’entreprise, de la création d’entreprise et de la pédagogie appliquée, ainsi qu’à l’épreuve pratique du métier en question.

A défaut des certificats de réussite, je suis au regret de ne pouvoir faire droit à votre requête dans l’état actuel du dossier.

La présente décision peut faire l’objet d’un recours par voie d’avocat-avoué endéans trois mois auprès du Tribunal Administratif. ” Que par courrier du 6 juin 2000 le mandataire de Monsieur RENARD s’adressa au ministre en lui posant la question de savoir si “ l’opinion du ministère de l’Education nationale [était] à considérer comme un stage d’adaptation ou plutôt comme épreuve d’aptitude ” au sens de la directive 1999/42/CE du 7 juin 1999, tout en énonçant qu’il avait cru comprendre qu’il s’agissait d’une épreuve d’aptitude précitée;

Considérant que par requête déposée en date du 21 août 2000 Monsieur … RENARD a fait introduire contre la décision prérelatée du 23 mai 2000 un recours en annulation ;

Considérant que le recours en annulation introduit suivant les formes et délai de la loi est recevable ;

Considérant qu’au fond la partie demanderesse fait valoir qu’en vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 15 septembre 1989 sur les critères d’équivalence, pris en application de l’article 13 de la loi d’établissement, l’attestation par lui versée précitée émanant de l’IFPME du 12 février 1999 devrait valoir comme attestation délivrée par un organisme compétent de nature à suffire pour répondre dans son chef aux conditions de qualification professionnelle posées par la loi ;

Qu’il estime que le ministre aurait violé l’article 3 de la directive précitée 1999/42/CE du 7 juin 1999 en ce qu’à travers la décision déférée il n’aurait pas procédé à l’examen comparatif entre les connaissances et compétences attestées par le titre par lui acquis en Belgique dans le but d’exercer l’activité de garagiste-réparateur et les connaissances et compétences exigées par les règles nationales luxembourgeoises pour l’exercice de la même activité du fait que pour le moins le ministère n’aurait pas démontré qu’il existait une différence substantielle entre ces connaissances et compétences respectives ;

Qu’en outre, à supposer l’existence d’une différence substantielle, non admise par le demandeur, le ministère ne lui aurait pas laissé le choix entre le stage d’adaptation et l’épreuve d’aptitude conformément aux dispositions de ladite directive ;

4 Que par ailleurs il remplirait les conditions posées par les articles 4 d) et 6 de la directive en ce qu’à côté de sa formation de deux années il aurait acquis une expérience professionnelle en qualité de dirigeant de l’atelier de la société SERVICE AUTOMOBILE S.A. pendant plus de six ans ;

Considérant que le délégué du Gouvernement fait valoir qu’il serait constant que Monsieur RENARD ne disposerait ni d’un brevet de maîtrise pour le métier dont il sollicite l’exercice, ni d’un diplôme universitaire d’ingénieur de la branche, tels que requis par la loi ;

Que le ministre, estimant que son diplôme belge produit n’était pas assimilable au brevet de maîtrise, lui aurait indiqué, à travers la décision déférée, que compte tenu de son dit diplôme, une formation complémentaire dans certaines matières était requise aux fins de parfaire sa qualification professionnelle ;

Que dans la mesure où la pratique professionnelle invoquée par le demandeur aurait été entièrement acquise au Grand-Duché de Luxembourg, le droit national luxembourgeois serait applicable, sans que le droit communautaire ne puisse être invoqué à cet égard, dont plus particulièrement la production d’une attestation CEE sur base de la directive transitoire 64/427/CEE, abstraction faite de l’autorité compétente pour ce faire en l’espèce ;

Que tout en admettant que les directives non transposées sont dans certaines conditions directement applicables, le représentant étatique fait valoir qu’en l’espèce la directive 1999/42/CE prévoirait comme date butoir de transposition le 31 juillet 2001, de sorte que ses dispositions ne sauraient s’appliquer directement à l’heure actuelle ;

Que dès lors le défaut de qualification professionnelle retenu à travers la décision déférée resterait donné, entraînant que le recours serait non fondé ;

Considérant que dans son mémoire en réplique le demandeur fait valoir que l’article 6 du règlement grand-ducal du 15 septembre 1989 précité se rapporterait expressément aux directives communautaires existant dans la matière et plus précisément également à la directive 1999/42/CEE précitée, sans qu’il n’y soit distingué suivant que le postulant est migrant au sens du droit communautaire ou non ;

Que si une expérience professionnelle acquise dans un autre Etat membre pouvait être prise en considération à travers ces dispositions, tel devrait a fortiori être le cas pour une expérience professionnelle acquise dans l’Etat membre même dans lequel l’autorisation d’exercer un métier est demandée ;

