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13/12/2000 | LUXEMBOURG | N°12065

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 décembre 2000, 12065


N° 12065 du rôle Inscrit le 20 juin 2000 Audience publique du 13 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … SCHNEIDER, Esch-sur-Alzette contre une décision de l’entreprise des Postes et Télécommunications en matière de démission d’office

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12065 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2000 par Maître Albert RODESCH, avocat à la C

our, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SCHNEIDER, facteu...

N° 12065 du rôle Inscrit le 20 juin 2000 Audience publique du 13 décembre 2000

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Recours formé par Monsieur … SCHNEIDER, Esch-sur-Alzette contre une décision de l’entreprise des Postes et Télécommunications en matière de démission d’office

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Vu la requête inscrite sous le numéro 12065 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 20 juin 2000 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … SCHNEIDER, facteur à l’entreprise des Postes et Télécommunications, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du comité de direction de l’entreprise des Postes et Télécommunications du 16 mars 2000, prononçant avec effet immédiat la démission d’office de ses fonctions à son égard ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 21 juin 2000 portant signification de ce recours à l’entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 27 juin 2000 par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’entreprise des Postes et Télécommunications ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 26 juillet 2000 portant signification de ce mémoire en réponse à Monsieur … SCHNEIDER ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Albert RODESCH et Georges KRIEGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 novembre 2000.

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Suivant décision du comité de direction de l’entreprise des Postes et Télécommunications, ci-après appelée “ l’entreprise des P&T ”, du 31 juillet 1997, Monsieur … SCHNEIDER, demeurant à L-…, fut admis au stage de facteur à l’entreprise des P&T à Luxembourg avec effet à partir du 1er août 1997. Par décision du 16 mars 2000, le comité de direction prononça la démission d’office de ses fonctions avec effet immédiat à l’égard de Monsieur SCHNEIDER au motif qu’il “ est absent sans autorisation depuis le 18 février 2000 ”.

Par courrier du 12 mai 2000, Monsieur SCHNEIDER s’adressa à la direction des P&T pour solliciter un réexamen de son dossier, tout en présentant ses excuses sur les absences en question et en fournissant des explications afférentes. Il releva à cet égard que son absence aurait été due à une dépression et versa, à l’appui de cette explication, un certificat médical établi par le docteur …, médecin-spécialiste en neuro-psychiatrie, psychothérapie individuelle et familiale, datant du 11 mai 2000.

Le recours gracieux ainsi introduit étant resté sans suite, Monsieur SCHNEIDER a fait introduire, par requête déposée en date du 20 juin 2000, un recours contentieux tendant à l’annulation de la décision précitée du comité de direction de l’entreprise des P&T du 16 mars 2000.

Le recours, non autrement contesté sous ce rapport, est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que son absence à son poste à partir du 18 février 2000 aurait été due à des raisons indépendantes de sa volonté, étant donné qu’à cette époque il se serait trouvé dans un état dépressif majeur, qu’il aurait fait une fugue et qu’il aurait été suicidaire. Il renvoie à cet égard au certificat médical établi par le docteur … par lui versé à l’appui de son recours gracieux et ayant conclu qu’à ce moment il “ a présenté des troubles importants de ses capacités de jugement et que son sens de la responsabilité était fortement altéré ”, pour soutenir que dans ces conditions on ne pourrait lui reprocher d’avoir été absent sans excuse de son poste de travail, l’état dans lequel il se serait trouvé l’ayant empêché de discerner les conséquences de son attitude. Il relève en outre que la crise qu’il aurait traversée aurait eu un caractère tout à fait exceptionnel, qu’il se serait toujours présenté à l’heure à son poste de travail et qu’en cas d’empêchement il aurait toujours averti ses supérieurs hiérarchiques. Le demandeur déduit des considérations qui précèdent que la décision déférée devrait encourir l’annulation pour ne pas avoir pris en compte son état de maladie.

La partie défenderesse rétorque que le 20 janvier 2000, Monsieur SCHNEIDER s’était fait porter malade jusqu’au 17 février 2000 inclus, à cause d’un accident survenu à Frisange où il avait glissé sur une plaque de verglas, qu’en date du 18 février 2000 il n’avait pas repris son travail et n’avait pas non plus informé son supérieur hiérarchique qu’il n’allait pas revenir et que, après avoir entendu de la part de l’amie de Monsieur SCHNEIDER qu’elle ne l’avait plus vu depuis le 11 février 2000, le préposé du bureau de Remich aurait essayé de le retrouver auprès de sa mère, ainsi qu’auprès de son père, mais que ces recherches se seraient révélées vaines. Elle expose ainsi que pendant des semaines entières et ce jusqu’au 7 mars 2000, l’entreprise des P&T n’aurait plus eu de nouvelles de Monsieur SCHNEIDER, mais qu’en date du 8 mars 2000 celui-ci se serait présenté au bureau des P&T de Steinfort pour y enlever tous les fonds dont il disposait encore. Dans la mesure où des efforts subséquents de la part du service personnel de l’entreprise des P&T pour retrouver le demandeur auraient également été vains, l’entreprise, en date du 16 mars 2000, soit un mois après le départ de Monsieur SCHNEIDER, n’aurait plus vu d’autre possibilité que de faire application de l’article 40, 2), b) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après appelé “ le statut général ”, qui prévoit que “ la démission d’office peut être prononcée sans qu’il y a lieu de recourir à la procédure disciplinaire dans le cadre de l’abandon de l’exercice des fonctions ”.