Que même si la date butoir de transposition ne serait pas encore échue, les Etats membres auraient l’obligation de s’abstenir de prendre une disposition de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par une directive existante ;

Que la position du ministre reviendrait à l’obliger à patienter jusqu’à la transposition de ladite directive, soit jusqu’au plus tard au 31 juillet 2001, date à laquelle l’accès à la profession sollicité ne saurait plus lui être refusé ;

5 Que dans la mesure où ladite directive exprimerait une obligation claire, précise et inconditionnelle, elle serait d’application directe et devrait être respectée en tant que telle par les autorités du pays ;

Que le demandeur souligne encore que ce serait uniquement en raison de l’absence au Grand-Duché de Luxembourg d’un manuel en français pour certains cours - notamment la “ Fachtheorie ” ne serait enseignée qu’exclusivement en allemand - qu’il aurait été contraint de suivre une formation en Belgique, sa langue maternelle étant le français, ainsi qu’il l’aurait déjà expliqué à travers son recours gracieux ;

Considérant que d’après l’article 3 de la loi d’établissement, l’autorisation sollicitée ne peut être accordée à une personne physique que si celle-ci présente, outre les garanties nécessaires d’honorabilité professionnelle, également celles de qualification professionnelle prévues par la loi ;

Considérant que d’après l’article 13 (1) de la même loi, dans le secteur artisanal, la liste des métiers principaux et secondaires, ainsi que leurs champs d’activités, sont établis par règlements grand-ducaux pris sur avis des chambres professionnelles intéressées ;

Considérant que d’après le règlement grand-ducal modifié du 19 février 1990 ayant pour objet 1. d’établir la liste des métiers principaux et secondaires prévus à l’article 13 (1) de la loi d’établissement du 28 décembre 1988 ; 2. de déterminer les conditions de qualification professionnelle requises pour l’exercice des métiers secondaires, conformément à l’article 13 (3) de la loi d’établissement du 28 décembre 1988, le métier de mécanicien d’autos et de motos est référencé sous le numéro 304-00 correspondant, à partir de ses deux derniers chiffres, à un métier principal conformément à l’article 1er dudit règlement grand-ducal ;

Considérant que d’après l’article 13 (2) de la loi d’établissement, prise en sa première phrase, des artisans exerçant un métier principal doivent être en possession du brevet de maîtrise ou du diplôme universitaire d’ingénieur de la branche ;

Considérant qu’il est constant en cause que Monsieur RENARD ne remplit pas cette exigence de qualification ;

Considérant que d’après le même article 13 (2), seconde phrase “ le ministre ayant dans ses attributions les autorisations d’établissement, sur avis de la commission prévue à l’article 2 et après consultation de la Chambre des Métiers, peut reconnaître à un postulant, démuni des diplômes précités, une qualification professionnelle suffisante soit pour l’ensemble, soit pour une partie d’un métier repris sur la liste établie par règlement grand-ducal sur la base des pièces justificatives reconnues comme équivalentes, conformément aux critères à déterminer par règlement grand-ducal ” ;

Considérant que le règlement grand-ducal précité du 15 septembre 1989, tel que modifié par la suite, détermine les critères d’équivalence prévus à l’article 13 (2) de la loi d’établissement et vise d’abord à travers son article 1er ensemble les articles 2 et 3 qui s’y réfèrent, des diplômes sanctionnant une formation de niveau universitaire ou du niveau d’enseignement supérieur notamment technique d’au moins trois années pouvant être 6 reconnue comme équivalente à un brevet de maîtrise, hypothèse non vérifiée en l’espèce, ne fût-ce qu’en raison de la durée de l’enseignement à la base de l’attestation produite;

Considérant que le même règlement grand-ducal du 15 septembre 1989 prévoit en son article 6 que “ les attestations délivrées par les organismes compétents des pays membres du Marché Commun sur base des directives communautaires dans le domaine de l’artisanat sont à considérer comme pièces équivalentes lorsque le bénéficiaire de l’attestation répond aux conditions de capacité professionnelle y prévues ” ;

Considérant qu’il convient de déterminer préliminairement à ce stade si parmi les directives communautaires régissant la matière, en l’espèce la directive 1999/42/CE précitée a pu être utilement invoquée par le demandeur à l’appui de son recours;

Considérant qu’au regard de sa nature d’acte de réglementation à deux étages (Encyclopédie DALLOZ, Répertoire de droit communautaire V° Directive n° 20), et au-

delà de toute contingence de vocabulaire - qu’elle soit appelée à être transposée, traduite ou introduite, exécutée en droit interne - (cf. Jurisclasseur Europe V° ordre juridique communautaire fasc 410, n° 106) il convient de distinguer dans le chef d’une directive communautaire sa date d’entrée en vigueur de la date limite fixée pour sa transposition ;