2 La partie défenderesse fait valoir par ailleurs que le demandeur n’aurait soulevé aucun moyen d’annulation dans le cadre de son recours et que les éléments du dossier auxquels fait référence le demandeur, en l’occurrence un rapport psychiatrique datant du mois de mai 2000, ne sauraient être pris en considération par le tribunal, étant donné que celui-ci serait appelé à toiser le litige uniquement en prenant en considération les éléments dont disposait le comité de direction de l’entreprise des P&T au moment de la prise de la décision déférée. Elle s’interroge par ailleurs comment un médecin pourrait évaluer ex post le comportement suicidaire de son client.

L’entreprise des P&T constitue, en vertu des dispositions de l’article 1er de la loi modifiée du 10 août 1992 portant création de l’entreprise des P&T, un établissement public.

L’article 24 (1) de cette loi précise au sujet du personnel de l’entreprise que “ le régime des agents de l’entreprise est un régime de droit public ” et que “ les dispositions actuelles et futures du statut général, du régime des traitements, indemnités et pensions, de la législation sur les fonctionnaires et employés de l’Etat ainsi que celles du contrat collectif des ouvriers de l’Etat s’appliquent en principal et accessoires, modalités, délais et recours aux agents respectifs de l’entreprise ”.

Le statut général, ainsi rendu expressément applicable aux agents de l’entreprise des P&T, dispose dans son article 40 sub 2), b) que “ la démission d’office peut être prononcée sans qu’il y a lieu de recourir à la procédure disciplinaire : (…) b) dans le cas de l’abandon de l’exercice des fonctions ”.

L’abandon de l’exercice de ses fonctions ainsi visé se caractérise par un élément matériel, à savoir l’absence physique prolongée du lieu de travail et un élément moral, consistant dans la volonté de démissionner définitivement de son poste. Si cette volonté peut être implicite, elle doit cependant être claire et non équivoque (cf. trib. adm. 6 octobre 1997, n°s 9920 et 9921 du rôle, BODE, confirmé par Cour adm. 29 janvier 1998, n° 10389C du rôle, Pas. adm. 1/2000, Fonction publique, V° Employés de l’Etat, n° 151).

En l’espèce, il est constant qu’au-delà d’une première absence pour cause de maladie dûment documentée par un certificat médical pour la période du 20 janvier au 17 février 2000, le demandeur s’est effectivement absenté de manière prolongée de son poste pendant une période de plus d’un mois sans avoir fourni une quelconque explication afférente à son employeur, de sorte que l’élément matériel requis à la base d’un abandon de l’exercice des fonctions est clairement établi en cause.

Concernant ensuite la question de l’intention dans le chef du demandeur d’abandonner l’exercice de ses fonctions, il y a lieu de relever d’abord que la légalité d’une décision administrative s’apprécie en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise et que dans le cadre d’un recours en annulation, le juge administratif est amené à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la mesure prise est proportionnelle par rapport aux faits établis, de manière à pouvoir se référer valablement à une attestation d’un professionnel dans le domaine médical – fût-elle établie postérieurement à la prise de décision – du moment qu’à travers son contenu elle entend éclaircir des faits remontant à une période antérieure à la prise de décision.

3 Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen de la partie défenderesse tendant à voir écarter des débats le certificat médical établi par le docteur … en date du 11 mai 2000 est à écarter, dans la mesure où ledit certificat a pour objet d’apporter des éclaircissements sur l’état de santé de Monsieur SCHNEIDER pendant la période correspondant à son absence injustifiée de son poste à la base de la décision litigieuse.

Force est cependant de constater qu’à partir des faits constants en cause tenant à l’absence de toute explication portée à la connaissance de son employeur relativement à son absence, et ce malgré une présence au pays dûment constatée à travers les opérations administratives et financières effectuées par le demandeur au bureau des P&T à Steinfort, le comité de direction de l’entreprise des P&T a valablement pu admettre dans le chef du demandeur l’existence d’une volonté implicite d’abandonner définitivement son poste. En effet, la conclusion du docteur …, en ce qu’il a retenu que “ la fugue que Monsieur SCHNEIDER a présenté se déroulait dans un contexte d’une affection psychiatrique grave. Le patient à ce moment-là a présenté des troubles importants de ses capacités de jugement et son sens de la responsabilité était fortement altéré ”, tout en apportant un éclaircissement sur les circonstances à la base de sa volonté de ne plus se présenter à son poste, n’est pas pour autant de nature à dénier dans son chef l’existence d’une volonté de rompre les ponts avec son employeur, partant de démissionner définitivement de son poste, mais ne fait qu’expliquer la survenance de cette volonté à partir de son état dépressif.

Le tribunal administratif statuant dans le cadre d’un recours en annulation n’étant pas juge de l’opportunité d’une décision lui déférée, force est pour lui de constater en l’espèce que les faits à la base de la décision déférée, à savoir une absence physique prolongée du demandeur de son lieu de travail ainsi qu’une volonté afférente d’abandonner son poste, sont légalement établis.

Le recours laisse partant d’être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié ;

partant en déboute ;

laisse les frais à charge du demandeur.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 décembre 2000 par :

M. Delaporte, premier vice-président Mme Lenert, premier juge M. Schroeder, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

4 s. Schmit s. Delaporte 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 12065
Date de la décision : 13/12/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2000-12-13;12065 ?

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