Considérant que le fait d’adopter la conception doctrinale du monisme, selon laquelle droit interne et droit international sont des manifestations d’un même ordre juridique, le droit international primant le droit interne, ou celle du dualisme, selon laquelle droit interne et droit international sont deux ordres juridiques distincts, d’égale valeur et indépendants, est appelé en principe à rester sans incidence face aux modalités de transposition d’une directive communautaire, lesquelles relèvent, en règle générale, des dispositions respectives de droit interne des Etats membres destinataires concernés, et ne sont pas conditionnées en principe par le contenu même de la directive en question ;

Considérant que la directive existe en tant que norme communautaire dès son entrée en vigueur, dans les conditions fixées par l’article 191 du traité de Rome, devenu l’article 254 suite à la renumérotation opérée par le traité d’Amsterdam du 2 octobre 1997, sans qu’un effet direct n’en soit dégagé par la jurisprudence communautaire à ce stade ;

Considérant qu’il est constant que ce n’est que si elles répondent aux exigences de clarté, de précision et d’inconditionnalité, dégagées par la jurisprudence de la Cour de Justice des communautés européennes, que les dispositions d’une directive communautaire produisent un effet direct vertical en faveur d’un justiciable face à un Etat membre destinataire ;

Considérant que dans la mesure où par essence l’effet direct est destiné à combler la non-transposition, totale ou partielle, voire la transposition non correcte par ledit Etat membre destinataire de la directive en question, pareil effet ne saurait être opéré comme tel qu’une fois la date butoir de transposition révolue (cf. E.D. Répertoire de droit communautaire, loc. cit. n°s 43 et ss ; Jurisclasseur Europe, loc. cit. n° 122);

Considérant que la directive 1999/42/CE du 7 juin 1999 précitée est entrée en vigueur le jour de sa publication au journal officiel des communautés européennes, le 31 7 juillet 1999, conformément à son article 15, étant entendu que d’après son article 14.1 les Etats membres sont appelés à adopter les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à ladite directive avant le 31 juillet 2001 ;

Considérant que s’agissant d’une directive pour laquelle le délai de transposition est encore en cours, aucun effet direct n’a pu être utilement invoqué par Monsieur RENARD à partir des dispositions de la directive 1999/42/CE précitée à l’égard de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant qu’appelés à se conformer à une directive entrée en vigueur dans le délai de transposition par elle fixée, les Etats membres destinataires sont corrélativement tenus à ne poser aucune mesure d’ordre général allant à l’encontre du résultat à atteindre par ladite directive, auquel cas un administré pourrait, le cas échéant et de façon indirecte, invoquer la non-conformité de la mesure d’ordre général ainsi posée par rapport à la norme communautaire posée ;

Considérant qu’il est patent que le demandeur ne critique aucune mesure d’ordre général dans le chef du ministre, mais se borne à mettre en question l’application particulière à son cas de l’appréciation faite par celui-ci de ses qualifications professionnelles, sans cependant indiquer en quoi concrètement les éléments complémentaires exigés dans son chef ne seraient pas justifiés en l’espèce ;

Considérant qu’il s’ensuit que le recours laisse d’être fondé dans la mesure où il est assis sur le non-respect allégué des dispositions de la directive 1999/42/CE du 7 juin 1999 précitée ;

Considérant qu’il appert encore que l’attestation ainsi désignée émanant de l’IFPME précitée ne correspond point à une attestation au sens de l’article 4.2 de la directive provisoire n° 64-427 du Conseil de la communauté économique européenne relative aux modalités des mesures transitoires dans le domaine des activités non salariées de transformation relevant des classes 23 à 40 CTTI (industrie et artisanat), l’IFPME ne correspondant point à l’autorité compétente désignée par le pays de provenance aux fins d’attester les activités professionnelles ayant effectivement été exercées par le bénéficiaire y visé ainsi que leur durée ;

Considérant que par voie de conséquence Monsieur RENARD n’a pas rapporté, au stade actuel de la procédure, la preuve d’une qualification professionnelle suffisante, par équivalent, conformément à la législation pertinente applicable ;

Que n’ayant pas non plus précisé en quoi les mesures complémentaires de perfection de sa qualification retenues par le ministre seraient contraires à la législation applicable, abstraction faite des dispositions de la directive 1999/42/CE précitée, son recours laisse d’être fondé ;

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en la forme ;

8 au fond le dit non justifié ;

partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 décembre 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Delaporte 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12256
Date de la décision : 13/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-13;12256 ?

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